mardi 22 avril 2014

ZURBARAN : BOZAR (3)

L’Apparition de la Vierge du rosaire aux chartreux, ca 1638- 1639 
Poznań, Muzeum Narodowe w Poznaniu (Raczyński Foundation)

SALLE 9 - La Vierge des chartreux

L’Apparition de la Vierge du rosaire aux chartreux est une des compositions monumentales les plus ambitieuses  du peintre, réalisée à l'apogée de sa carrière. Elle représente Marie, entourée de roses, prenant sur un plateau que lui tend un ange un chapelet de 5 dizaines. Elle s'apprête à le donner au chartreux Dominique de Trèves (qui mit au point le rosaire en 50 mystères) qui tend la main pour le recevoir. Devant lui et sur l'escalier qui monte vers la Vierge, le sol est jonché de pétales de roses.
D'autres commandes d'envergure, les plus ambitieuses de sa carrière, lui sont passées entre 1636 et 1640 – après son retour de Madrid – et lui donnent l’occasion de porter son oeuvre à sa pleine maturité artistique, mobilisant toute ses capacités créatives. Il réalise, pour la chartreuse Sainte-Marie de la Defensión à Jerez de la Frontera, les splendides tableaux du maître-autel et d’autels mineurs de l’église conventuelle. Au monastère hiéronymite de Guadalupe (province de Cáceres), il peint ceux de la sacristie – seul cycle resté intact à l’emplacement pour lequel il a été créé. Enfin, pour le couvent Saint-Joseph de la Merci déchaussée à Séville, Zurbarán réalise les peintures du retable principal et de certains retables latéraux, mais aussi une longue série de martyrs mercédaires.

Sainte Casilda ca. 1635 Madrid, 
Museo Thyssen-Bornemisza 

SALLE 10 - Peintures pour le Nouveau Monde

Au milieu du siècle les commandes des monastères se tarissent, fautes de moyens et Zurbáran exécute alors des séries pour l’exportation, à moindre prix, à l’iconographie moins exigeante, visant une clientèle plus vaste. Ainsi la série des saintes martyres, auxquelles Zurbarán impulse une sensibilité toute personnelle. Plusieurs documents, mentionnant commandes ou règlements en instance, attestent d’une relation soutenue entre Zurbarán et le Nouveau Monde, où s'étaient installés certains nobles originaires d'Estramadure. Ces saintes formaient souvent des séries complètes, accrochées le long des murs des églises conventuelles, comme si elles marchaient en procession vers le ciel après être morte en martyres. Elles sont le plus vêtues de manteaux et tuniques remontant aux siècles précédents, aux riches étoffes, coloris variés et broderies somptueuses, et parées parées de bijoux resplendissants symbolisant leur élection divine.

Sainte Marguerite ca. 1631
National Gallery, Londres

Sainte Marguerite, elle, est peinte sous les traits d'une très élégante bergère. Pourtant, le bâton qu'elle tient à la main, n'est pas une houlette : il se termine par un croc, et la présence inquiétante du dragon à gauche enlève tout aspect champêtre à ce portrait.
Marguerite d’Antioche, alors qu'elle est en train de garder ses moutons, est enlevée par les soldats d'un préfet romain, Olybrius, qui a succombé aux charmes de la jeune fille et qui veut l’épouser. Or la sainte d’Antioche avait rejoint les premiers chrétiens et ne voulait pas renier sa nouvelle religion et, encore moins, sa foi en Jésus Christ, en honorant les dieux païens auxquels croyait Olybrius. Fou de rage, le préfet tenta de faire fléchir sa belle par des procédés les plus cruels, dont la flagellation. Or, malgré l’emprisonnement, les supplices et les souffrances, elle tint bon. Le diable lui-même s'en mêla en apparaissant à Marguerite sous la forme d'un dragon, qu’elle était enfermée dans son cachot. Elle le maîtrisa et le mit en laisse, soumis. Il fallut à son fiancé dépité, la faire décapité pour venir à bout de cet entêtement.

Sainte Agathe  ca. 1633
Musée Fabre - Montpellier

Agathe de Catane, était d'une très grande beauté et honorait Dieu avec ferveur, lui ayant consacré sa virginité. Quintien, proconsul de Sicile souhaitait par-dessus tout l'épouser, pensant qu'il pourrait ainsi gagner en respect mais aussi jouir de sa beauté et de sa fortune. Agathe ayant refusé ses avances, Quintien l'envoya dans un lupanar tenu par une certaine Aphrodisie qu'il chargea de lui faire accepter ce mariage et de renoncer à son Dieu. La tenancière ayant échoué, Quintien fit jeter Agathe en prison et la fit torturer. Parmi les tortures qu'elle endura, on lui arracha les seins à l'aide de tenailles mais elle fut guérie de ses blessures par l'apôtre Pierre qui la visita en prison. L'épisode des seins arrachés est le symbole le plus fréquent pour représenter la sainte, et celle de Montpellier, les présent avec un naturel déconcertant sur un plat argenté. Elle incline avec grâce son regard très doux vers le spectateur auquel elle se présente dans un habit somptueux, aux manches bouillonnées d'un jaune profond, son buste dépourvu d'appâts sobrement corseté de velours vert, et portant sur l'épaule, presque avec négligence, une légère cape rouge aux plis généreux.

Saint François en extase, ca 1658-1660 
München, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakothek

SALLE 11 - L’oeuvre tardif : Madrid

Après 1650, suite à l’effondrement du marché américain et aux guerres menées en Europe, qui ne favorisent guère le commerce, Séville subit un grave déclin économique. En 1649, Zurbarán perd son fils, Juan lors d'une épidémie de peste bubonique, qui réduit considérablement le nombre d’habitants de la ville et met un frein brutal à beaucoup d’activités. Murillo, plus jeune, plus à la mode, accapare les rares commandes encore lancées et Zurbarán doit quitter Séville pour trouver de nouveaux marchés. Il s'installe définitivement à Madrid en 1658, et y développe un style plus doux, plus intimiste, qui montre une nouvelle approche du langage pictural. Ce sont surtout des peintures de dévotion, de formats plus réduit, aux compositions plus simples, moins chargées en personnages.

SALLE 12 - Un peintre dévot

La dernière section se propose, à travers deux tableaux emblématiques, de nous offrir une sorte de synthèse de tout l’oeuvre de leur auteur. Ils datent des dernières années de la vie de Zurbarán.


On a voulu voir dans le Christ en croix contemplé par saint Luc, un autoportrait du peintre ayant donné ses traits à l'évangéliste auteur supposé d'un portrait de la Vierge et patron de la confrérie des artistes. Rien ne permet objectivement de confirmer cette supposition mais le lien terriblement affectif entre le saint, armé d'une palette rectangulaire et le crucifié, est intense. La composition, sur fond brun quasi uni, le même brun que celui du bois, et le même encore que le manteau du saint, est d'une sobriété éblouissante. Elle permet de concentrer toute l'attention sur la diagonale qui, du haut à gauche au bas à droite, explicite le message du tableau sans la moindre fioriture inutile.


Le Christ, penché vers le peintre, semble diriger son regard dèjà vide vers le visage ardent de cet homme qui le contemple en silence.


Luc, le visage illuminé par un clarté irréelle, lève vers Jésus un regard plein d'une confiance, d'une tendresse, d'une adoration ineffables et très douce. Le personnage, cantonné dans le bas à droite de la composition sévère, l'anime, lui donne vie et sens, et, grâce en particulier à la teinte rose très douce de sa blouse, humanise cette crucifixion qui, sans lui, serait d'une aridité absolue.



La Vierge à l’Enfant et le petit saint Jean date de 1662 et c'est la dernière oeuvre signée de Zurbarán : il meurt deux ans plus tard, en 1664. Les toiles de fin de vie des artistes, installées en fin d'exposition, sont toujours très émouvantes. Celle-là l'est particulièrement tant le peintre vieillissant s’approprie le thème choisi et l’interprète d’une manière totalement personnelle. Sa manière très particulière de représenter une scène intime, soulignée par quelques humbles objets quotidiens, une coupe de fruits, un livre que tient négligemment Marie, trahissent une intériorité ardente et serine. Toute la lumière de la scène émane de la silhouette rebondie de l'enfant Jésus, tendrement penché vers Saint Jean. Dans ce tableau, comme en une synthèse très simple, Zurbarán exprime un sentiment religieux très fort mais très clair, d'une absolue sincérité et d'une vigueur intacte malgré les ans. Une façon idéale de terminer ce parcours fascinant. Le peintre de mon adolescence a tenu ses promesses !!!


La plupart des reproductions de ces articles proviennent de Wikipaintaing ou du site de l'exposition Zurbarán de Ferrare
Ouvrages utilisés pour les données historiques et biographiques : Zurbarán par Paul Guimard aux Editions du temps et le catalogue de l'exposition Bozar.


2 commentaires:

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