lundi 13 octobre 2014

L'HERMIONE : ALLER - RETOUR

 

A la fin des années 1770, une série de quatre frégates est mise en chantier dans l'arsenal de Rochefort sur une cale de construction proche de la Corderie Royale : la Courageuse, la Concorde, la Fée et, en 1778, l'Hermione. C'est une frégate dite légère, rapide et maniable : 65 mètres de longueur hors tout,  et une voilure de 1500 m2 répartie sur trois mâts, l'Hermione est équipée de 26 canons tirant des boulets de 12 livres, d'où son nom de "frégate de 12". Il fallut à l'époque 11 mois de travail pour des centaines de charpentiers, forgerons, perceurs, cloueurs, calfats... bagnards... pour terminer le navire (35 000 journées de travail). Entre mai et décembre 1779, le navire est testé avec succès dans le golfe de Gascogne sous le commandement du jeune lieutenant de vaisseau Louis-René-Madeleine de Latouche-Tréville (futur vice-amiral et commandant en chef de la marine de Napoléon). L’Hermione réalise alors une brillante campagne au large des côtes françaises, capturant avec audace plusieurs corsaires anglais et de nombreux navires marchands.


Après la guerre de Sept Ans (1756-1763), la Grande-Bretagne imposa des taxes à ses treize colonies d’Amérique du Nord sans les consulter. Les colons américains se révoltèrent et protestèrent auprès du roi George III et du Parlement de Londres. La métropole envoya des troupes pour mater la révolte. Les représentants des colonies réunis à Philadelphie adoptèrent la Déclaration d’indépendance le 4 juillet 1776. Après une série de revers de l’armée continentale commandée par George Washington, la guerre contre la Grande-Bretagne tourna à l’avantage des Américains. Les insurgés reçurent l’aide de volontaires français puis de la France de Louis XVI, de l’Espagne et des Provinces-Unies. La France s'engagea d'abord dans la guerre d'indépendance américaine par la fourniture de matériel et d'aides en faveur des insurgés. Elle s'engagea ensuite officiellement en 1778. En janvier 1779, le tout jeune  Gilbert Motier, marquis de La Fayette, qui était s'était déjà porté volontaire au service de la cause américaine, revient en France où il s'efforce d'obtenir pour elle le soutien officiel de son pays. Il réussit à convaincre le roi Louis XVI et son état-major d'apporter une aide militaire et financière aux troupes du Général Washington. Le 21 mars 1780, le jeune major général de La Fayette embarque à bord de l'Hermione dans le port de Pauillac et, 38 jours plus tard, il rejoint le général Washington pour lui annoncer l'arrivée imminente des renforts français. Dix-huit mois plus tard, les insurgents américains, auxquels s'est joint La Fayette remportent dans la baie de la Chesapeake sur mer, puis à Yorktown sur terre des victoires décisives avec l'appui des troupes françaises conduites par Rochambeau et de Grasse.


En février 1782, alors que la guerre a basculé en faveur des insurgés américains que Louis XVI soutient, la frégate regagne la France. Elle fait un petit détour par la golfe du Bengale pour renforcer l'escadre de Pierre André de Suffren dans le conflit avec les Britanniques et, la paix signée, retourne à Rochefort en avril 1784. Durant la période révolutionnaire la frégate, amarrée à Nantes, reprend du service contre l'Angleterre, ennemie jurée de la France révolutionnaire après l'exécution du roi. Malheureusement, le 20 septembre 1793, commandée par un équipage peu expérimenté, elle sombre à la sortie de l'estuaire de la Loire, fracassée contre des rochers au large du Croisic, sur le plateau du Four. 


Et voilà qu'en 1992, une association de doux rêveurs se crée à l'initiative de quelques membres du Centre International de la Mer installé à la Corderie Royale et de plusieurs élus de la Ville de Rochefort. L'Association Hermione-La Fayette projette de reconstruire la frégate à l'indentique. L'affaire est d'autant plus compliquée que les plans du navire ont disparu et il faudra racheter aux anglais, excusez du peu, les plans d'une autre frégate identique qu'ils avaient capturée et dont ils avaient, en bons espions "industriels" relevés toutes les caractéristiques techniques afin de s'en inspirer. Il faut aussi trouver des financements, et à l'époque le projet n'est guère crédible, et lancer un appel d'offres pour identifier et retenir un constructeur. A partir de 1997, le chantier commence grandeur réelle, et durant 17 années, des millions de visiteurs (4 au total) défileront devant la coque de plus en plus haute de ce rêve prenant, de mois en mois, forme et réalité. Jusqu’à la mise au printemps dernier, et le recrutement d'un vrai équipage pour, enfin, joindre de nouveau les côtes américaines durant l'été 2015. Depuis la mise à l'eau, la frégate est, comme en 1779, "testée dans le Golfe de Gascogne" et une escale bordelaise a été programmée, et même rallongée vu le succès des réservations pour la visite, du 7 au 13 octobre de cette année. Il eut été plus logique d'ancrer l'Hermione à Pauillac, mais il est sûr qu'il y aurait eu moins de visiteurs que dans le Port de la Lune !


Nous devions suivre la frégate lors de son passage à hauteur de nos côtes lors de son voyage vers Bordeaux : mais le "promène-couillons" auprès duquel nous avions réservé notre passage s'est ému du temps pourri qui régnait ce jour-là sur l'estuaire et, un peu frileusement, a annulé la sortie : nous avons donc regardé passer le navire de loin (plus de 4km), car après la traversée de la passe de la Mauvaise et avoir longé la côte royannaise le bateau a piqué, quoi de plus normal, vers Pauillac. Suivi, comme il se doit par une escouade des petits navires, collés à son bord et qui eux, n'avaient pas eu peur de la houle.



A Bordeaux, il faisait à son arrivée aussi gris qu'ici et, malheureusement, elle est entrée dans le Port de la Lune sans voile. Nous n'y étions pas, mais le nombre d'admirateurs le long des quais et de visiteurs qui ont visité durant tout le séjour bordelais était impressionnant. Et, forcément, très lucratif : ainsi, chacun participe un peu par son billet d'entrée, au futur voyage américain, un budget de 3 000 000€ dont il manque encore 500 000€. On dit que notre Madame Royale se serait entremise auprès de américains pour obtenir quelques subsides ... pas très royal ça !



Quant aux membres de l'équipage, ils ont tiré leur canons, ils ont chanté, ils se sont vêtus de beaux atours et, surtout, ils ont accueilli les foules compactes venues visiter leur jolie frégate.


Au retour, notre promène-couillons s'est encore "dégonflé", arguant cette fois-ci d'horaires de marées peu commodes pour organiser une virée. Il faut savoir qu'en nos ports d'estuaire, les sorties doivent suivre le flux et le reflux et qu'on ne peut risquer de se trouver face au chenal d'entrée à marée basse au risque de rester coincé en mer durant 6h. Admettons, mais je crois que les raisons de ces réticences sont à chercher dans le peu d'attrait des maîtres du navire pour suivre un bateau de parade.


Il ne nous restait plus qu'à suivre le chemin de la frégate sur marine traffic et de nous armer, comme à l'aller, de zoom et longue vue pour en profiter au mieux. Avec, cette fois-ci, du soleil en prime ! Mais une voilure nettement plus réduite, à contre-jour et toujours d'aussi loin !!


Bon vent belle Hermione, et bientôt l'Amérique .... Juste là-bas, après la ligne d'horizon...


Beaucoup de photos et d'infos sur le site de Sud-Ouest

7 commentaires:

  1. Comme le dit je ne sais plus qui ni exactement où dans Pagnol je crois : "Tout le monde savait que c'était impossible et puis, il est arrivé un qui ne le savait pas ; et il l'a fait". Bel exemple de ce que peuvent des passionnés et belle réalisation de vrais artisans. J'ai d'autant plus de plaisir à voir l'Hermione vivante que j'ai plaisir à lire les romans de mer d'Alexander Kent et qu'elle a souvent été une image qui me permettait de visualiser ce qu'était un trois mats lors de mes lectures. Certaines de vos images, un peu mouillées, ont quasiment l'aspect de gravures anciennes. pas mal non plus la photo de loin.
    Merci également pour toutes les précisions historiques. Et combien plus belle est-elle que les 'vacheries' qui flottent souvent sur la lagune de Venise.
    J'espère que quelques heureux veinards auront le plaisir de faire quelques croisières sur ce magnifique bateau.
    Bonne soirée.

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    1. Pour nous aussi une vrai plaisir que cette réalisation que nous avons vue naître, en nous disant "doux rêveurs, mais mission impossible" ... vous avez raison Michel "ils" l'ont fait, et c'est drôlement réussi.
      Quant aux croisières, si vous saviez l'inconfort du bateau ... 1.6m sur le premier pont, on circule avec des casques (enfin les visiteurs pas les marins !!) sous peine de se faire des bosses à chaque pas !! Par contre la traversée pour l'Amérique attire de nombreux marins aguerris et il y a eu tant de demandes qu'on a décidé de faire plusieurs équipages. Une superbe aventure pour ceux qui feront la traversée, dont on parlera forcément beaucoup en 2015. Les américains devraient leur réserver un accueil du tonnerre !

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  2. Encore un billet très intèressant comme tous les autres avec des sujets variés.J'ai été très étonnée que la première frégate a été construite en 11 mois,une autre époque....
    Je commente que très rarement(je n'ai pas votre talent pour l'écriture!) mais vous suis régulièrement et j'apprends beaucoup dans différents domaines.

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    1. Oui Marie Claude, une autre époque car on disposait de beaucoup de monde ... 35 000 journées travail, c'est impressionnant !!
      Merci de me suivre régulièrement, cela me fait chaud au coeur de savoir que je suis lue, d'autant que mon blog n'est pas "facile", les articles sont longs, et, comme vous le disiez, variés, donc inattendus parfois. Ravie de vous savoir là, discrète mais attentive. Merci de votre commentaire

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  3. Vous étiez aux premières loges pour la voir passer, d'un peu loin car le chenal passe près de l'autre rive. Au retour je l'ai vue aussi de chez moi, armée de mes petites jumelles. C'était moins intéressant car elle était au moteur, panne de vent oblige.
    Amitiés.

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    1. Tu as tout à fait raison, au retour on n'avait pas vraiment de voiles en vue et c'était, malgré le temps plus clément qu'à l'aller, très frustrant. Oui, on est loin et ce fichu chenal éloigne vraiment les bateaux de "notre" côte !!
      Bises

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    2. Tu as tout à fait raison, au retour on n'avait pas vraiment de voiles en vue et c'était, malgré le temps plus clément qu'à l'aller, très frustrant. Oui, on est loin et ce fichu chenal éloigne vraiment les bateaux de "notre" côte !!
      Bises

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