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MERVEILLES ET MIRAGES DE L'ORIENTALISME : BENJAMIN CONSTANT (1)
MERVEILLES ET MIRAGES DE L'ORIENTALISME : LE COLORISTE (2)
MERVEILLES ET MIRAGES DE L'ORIENTALISME : BENJAMIN CONSTANT (1)
MERVEILLES ET MIRAGES DE L'ORIENTALISME : LE COLORISTE (2)
Presque 7 mètres par 5,36 ... autant vous dire que la petite photo ci-dessus ne rend que très approximativement ce qu'a voulu "démontrer" Benjamin Constant dans cette Entrée du Sultan Mehmet II à Constantinople le 29 mai 1453. Il la présente au Salon de 1876, il a 31 ans et c'est sa 7ème participation. L'année précédent il avait envoyé un sujet ambitieux, déjà vu à Bordeaux, Prisonniers marocains. Mais avec Mehmet II il veut frapper un grand coup et obtenir la médaille d'or, voire susciter l'admiration des Beaux-Arts et l’achat par l'Etat. Il devra se contenter d'une médaille de deuxième classe, et l'Etat achètera bien sa toile mais pour l'envoyer dans sa bonne ville de Toulouse. Le sujet historique était de mise pour obtenir, à la fin du XIXe, la reconnaissance officielle du monde de l'art et le peintre a donc conçu cette toile monumentale aux ambitions évidentes dans cette optique. Le sujet s'inspire à la fois de l'Histoire de l'Empire Ottoman de Joseph von Hammer-Purgstall (il y fallait bien un historien !!) et des motifs ramenés du voyage au Maroc par l'artiste.
La mise en espace de la scène est traditionnelle des œuvres orientalistes : l'arc y tient une place prépondérante, structurant la composition et lui donnant de la profondeur. Mais ici cet arc est particulier à deux égards : tout d'abord ce n'est pas l'arc outrepassé traditionnel, en forme de fer à cheval qui marque normalement l'exotisme. On a ici un arc en plein cintre, du plus pur roman bien chrétien. En effet, deuxième particularité de cet élément d'architecture, ce n'est pas, comme toujours, une porte de ville mais bel et bien la porte d'un sanctuaire chrétien, vraisemblablement Sainte Sophie.
Une travée indique que la troupe rentre dans un monument et non dans une rue. Les chapiteaux typiquement byzantins, en forme de pyramide tronquée et renversée sur la pointe, décorés de motifs géométriques, et surtout la fresque d'une Vierge à l'Enfant qu'on distingue très clairement sur le mur de droite, ne laissent aucun doute quant au caractère sacré du bâtiment envahi par la troupe de Mehmet. Les cadavres chrétiens sauvagement exécutés, trempés de sang montrent la fascination qu'entretenait le XIXe pour la cruauté réelle ou supposée des despotes orientaux. On n'a aucune études préparatoires de ce "monument" mais il est probable que, selon son habitude, Constant ait fait poser des amis car les personnages principaux se caractérisent par une individualisation très marquée, alors que les autres sont laissés dans le flou.
L'exécution, brillante, est rapide : par endroit le fond de préparation reste visible, mais cela donne une légèreté, une aération au sujet qui sont bien dans la manière de l'artiste. Quant à la superbe tache orange de l’étendard des vainqueurs, barré par le vert éclatant d'un oriflamme brandi par le sultan, elle rappelle, s'il en était besoin, la passion du peintre pour la couleur, développée sur l'ensemble du tableau ... où le dessin reste secondaire, - et c'est sans doute ce qui le priva de la médaille d'or - car ce qui compte pour Constant c'est la vibration de la lumière et le flamboiement de la couleur.
Le roi du Maroc allant recevoir officiellement un ambassadeur européen (1885) : le thème classique de l'entrée triomphale ou du cortège passant sous un arc surbaissé. Prétexte pour Constant à un flamboiement mordoré et à une mise en scène envahie de soleil.
La mise en espace de la scène est traditionnelle des œuvres orientalistes : l'arc y tient une place prépondérante, structurant la composition et lui donnant de la profondeur. Mais ici cet arc est particulier à deux égards : tout d'abord ce n'est pas l'arc outrepassé traditionnel, en forme de fer à cheval qui marque normalement l'exotisme. On a ici un arc en plein cintre, du plus pur roman bien chrétien. En effet, deuxième particularité de cet élément d'architecture, ce n'est pas, comme toujours, une porte de ville mais bel et bien la porte d'un sanctuaire chrétien, vraisemblablement Sainte Sophie.
Une travée indique que la troupe rentre dans un monument et non dans une rue. Les chapiteaux typiquement byzantins, en forme de pyramide tronquée et renversée sur la pointe, décorés de motifs géométriques, et surtout la fresque d'une Vierge à l'Enfant qu'on distingue très clairement sur le mur de droite, ne laissent aucun doute quant au caractère sacré du bâtiment envahi par la troupe de Mehmet. Les cadavres chrétiens sauvagement exécutés, trempés de sang montrent la fascination qu'entretenait le XIXe pour la cruauté réelle ou supposée des despotes orientaux. On n'a aucune études préparatoires de ce "monument" mais il est probable que, selon son habitude, Constant ait fait poser des amis car les personnages principaux se caractérisent par une individualisation très marquée, alors que les autres sont laissés dans le flou.
L'exécution, brillante, est rapide : par endroit le fond de préparation reste visible, mais cela donne une légèreté, une aération au sujet qui sont bien dans la manière de l'artiste. Quant à la superbe tache orange de l’étendard des vainqueurs, barré par le vert éclatant d'un oriflamme brandi par le sultan, elle rappelle, s'il en était besoin, la passion du peintre pour la couleur, développée sur l'ensemble du tableau ... où le dessin reste secondaire, - et c'est sans doute ce qui le priva de la médaille d'or - car ce qui compte pour Constant c'est la vibration de la lumière et le flamboiement de la couleur.
Dans Les derniers rebelles (1880), l'arc reprend sa fonction traditionnelle : surbaissé, porte de ville, il n'encadre pas la scène décrite mais lui fournit un fond de bon aloi. Dans la plaine sablonneuse qui s'étend devant la ville, l'armée du vainqueur a pris possession des lieux. L'empereur à cheval, abrité du soleil par un large parasol, est entouré d'officiers superbement vêtus et semble passer en revue les vaincus étendus à ses pieds. Ce sont les chefs des tribus révoltées : les morts sont couchés sur le dos alors que les vivants, sur le sol desquels l’empereur va statuer, sont entravés et couchés à plat ventre, le nez dans la poussière en signe de soumission.
Le peuple, aggloméré en masse compacte le long de la muraille ou grimpé en haut des remparts, contemple avec un calme apparent l'issue du combat. La toile est fort appréciée de la critique (enfin !!) qui souligne "l'air [qui] circule dans cette vaste toile [...], les figures [qui] baignent bien dans l'atmosphère" et souligne que "ces intéressants résultats sont obtenus sans effort visible, simplement par la justesse relative des tons". Nous y revoilà : on admire en Constant son talent à manier la couleur et à en tirer forme ! Un autre explique "le caractère sinistre du sujet forme le plus singulier contraste avec le brio des costumes et les couleurs étincelantes que l'artiste a dû prodiguer pour se conformer à la réalité. C'est, en effet, sur cette antithèse que roule tout le piquant de la scène, qui frappe d'ailleurs beaucoup plus par son allure brillante et pittoresque que par son caractère dramatique". Et tous de souligner que ces Derniers rebelles marquent une étape décisive dans la brillante et très rapide carrière de l'artiste.
Comme nombre de peintres de son époque, Constant s'adonne à la peinture d'histoire mais il la fantasme à son goût. Il s'en justifie ainsi "La foule s'agglutine devant des tableaux qui représentent des événemetns divers, des scènes de bataille, ou des grandes scènes d'histoire ne témoignant même pas des faits. Mais cela n'a que peu ou pas d'importance. La curiosité des foules ne se fonde pas sur une connaissance rigoureuse, et tout ce qui a la forme d'une composition de figures les intéresse." Et, fidèle à sa passion pour la couleur il ajoute "les coloristes, ceux qui travaillent puissamment la pâte, n'ont jamais vu dans le sujet autre chose qu'un moyen de représenter la vie." Il décide donc de s'affranchir du prétexte narratif pour une peinture "pure", de l'art pour l'art. Pour lui, par exemple, les Noces de Cana de Véronèse est peut-être "le plus beau tableau du monde" : et il le définit non comme un tableau d'histoire mais comme une fête vénitienne, une décoration, une apothéose de la couleur. Ainsi son Conspiration (ci-dessus, vers 1886) intègre des personnages incertains d'un point de vue historique dans un décor fastueux de tentures brodées aux riches coloris.
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