Je disais, il y a quelques jours, que cela risquait d'être, du moins en ce qui concerne la qualité, le dernier, mais ce fut, en tout cas, une superbe réussite. En quelques mots, les moments forts de cette semaine musicale en Pays de Fayence.
Samedi 25 octobre Église de Fayence
QUATUOR MODIGLIANI (France) Philippe Bernhard, violon Loïc Rio, violon Laurent Marfaing, alto François Kieffer, violoncelle
Schubert : Quatuor n°10 en mi bémol majeur (op.125 n°1 – D.87) (1813). Saint-Saëns : Quatuor n°1 en mi mineur (op.112) (1899). Dohnanyi : Quatuor n°3 en la mineur (op.33) (1926).
C'est sous les parasols de Fayence (1) que le Festival a débuté sur les chapeaux de roue ! au point que je craignais (ce qui ne fut, bien sûr, pas le cas) d'avoir "mangé notre pain blanc le premier". Les Modigliani, toujours aussi sûrs, toujours aussi porteurs d'émotion, nous ont proposé un programme tout en nuances et d'une grande richesse musicale. Le quatuor, qui tient à sa "signature" (l'idée étant que, comme le peintre dont ils ont pris le nom, on puisse les reconnaître dès la première note) a en partage une technique au-dessus de tout soupçon et une amitié palpable, qui rend leurs interprétations très "humaine".
Dimanche 26 octobre Église de Seillans
QUATUOR DANEL (Belgique – France) Marc Danel, violon Gilles Millet, violon Vlad Bogdanas, alto Yovan Markovitch, violoncelle
Borodine : Quatuor n°2 en ré majeur (1881). Chostakovitch : Quatuor n°10 en la bémol majeur (op.118) (1964). Tchaïkovski : Quatuor n°1 en ré majeur (op.11) (1871).
Précédés d'une réputation qui va s'affirmant de mois en mois, les Danel nous ont, ce soir-là, régalés d'un programme "plus russe, tu meurs" (encore que, nous avons eu encore plus russe le dernier jour !) et leur implication, leur engagement et la qualité de leur travail, nous ont vraiment conquis. Même si je trouvais, avant ce concert, que leur "son" n'est pas exactement celui qui correspond à mon goût (et je suis toujours un peu réticente sur ce "son") je dois reconnaître que leur enthousiasme et leur conviction sont carrément contagieux : le premier violon manifeste une telle gourmandise à jouer, et ses acolytes sont tellement complices qu'on ressort de leur concert ébouriffé de plaisir !
Lundi 27 octobre Église de Montauroux
QUATUOR GIRARD (France) Hugues Girard, violon Agathe Girard, violon Odon Girard, alto Lucie Girard, violoncelle
Haydn : Quatuor en sol majeur op.54 n°1 (Hob.III 58) (1788). Bartok : Quatuor n°4 (Sz.91) (1928). Beethoven : Quatuor n°8 en mi mineur – « Razumovsky » (op.59 n°2) (1806).
Disons-le carrément, nous allions à ce concert un peu à reculons. Depuis l'épisode bordelais, quoique trouvant des jeunes gens fort sympathiques, nous pensions qu'ils avaient atteint leur maximum et qu'ils ne seraient jamais parmi les plus grands. Mais c'était compter sans leur sérieux, leur opiniâtreté et leur humilité qui leur a permis, faisant leur miel des conseils reçus, de progresser et de reprendre leur envol. Les Girard jouent debout : vous allez me dire, bon, oui, une pause, une mode !! Que nenni... debout, les Girard "se lâchent", ils sont plus souples, plus impliqués, plus présents à leur musique, et le résultat est plus que prometteur : ils ont repris la place qu'ils méritent sur l'échiquier des quatuors à cordes. Car ils ont une qualité essentielle, qui, elle n'a jamais été mise en cause : ils jouent avec une cohésion, une homogénéité et un ensemble absolument parfaits. Un seul instrument à 16 cordes. Et si, par le passé qu'on oubliera bien vite, il leur est arrivé d'être tellement coincé que leurs interprétations fleuraient le scolaire, cette nouvelle façon d'aborder la musique leur convient parfaitement, et l'on est impatient de voir quelque prix prestigieux récompenser cette nouvelle approche.
Mardi 28 octobre Église de Tourrettes
QUATUOR HUGO WOLF (Autriche) Sebastian Gürtler, violon Régis Bringolf, violon Thomas Selditz, alto Florian Berner, violoncelle
Beethoven : Quatuor n°14 en ut dièse mineur (op.131) (1826). Schubert : Quatuor n°15 en sol majeur (op.161 – D.887) (1826).
Notre déception : un quatuor autrichien au jeu très ... autrichien ?? Je ne sais ce qu'il en est du jeu autrichien mais je n'ai pas accroché, du tout !
Mercredi 29 octobre Église de Bagnols-en-Forêt
QUATUOR ZEMLINSKY (République Tchèque) František Souček, violon Petr Střížek, violon Petr Holman, alto Vladimir Fortin, violoncelle
Haydn : Quatuor en sol mineur op.74 n°3 – « Le Cavalier » (Hob.III 74) (1792-1793). Zemlinsky : Quatuor n°4 – « Suite » (op.25) (1936). Tchaïkovski : Quatuor n°3 en mi bémol mineur (op.30) (1876).
Alors Zemlinsky, c'était un peu comme les Girard : on attendait, pour voir ! Il faut dire que le calamiteux concert de fin de concours Bordeaux 2010 (calamiteux à cause des spectateurs, pas à cause des musiciens mais ces derniers, écœurés par le comportement du public avaient, très légitimement, fini par jeter l'éponge !!) nous avait laisser un goût bizarre. Et ce fut un vrai moment de grâce que cette soirée varoise : parfaits dans Haydn, et croyez-moi, ce n'est pas courant, ils nous ont interprété "leur" Zemlinsky avec ce qu'il faut de talent pour nous faire aimer une musique a priori difficile et Tchaïkovski à l'avenant.
Jeudi 30 Octobre Eglise de Mons
QUATUOR MAGGINI (Angleterre) Julian Leaper, violon David Angel, violon Martin Outram, alto Michal Kaznowski, violoncelle
Haydn : Quatuor en la majeur op.55 n°1 (Hob.III 60) (1788). Moeran : Quatuor en la mineur (1921). Brahms : Quatuor n°1 en ut mineur (op.51 n°1) (1853-1873).
Pour être tout à fait honnête, ce ne fut pas l'enthousiasme, surtout d'un point de vue technique. Mais ... mais ces anglais étaient tellement heureux de jouer, fiers de nous faire découvrir Moeran, soucieux de savoir après concert si nous avions apprécié ce compositeur britanico-irlandais dont ils ont manifestement à cœur de promouvoir l'oeuvre encore très mal connue, que, faisant foin de tout snobisme de mauvais aloi, je ne saurais en dire du mal !!
Vendredi 31 Octobre Eglise de Callian
QUATUOR BORODINE (Russie) Ruben Aharonian, violon Sergey Lomovsky, violon Igor Naidin, alto Vladimir Balshin, violoncelle
Beethoven : Quatuor n2 en sol majeur (op.18 n°2) (1799-1800). Chostakovitch : Quatuor n°8 en ut mineur (op.110) (1960). Tchaïkovski : Andante cantabile (op.111) (1871). Miaskovski : Quatuor n°13 en la mineur (op.86) (1949).
C'était l’apothéose de ce festival, le dernier concert (2) d'un cycle et peut-être même de tout une aventure musicale. Et, de fait, l'événement fut à la hauteur de notre attente. Le quatuor Borodine, 60 ans d'âge, a, bien sûr changé souvent d'instrumentistes mais il reste, pour les amateurs de musique de chambre, une référence vénérable et un des summums ! Nous ne les avions entendus qu'en sextuor ce printemps à Meslays et étions fort curieux de les découvrir en "vraie" formation. Et ce concert fut, tout simplement, sublime : d'une qualité, d'une finesse d'interprétation, d'une hauteur de vue proprement saisissantes. D'une dignité ne laissant place à aucun débordement affectif, on aurait pu craindre que leur interprétation souffre un peu d'un manque d'émotion. Au contraire, toute leur énergie tendue vers le son parfait, vers la note idéale, et ce durant un très long et très "précieux" concert, ils nous ont subjugués. Une fin en point d'orgue pour un Festival hors du commun.
----
(1) trois parasols sont déployés à Fayence au-dessus de l'autel pour servir d'abat-son, car l'église est grande et il sied au quatuor d'avoir un cadre acoustique resserré, afin de mieux saisir les subtilités de l'interprétation.
(2) il y avait encore un concert à Saint Raphaël le lendemain mais tous les amateurs du Festival de Fayence sont d'accord pour zapper cette "finale", dans une salle à l’acoustique peu engageante et au public peu impliqué !
QUATUOR MODIGLIANI (France) Philippe Bernhard, violon Loïc Rio, violon Laurent Marfaing, alto François Kieffer, violoncelle
Schubert : Quatuor n°10 en mi bémol majeur (op.125 n°1 – D.87) (1813). Saint-Saëns : Quatuor n°1 en mi mineur (op.112) (1899). Dohnanyi : Quatuor n°3 en la mineur (op.33) (1926).
C'est sous les parasols de Fayence (1) que le Festival a débuté sur les chapeaux de roue ! au point que je craignais (ce qui ne fut, bien sûr, pas le cas) d'avoir "mangé notre pain blanc le premier". Les Modigliani, toujours aussi sûrs, toujours aussi porteurs d'émotion, nous ont proposé un programme tout en nuances et d'une grande richesse musicale. Le quatuor, qui tient à sa "signature" (l'idée étant que, comme le peintre dont ils ont pris le nom, on puisse les reconnaître dès la première note) a en partage une technique au-dessus de tout soupçon et une amitié palpable, qui rend leurs interprétations très "humaine".
Dimanche 26 octobre Église de Seillans
QUATUOR DANEL (Belgique – France) Marc Danel, violon Gilles Millet, violon Vlad Bogdanas, alto Yovan Markovitch, violoncelle
Borodine : Quatuor n°2 en ré majeur (1881). Chostakovitch : Quatuor n°10 en la bémol majeur (op.118) (1964). Tchaïkovski : Quatuor n°1 en ré majeur (op.11) (1871).
Précédés d'une réputation qui va s'affirmant de mois en mois, les Danel nous ont, ce soir-là, régalés d'un programme "plus russe, tu meurs" (encore que, nous avons eu encore plus russe le dernier jour !) et leur implication, leur engagement et la qualité de leur travail, nous ont vraiment conquis. Même si je trouvais, avant ce concert, que leur "son" n'est pas exactement celui qui correspond à mon goût (et je suis toujours un peu réticente sur ce "son") je dois reconnaître que leur enthousiasme et leur conviction sont carrément contagieux : le premier violon manifeste une telle gourmandise à jouer, et ses acolytes sont tellement complices qu'on ressort de leur concert ébouriffé de plaisir !
Lundi 27 octobre Église de Montauroux
QUATUOR GIRARD (France) Hugues Girard, violon Agathe Girard, violon Odon Girard, alto Lucie Girard, violoncelle
Haydn : Quatuor en sol majeur op.54 n°1 (Hob.III 58) (1788). Bartok : Quatuor n°4 (Sz.91) (1928). Beethoven : Quatuor n°8 en mi mineur – « Razumovsky » (op.59 n°2) (1806).
Disons-le carrément, nous allions à ce concert un peu à reculons. Depuis l'épisode bordelais, quoique trouvant des jeunes gens fort sympathiques, nous pensions qu'ils avaient atteint leur maximum et qu'ils ne seraient jamais parmi les plus grands. Mais c'était compter sans leur sérieux, leur opiniâtreté et leur humilité qui leur a permis, faisant leur miel des conseils reçus, de progresser et de reprendre leur envol. Les Girard jouent debout : vous allez me dire, bon, oui, une pause, une mode !! Que nenni... debout, les Girard "se lâchent", ils sont plus souples, plus impliqués, plus présents à leur musique, et le résultat est plus que prometteur : ils ont repris la place qu'ils méritent sur l'échiquier des quatuors à cordes. Car ils ont une qualité essentielle, qui, elle n'a jamais été mise en cause : ils jouent avec une cohésion, une homogénéité et un ensemble absolument parfaits. Un seul instrument à 16 cordes. Et si, par le passé qu'on oubliera bien vite, il leur est arrivé d'être tellement coincé que leurs interprétations fleuraient le scolaire, cette nouvelle façon d'aborder la musique leur convient parfaitement, et l'on est impatient de voir quelque prix prestigieux récompenser cette nouvelle approche.
Mardi 28 octobre Église de Tourrettes
QUATUOR HUGO WOLF (Autriche) Sebastian Gürtler, violon Régis Bringolf, violon Thomas Selditz, alto Florian Berner, violoncelle
Beethoven : Quatuor n°14 en ut dièse mineur (op.131) (1826). Schubert : Quatuor n°15 en sol majeur (op.161 – D.887) (1826).
Notre déception : un quatuor autrichien au jeu très ... autrichien ?? Je ne sais ce qu'il en est du jeu autrichien mais je n'ai pas accroché, du tout !
Mercredi 29 octobre Église de Bagnols-en-Forêt
QUATUOR ZEMLINSKY (République Tchèque) František Souček, violon Petr Střížek, violon Petr Holman, alto Vladimir Fortin, violoncelle
Haydn : Quatuor en sol mineur op.74 n°3 – « Le Cavalier » (Hob.III 74) (1792-1793). Zemlinsky : Quatuor n°4 – « Suite » (op.25) (1936). Tchaïkovski : Quatuor n°3 en mi bémol mineur (op.30) (1876).
Alors Zemlinsky, c'était un peu comme les Girard : on attendait, pour voir ! Il faut dire que le calamiteux concert de fin de concours Bordeaux 2010 (calamiteux à cause des spectateurs, pas à cause des musiciens mais ces derniers, écœurés par le comportement du public avaient, très légitimement, fini par jeter l'éponge !!) nous avait laisser un goût bizarre. Et ce fut un vrai moment de grâce que cette soirée varoise : parfaits dans Haydn, et croyez-moi, ce n'est pas courant, ils nous ont interprété "leur" Zemlinsky avec ce qu'il faut de talent pour nous faire aimer une musique a priori difficile et Tchaïkovski à l'avenant.
Jeudi 30 Octobre Eglise de Mons
QUATUOR MAGGINI (Angleterre) Julian Leaper, violon David Angel, violon Martin Outram, alto Michal Kaznowski, violoncelle
Haydn : Quatuor en la majeur op.55 n°1 (Hob.III 60) (1788). Moeran : Quatuor en la mineur (1921). Brahms : Quatuor n°1 en ut mineur (op.51 n°1) (1853-1873).
Pour être tout à fait honnête, ce ne fut pas l'enthousiasme, surtout d'un point de vue technique. Mais ... mais ces anglais étaient tellement heureux de jouer, fiers de nous faire découvrir Moeran, soucieux de savoir après concert si nous avions apprécié ce compositeur britanico-irlandais dont ils ont manifestement à cœur de promouvoir l'oeuvre encore très mal connue, que, faisant foin de tout snobisme de mauvais aloi, je ne saurais en dire du mal !!
Vendredi 31 Octobre Eglise de Callian
QUATUOR BORODINE (Russie) Ruben Aharonian, violon Sergey Lomovsky, violon Igor Naidin, alto Vladimir Balshin, violoncelle
Beethoven : Quatuor n2 en sol majeur (op.18 n°2) (1799-1800). Chostakovitch : Quatuor n°8 en ut mineur (op.110) (1960). Tchaïkovski : Andante cantabile (op.111) (1871). Miaskovski : Quatuor n°13 en la mineur (op.86) (1949).
C'était l’apothéose de ce festival, le dernier concert (2) d'un cycle et peut-être même de tout une aventure musicale. Et, de fait, l'événement fut à la hauteur de notre attente. Le quatuor Borodine, 60 ans d'âge, a, bien sûr changé souvent d'instrumentistes mais il reste, pour les amateurs de musique de chambre, une référence vénérable et un des summums ! Nous ne les avions entendus qu'en sextuor ce printemps à Meslays et étions fort curieux de les découvrir en "vraie" formation. Et ce concert fut, tout simplement, sublime : d'une qualité, d'une finesse d'interprétation, d'une hauteur de vue proprement saisissantes. D'une dignité ne laissant place à aucun débordement affectif, on aurait pu craindre que leur interprétation souffre un peu d'un manque d'émotion. Au contraire, toute leur énergie tendue vers le son parfait, vers la note idéale, et ce durant un très long et très "précieux" concert, ils nous ont subjugués. Une fin en point d'orgue pour un Festival hors du commun.
----
(1) trois parasols sont déployés à Fayence au-dessus de l'autel pour servir d'abat-son, car l'église est grande et il sied au quatuor d'avoir un cadre acoustique resserré, afin de mieux saisir les subtilités de l'interprétation.
(2) il y avait encore un concert à Saint Raphaël le lendemain mais tous les amateurs du Festival de Fayence sont d'accord pour zapper cette "finale", dans une salle à l’acoustique peu engageante et au public peu impliqué !
Voilà qui laissera des souvenirs et l'amertume si ce festival ne se poursuit pas !
RépondreSupprimerbon dimanche Michelaise