Paris du 01/10/2014 au 18/01/2015
L'exposition qui a fait courir tout Paris, et au-delà !! Une foule compacte se pressait autour des vitrines qui, à longueur de salles et dans un éclairage de sécurité très faible, projetant sur les œuvres des ombres malvenues, présentait une suite inépuisable de gravures, estampes, dessins, objets d'art inspirés ou réalisés par le grand artiste japonais aux noms multiples. En effet, le peintre, dessinateur, graveur, Hokusai changea plusieurs fois d’identité artistique au cours de sa longue carrière. Né sous le nom de Tokitarō, il entre en 1778 dans l’atelier de Katsukawa Shunshō, spécialisé dans les portraits de comédiens. Il y réalise ses premières estampes en couleurs sous le nom de Katsukawa Shunrō, des estampes commerciales bon marché, des portraits d’acteurs, de jolies femmes, de guerriers célèbres, illustrant par ailleurs divers types de livres imprimés.
En 1794, se rapprochant de l'école Rinpa, il devient Sōri. Son style change de façon radicale. Son activité se concentre alors autour des egoyomi, calendriers illustrés, et des surimono, gravures en une seule feuille destinées à un usage privé. Hokusai bâtit sa réputation sur ces œuvres luxueuses et raffinées, sur son habileté à traiter une grande variété de sujets, mais également sur sa capacité à illustrer le genre à la mode des kyōka ou poèmes-bouffe, traduction picturale de joutes poétiques sous forme d’estampes d’abord, de livres illustrés ensuite. Maniant le pinceau avec une assurance nouvelle, l’artiste produit par ailleurs un nombre de peintures nettement plus important.
En 1798, ce nom Sōri est transmis à l’un de ses élèves, le nom Hokusai (le fou de peinture) est créé, et il s’installe en artiste indépendant.
C'est sous le patronyme de Katsushika Hokusai (1805-1810) que l’artiste apporte une contribution majeure aux livres de lecture (yomihon). Ces longues fictions aux intrigues épiques et fantastiques, très populaires, constituent un défi pour les dessinateurs, qui doivent faire preuve de vastes connaissances et d’une forte capacité d’invention, puisqu'elles sont en noir et blanc, réalisées à l’encre de Chine noire, avec de simples nuances de gris.
À compter de 1810, Hokusai se consacre au genre des manuels de peinture (etehon). Suivi par un nombre croissant d’admirateurs et sollicité par ceux qui veulent devenir ses disciples, l’artiste conçoit des manuels qui font office de recueils de modèles pour les artisans, à l’usage des jeunes artistes. Les Hokusai manga, « dessins variés », sont publiés à partir de 1814. Véritable prouesse, ils rassemblent plus de 3 900 dessins d’une étonnante variété, allant de la description des mœurs urbaines à d’inattendues légendes ou encore au monde des religions. Manuels d’apprentissage, recueils de modèles, les Manga deviennent également un objet de délectation. Maintenue à un rythme irrégulier pendant de longues années, la publication de l’ensemble s’achève en 1878, avec la parution posthume du Carnet 15.
En 1820 il crée un nouveau nom, Iitsu, qui caractérise une période plus particulièrement consacrée aux nishiki-e (estampes en couleurs). Trente-six vues du Mont Fuji est réalisé en 1830-1834. C'est sous ce nom qu'Hokusai crée ses œuvres les plus célèbres, et concentre son activité autour de la conception de ces estampes du monde flottant (ukiyo-e) qui fascineront les Occidentaux. Il se dégage des contraintes du genre, et c’est ce qui fait la modernité de ses grands ensembles comme les Trente-six vues du mont Fuji ou celle des Voyages au fil des cascades des différentes provinces, son inspiration étant fouettée par l'introduction récente du bleu de Prusse au Japon, qui lui permet de réaliser des merveilles . Contrairement aux usages, ses estampes de paysage ne s’appuient plus sur des sites clairement identifiables, illustrant davantage les métamorphoses du motif choisi. La période Iitsu se caractérise aussi par un regain d’activité dans le genre du surimono, ainsi que par l’originalité et la force de ses peintures. Maniant le pinceau et l’encre de Chine avec une grande subtilité, Hokusai s’impose dès lors comme un peintre remarquable.
Il prend en 1834 le nom de Gakyō Rōjin Manji, (Manji, le Vieil Homme fou de peinture), réalisant de nombreuses peintures, publiant la première partie du livre illustré Cent vues du mont Fuji, conclusion au trait de toutes ses représentations de la célèbre montagne. Dans la postface, il déclare vouloir vivre plus de 110 années afin de parvenir à son plein accomplissement artistique. Réaffirmée dans des ouvrages postérieurs, cela témoigne de sa passion intacte pour son son travail. Il s’éloigne progressivement du monde de l’estampe pour se consacrer plus largement à la peinture. Les images du monde flottant, illustrations des mœurs de son temps, disparaissent au profit d’autres thèmes (monde animal, végétal ou sujets religieux). À partir de 80 ans, Hokusai indiquera sur ses peintures en général la date précise à laquelle elle est réalisée. Il décède en 1849.
Je me suis fortement aidée d'un article pour ces explications, car, vous vous en doutez, je n'ai pas retenu tous ces noms et encore moins les appellations de ces diverses formes imprimées ou gravées, Tout cela peut paraître simple exposé en quelques lignes, mais se révèle, sous la lumière chiche du Grand Palais, coincé entre les spectateurs penchés sur les vitrines qui progressent lentement d'une estampe à l'autre, vraiment ardu à suivre !! L'exposition est d'une ampleur impressionnante mais cela nuit à sa lisibilité pour le profane, qui est vite noyé sous un flot d'informations et de mots compliqués à comprendre, surtout quand votre culture nippone avoisine le zéro absolu.
Félix Bracquemond
Finalement ce que j'ai préféré c'est la première salle, celle qui parle de l'influence de l'artiste japonais sur les européens de la fin du XIXe siècle, passionnés d'arts orientaux : de Félix Bracquemond à Émile Gallé, en passant par Edmond de Goncourt, Henri Rivière ...
J'ai aussi beaucoup apprécié les deux dernières salles, celle où l'on admire les grandes séries du Mont Fuji, des cascades ou des oiseaux, et surtout, présentée en arc-de-cercle dans de grands vitrines (enfin !!) les kakemonos de la fin de sa vie, particulièrement émouvants et parlant de sa communion avec la nature, les oiseaux, les poissons et les fleurs.
Une des 36 vues de la Tour Eiffel par Henri Rivière
... ou Debussy, l'intérêt marqué des artistes français pour le maitre japonais, peu considéré chez lui, contribua fortement à la diffusion du japonisme en Europe, chacun puisant allègrement des motifs dans les 15 volumes d’Hokusai Manga, ainsi qu’en témoignent tant de peintures, dessins, estampes et objets d’art exposés dans cette salle.J'ai aussi beaucoup apprécié les deux dernières salles, celle où l'on admire les grandes séries du Mont Fuji, des cascades ou des oiseaux, et surtout, présentée en arc-de-cercle dans de grands vitrines (enfin !!) les kakemonos de la fin de sa vie, particulièrement émouvants et parlant de sa communion avec la nature, les oiseaux, les poissons et les fleurs.
Et pour vous dire la vérité, j'ai de loin préféré feuilleter longuement et doucement, à mon rythme et sans mots savants, le précieux livre de chez Mazenod qu'Alter m'a offert au retour de Paris : les notes de chevet de Sei Shonagon, illustrées par Hokusai. Une façon merveilleuse de profiter de ses oeuvres les plus raffinées en lisant ce délicieux journal d'une dame d'honneur du XIe siècle. Des impressions sur le vif à propos de son quotidien, de ce qu'elle aime ou déteste, des portraits, des historiettes de la cour ou de la ville, bref un livre très poétique, sensible et dont la lecture accompagne idéalement des reproductions de très belle qualité et fort judicieusement choisies, bien plus facile à regarder dans un fauteuil !!
Paris du 17/10/2014 au 22/02/2015
Sonia Delaunay
Composition pour jazz, 2e série,
No F 344, Paris 1952
© Pracusa 2013057
© Courtesy Natalie Seroussi et
Galerie Zlotowski, Paris
L'objectif de l'exposition du MAM consacrée à Sonia Delaunay est de démontrer que cette artiste est une artiste autonome, au talent personnel et que sa renommée ne devrait rien devoir su succès de son époux.
Une exposition "fleuve" au parcours très didactique mais finalement un peu ennuyeuse
J'avoue que le parcours, très riche et très complet, ne m'a pas toujours captivée et que je n'ai trouvé ma vie dans cette accumulation de travaux d'aiguille (qu'elle faisait faire par des brodeuses russes émigrées à Paris après la Révolution de 1917), coutures, broderies, patchworks et autres hérités de la tradition populaire russe. C'est beau, parfois, mais ces activités manuelles toutes féminines, telles qu'elles sont présentées, ne donne pas une idée très passionnante du talent personnel de Sonia Delaunay. On nous explique qu'elle a inventé la mode « simultanée », une sorte de déclinaison au quotidien des idéaux esthétiques du couple. L'objectif est de créer une illusion de mouvement grâce à l'usage de formes circulaires aux teintes contrastées. Sonia cherchera à étendre le principe d'une mode « simultanée » à travers une boutique, puis une maison de couture.
Elle coud des costumes excentriques, des « arlequinades » que le couple porte pour recevoir ses amis ou danser au Bal Bullier. Ce lieu inspire d’ailleurs à Sonia, en 1913, une toile aux formes tourbillonnantes, dont le mouvement et le format panoramique rivalisent avec le jeune cinéma de l’époque. Dans un magnifique livre dépliant, elle orne aussi à la gouache La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France de Blaise Cendrars. Bon, pourquoi pas... pourquoi pas aussi les réalisations picturales qui accompagnent ces recherches mais se révèlent, surtout dans une exposition aussi complète, répétitives et un peu lassantes.
Finalement les oeuvres les plus impressionnantes de cette native d'Ukraine sont aussi les plus méconnues, celles qui correspondent à sa période fauve. Elle arrive à Paris en 1906, découvre l'oeuvre et les couleurs de Gauguin et des fauves comme Derain ou Matisse et adopte le parti de formes simplifiées, de teintes franches et contrastées.
Sa "Jeune finlandaise", au corps d’adolescente mais au visage au nez énorme, déjà marqué par la vie, semble cachée derrière un masque primitif, gonflé, rouge taché de bleu, vert et rose. Fragile, elle croise les mains, bras tendus, épaules étroites. Le corps est chétif et la tonalité bleutée de la peau est presque malsaine. Le regard lointain, comme perdu dans des pensées qui nous échappent, la jeune fille semble plongée dans une contemplation introspective qui révèle une grande puissance de caractère, voire une détermination absolue. Elle m'a fait penser, joliesse en moins, à "La petite communiste qui ne souriait jamais", la petite roumaine médaillée aux JO de 1976 à laquelle Lola Lafon a consacré un livre ! Le fond est nu, un simple bleu de Prusse, plus foncé au bas du tableau comme pour suggérer un siège. Pas de doute, Sonia Delaunay était douée pour la peinture et pour un usage très affirmé de la couleur. Pourtant, dès 1909, elle semble délaisser les pinceaux pour s’adonner à des œuvres textiles, des reliures de livres. Elle se "sacrifie" pour éviter de se retrouver en concurrence directe avec son mari, ou plus simplement a envie de mener une vie plus paisible d'épouse décoratrice ! Elle ne s’autorisera à revenir pleinement à la peinture qu’une fois veuve, quand Robert meurt en 1941 d’un cancer. Sonia, juive, se réfugie à Grasse auprès des couples Arp et Magnelli. Pendant les quarante dernières années de sa vie (elle décède en 1979), elle ne cessera, tout en continuant à créer, de mettre en valeur l’œuvre de son mari.
Sonia Delaunay
Manteau pour Gloria Swanson, c.
1924,
Broderie de laine
Collection particulière
© Pracusa 2013057
Sonia Delaunay
Nu Jaune, 1908 Musée des Beauxarts
de Nantes
© Pracusa 2013057
Finalement les oeuvres les plus impressionnantes de cette native d'Ukraine sont aussi les plus méconnues, celles qui correspondent à sa période fauve. Elle arrive à Paris en 1906, découvre l'oeuvre et les couleurs de Gauguin et des fauves comme Derain ou Matisse et adopte le parti de formes simplifiées, de teintes franches et contrastées.
Sa "Jeune finlandaise", au corps d’adolescente mais au visage au nez énorme, déjà marqué par la vie, semble cachée derrière un masque primitif, gonflé, rouge taché de bleu, vert et rose. Fragile, elle croise les mains, bras tendus, épaules étroites. Le corps est chétif et la tonalité bleutée de la peau est presque malsaine. Le regard lointain, comme perdu dans des pensées qui nous échappent, la jeune fille semble plongée dans une contemplation introspective qui révèle une grande puissance de caractère, voire une détermination absolue. Elle m'a fait penser, joliesse en moins, à "La petite communiste qui ne souriait jamais", la petite roumaine médaillée aux JO de 1976 à laquelle Lola Lafon a consacré un livre ! Le fond est nu, un simple bleu de Prusse, plus foncé au bas du tableau comme pour suggérer un siège. Pas de doute, Sonia Delaunay était douée pour la peinture et pour un usage très affirmé de la couleur. Pourtant, dès 1909, elle semble délaisser les pinceaux pour s’adonner à des œuvres textiles, des reliures de livres. Elle se "sacrifie" pour éviter de se retrouver en concurrence directe avec son mari, ou plus simplement a envie de mener une vie plus paisible d'épouse décoratrice ! Elle ne s’autorisera à revenir pleinement à la peinture qu’une fois veuve, quand Robert meurt en 1941 d’un cancer. Sonia, juive, se réfugie à Grasse auprès des couples Arp et Magnelli. Pendant les quarante dernières années de sa vie (elle décède en 1979), elle ne cessera, tout en continuant à créer, de mettre en valeur l’œuvre de son mari.
Merci pour ce billet !
RépondreSupprimerVoilà deux belles expos que nous avons ratées, hélas...
Amitiés
Claude et jean
Désolée Claude et Jean, mais vous avez forcément eu d'autres émotions artistiques !!
SupprimerMerci pour Hokusai que j'ai loupé pour cause de queues très très très longues. en revanche je te trouve sévère avec l'expo Sonia Delaunay. j'ai été émue de voir le dépliant du transsibérien de Cendrars, aussi par les poèmes de Tsara et les robes poèmes.J'ai beaucopu aimé le Bal Bullier.. la fin est un peu répétitive
RépondreSupprimerExactement d'accord avec votre analyse Miriam, en ce qui concerne l'expo Delaunay, un peu longuette à la fin !! Oui le dépliant du transsibérien était particulièrement émouvant.
SupprimerQuant à Hokusaï, pas trop de regret, un bon livre vous consolera aussi : à mettre dans votre liste de cadeaux attendus !!