jeudi 9 août 2007

LA DIME

Ici, sur la côte Atlantique, la dîme nous la payons à l'envers... le prix à payer pour avoir la jouissance d'un lieu de vie réellement magique, ce n'est pas un dizième, mais au contraire une multiplication par 10...
3 à 4 semaines par an, notre petit paradis se transforme en un des cercles de l'enfer, le premier selon Dante, mais assez insupportable pour que ces semaines nous paraissent longues, et qu'on en guette la fin avec impatience. Nous sommes actuellement en plein dans cette phase régressive aigue, le plus fort de la période touristique sur la côte, et pour survivre on se contente de se mettre en apnée... On ne sort plus et on attend que ça passe...
11 mois sur 12, nous jouissons d'un véritable hâvre, certains diraient un désert, pas un voisin vaillant, pas une lumière à l'horizon à des fenêtres à la ronde... Le matin, l'estuaire voué à notre admiration exclusive, le soir les couchers de soleil en version intime... Et pas un humain à des lieux alentour. La rue nous appartient, la forêt bruisse pour nous et les marées sont là pour notre usage exclusif. Et j'avoue avoir des bouffées de plénitude quand je pars travailler le matin, submergée par l'impression que toute cette beauté m'est donnée un peu par interim.
Hier des touristes en promenade post prandiale se sont arrêtés pour admirer un palmier (que je trouve un peu chevelu, mais bon, les gens aiment les palmiers). Je sortais le chien et du coup j'ai engagé la conversation avec eux... Nous admirions la vitalité de l'olivier quand je leur ai dit qu'en fait il avait souffert de la neige et qu'ensuite il avait repris une santé d'enfer. "Parce que vous vivez là toute l'année ????"... Moi, naïvement je pensais la remarque envieuse, voire admirative... Que nenni... Panique dans leur regard... "Mais il doit y avoir personne l'hiver"... Ben non... en effet, personne... Mine contrite, voire apitoyée. Ils ne pouvaient concevoir qu'on vive dans un pareil trou à longueur d'année. Comment leur expliquer que sans les hordes de touristes suants, huilés et rougis comme des écrevisses trop cuites, sans leurs mouflets agités, leurs voitures tonitruantes et envahissantes, à ne même plus pouvoir ouvrir le portail, les lieux sont, vraiment, féeriques, flamboyants parfois... Que la brume sur l'estuaire s'offre comme un cadeau personnalisé répondant à vos humeurs les petits matins d'hiver. Que la plage déserte battue par la houle ou irisée au soleil de l'automne est une merveille à parcourir quand on a l'impression qu'elle se déploie pour vous seul. Que la forêt sans touristes processionnaires est un havre de calme et de sérénité. Que le coucher de soleil qui transforme l'estuaire en coulée de Martini rosé, ça a vraiment un effet feng shui incomparable, l'ivresse sans l'alcool !
En contrepartie, il nous faut subir les piaillements montant de la plage dès 11 heures et jusque tard le soir, les annonces des maîtres nageurs rappelant 20 fois par jour les consignes de sécurité, le "polypatte band" jouant en boucle "c'était le temps de fleurs" au milieu des hurlements de la foule en délire qui vous gâche un peu le coucher du soleil, les encombrements incessants devant la maison, les embouteillages dès qu'il faut tenter d'aller faire une course, l'impossibilité absolue d'envisager le moindre déplacement après 11heures du matin (j'ai mis 1heure à trouver une place en stationnement interdit pour aller poser un chèque à la banque tout à l'heure) et les locataires de Kikine qui hurlent à longueur de journée sur un registre vaguement aviné... Cette année nous avons eu, en prime, le démontage du panneau de l'allée du Clair de Lune (c'est fréquent car le nom de l'allée tente les estivants, cela fera bien dans son salon), remplacé par... une bouteille de pastis !



Le seul moment marrant, c'est quand on passe à Talmont. Il se trouve toujours quelques malins qui espèrent économiser 1 ou 2 euros, en se garant en dehors du parking, gigantesque, aménagé aux abords de la petite cité. Là, la gendarmerie s'en donne à coeur joie, et verbalise à tout de bras, s'en va satisfaite, et revient quelques heures plus tard pour reprendre sa lucrative activité. A quelqu'heure que vous passiez, ils sont là, à pied d'oeuvre, et ils fleurissent les pare-brises avec constance. Bon, je l'admets, je m'amuse de peu, mais l'ambiance est tellement tendue : les touristes, fatigués, énervés qui s'en prennent à vous sans cesse, les piétons qui rendent la circulation hasardeuse, l'exaspération qui monte au fur et à mesure que la saison avance, qu'un petit éclat de rire chaque fois que je passe sur cette merveilleuse route d'Arces aux reflets argentés, ça n'est pas bien méchant.

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