mercredi 31 octobre 2007

LE BALAI MAGIQUE


Depuis maintenant plus de 10 ans c’est moi qui assure, avec un talent très limité, le devoir de mémoire dans notre famille… Ce rôle incombait auparavant à ma mère et à ma grand-mère. Maman le faisait avec réticence, mais de façon appliquée. Adrienne, en bonne italienne, faisait cela avec toute la faconde et l’aisance innée aux femmes du Sud. Elle donnait à ce rite social toute son ampleur et toute sa majesté. Privée, quand elle quitta Marseille pour venir s’installer à Bordeaux près de son fils, de la tombe de sa fille, objet légitime de ses soins assidus, elle avait retrouvé à la mort de papa, en 1987 cette activité cathartique et s’y livrait sans retenue, au grand dam de sa belle-fille qui avait le deuil douloureux et réservé.

Moi je suis carrément nulle. Et pour cause, personne ne m’a appris à adopter la bonne attitude ! Je faisais remarquer à Michel que les grands parents qui arrivaient en masse les bras chargés de pots multicolores, étaient bien souvent accompagnés de leurs petits enfants, vacances oblige. Finalement c’est bien qu’ils aient, ces grands parents modernes qui ont la chance d’être à la retraite tôt et d’être en forme longtemps, le temps, le soin et l’opportunité de transmettre ce devoir qui n’a rien d’inné. Car je vous jure, je me sens comme un manche moi, dans cette situation. L’achat des fleurs est la partie aisée de la démarche. Il faut ensuite se transporter vers le lieu du devoir, donc décider d’une date qu’on a toujours tendance à repousser, et ne pas trouver au dernier moment un mauvais prétexte pour ne pas y aller. Jusque là, tout va à peu près bien. Se garer, débarquer les bras chargés de pots encombrants, cela vous donne une contenance, et comme on est doublé par une foule dans la même situation, cela a un petit côté festif tout à fait sympa. Mais là où commence le quant-à-soi c’est lorsqu’on se retrouve face à face avec la pierre noire, quelle attitude adopter ? Que faire exactement ? Après la minute de recueillement d’usage, on se sent tout bête, on ne va tout de même pas repartir comme ça, si vite…

C’est alors qu’intervient le balai magique… Michel, qui avait réussi à garer la voiture, et m’a rejointe au moment où je commençais à piétiner vers l’arrière en me sentant un peu exclue de cette réunion familiale d’un type particulier, a eu le bon réflexe. Il est allé, lui, dans les cimetières avec ses grands-mères quand il était petit, et du coup, il sait, lui ! Il est arrivé tout guilleret en me disant « zut, on a oublié de prendre ce qu’il faut pour nettoyer »… j’ai bredouillé que j’y avais vaguement pensé mais que je ne savais trop comment m’y prendre. Je me suis emparée de la bouteille vide du voisin, c’est agréable dans les cimetières il règne une solidarité de fait entre voisin, je suis allée la remplir d’eau et nous avons astiqué avec beaucoup de soin le marbre noir qui n’avait pas connu pareille toilette depuis longtemps. Ensuite, ce devoir accompli et ayant constaté avec la satisfaction d’usage que cela avait tout de même meilleure allure comme ça, nous avons fait le tour des allées ensoleillées. Bien sûr l’histoire est un peu biaisée car dans un cimetière de village, on fait le tour des connaissances, nous, nous nous sommes contentés d’hommages discrets à quelques inconnus. Il faudra absolument que j’apprenne cela à mes petits enfants à mon tour, si j’arrive à faire quelques progrès cela devrait être à peu près correct comme transmission !

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