mardi 6 mai 2008

GALOPE CHENAUX


"C' qu'o l'est... qu'un Galope-Chenaux ? In gars de reun'... d'amprès çartains, qui ramasse tout c' qu'o traine dans la Ch'nau d'Seudre et ses ruissons, des heutres, des palourdes, des lavagnons et des bedjhâs...
Ine manière de braconnier d'la mer !... A z'y r'garder d'pus râs, y a pas pus malin qu'li !... Ecoutez-le causer... un verre de vin bianc près d'la goule... O y a pas meux qu'li peur te bailler d'bounes fariboles !"
Mais non, je ne verse pas dans le régionalisme à tout crin ... d'ailleurs moi, vous savez, je ne suis de nulle part ! Vaguement du Sud-Ouest, en quelque sorte Gasconne, avec une vague transversalité sentimentale vers les Landes, mais quand on est née dans une banlieue de ville, il ne vous reste aucune de ces attaches qui vous construisent un passé auquel on s'accroche dans les heures de nostalgie. Ma banlieue, elle a perdu depuis plus de 50 ans son air de village égaré à l'orée d'une grande ville, pour s'y noyer plus commodément. Je me sens parfois bien vacante, pas de famille, pas de terroir, et pas nomade pour autant.
Passons, ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est le Galope-Chenaux, qui, comme le dit cet auteur local cité en introduction, est une sorte de vaurien sympathique, qui maraude de ci de là, qui vit de petites rapines marines pas bien méchantes et qui, surtout, prend la vie du bon côté, celui qui laisse l'âme en vadrouille, sans attache et sans contrainte stérilisante.
C'était hier soir : profitant du soleil enfin revenu après une journée à vous faire perdre le rire, nous avons opté pour une ballade vers le port. La marée affleurait au quai et les canards manquaient de finir leurs vols planés sur la terre ferme. Le petit bateau qui fait l'excursion jusqu'à Cordouan se balançait tout doucement le long de son ponton, et, amarré derrière lui, un voilier d'une dizaine de mètres exhibait fièrement sa coque flambant blanche. Sur le pont un couple grattait avec application des planches encore un peu vermoulues, manifestement décidé à prendre le temps de voir venir les heures.
En fait, ce sont les propriétaires du Cote de Beauté, la navette de Cordouan, qui ont décidé de se faire plaisir et de tuer les heures creuses (quitte à être sur le port, pas vrai !) en remettant en état ce charmant voilier d'opérette. D'opérette il ne le fut pas toujours car c'est un sloop ostréicole de 1941, construit sur les chantiers Paraveau (enfin je crois) de Marennes et qui a à son actif une longue et difficile carrière de bateau à huîtres. Dématé par son premier propriétaire pour devenir une simple barcasse à moteur, il a été racheté dans les années 90, alors que son propriétaire abandonnait les bassins ostréicoles, par un amateur qui lui a rendu son allure d'origine. Puis, manifestement, s'en est lassé car il pourrissait joyeusement dans un arrière coin du port de Meschers, où nos deux tourtereaux l'ont déniché. Monsieur a craqué, et Madame, enchantée, projette déjà d'aller faire un stage aux Glénands pour devenir une digne équipière ! Ils l'avaient déjà nettoyé, en cale sèche, relooké sur l'extérieur, et hier soir l'avaient mis à l'eau. La cale se remplissait allègrement pendant qu'elle nous racontait tout cela et nous avons ainsi appris toute l'histoire de leur entreprise, celle du voilier et aussi son nouveau nom.
Car quand on achète un bateau, on a le droit de changer son nom, et comme l'ancien ne leur plaisait pas, ils ont opté pour celui de "Galope-Chenaux"... une expression de Marennes, dont Madame est originaire, et qui s'utilise encore parfois. Genre "tu vas pas encore me ramener tous ces galope-chenaux", remarque acerbe d'un père parlant à sa fille, vous l'avez compris, des copains de celle-ci. Je vous mettrai un jour sans doute la photo de celui qui est, grâce à eux, devenu le plus ancien gréement du port de Meschers, mais en attendant, celle qui illustre l'article est celle d'un petit cousin, remis en état par d'autres passionnés et qui a élu domicile à La Flotte en Ré, "le Père Gabriel".
Et puisque comme décidément il est beaucoup question de vieux voiliers ces temps derniers, je vous fais partager les nouvelles locales ! Le Belem a accosté aujourd'hui au port de la Rochelle, sous les applaudissements de la foule venue l'accueillir. J'ai suivi avec attention son arrivée à la radio, où toute la manoeuvre a été décrite avec force enthousiasme par le reporter de service embarqué à son bord. Le Belem passera 2 jours à La Rochelle avant de donner jeudi le départ pour la Grande Traversée de l'Atlantique à destination du Québec. On fête en effet cette année les 400 ans de l'arrivée de Samuel Champlain, natif de Brouage, en Nouvelle France. C'est l'occasion de nombreuses manifestations dans nos deux pays, dont cette traversée qui devrait arriver sur les côtes québécoises vers le 24 juin. Elle sera suivie d'un voyage en sens inverse organisé par nos amis canadiens, qui l'ont baptisé "le retour aux sources".
Les festivités du 8 mai promettent d'être spectaculaires car le Belem entrera dans le vieux port de La Rochelle (vous imaginez le Belem entre les tours !!) pour en ressortir en escortant les 48 voiliers inscrits à la GTA en partance pour les rives du Saint Laurent, via les Açores.

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