dimanche 18 mai 2008

WHY POPPIES ??

Tout a commencé avec un de ces problèmes existentiels urgentissimes qui me prennent parfois la tête et que je soumets avec angoisse à Michel afin d'obtenir de lui réponse immédiate et documentée. Pourquoi les anglais aiment-ils le rouge ? Car il affirmait, son Stendhal à la main et ses références historiques, genre bataille des Flandres de l'autre, qu'ils ont une attirance particulière pour le rouge. Soit ! D'ailleurs, au moment où il disait cela, nous avons croisé un couple de cyclistes tout de rouge vêtus, et c'était bel et bien des anglais.
Donc, pourquoi nos bons anglais aiment-ils le rouge et sur un terrain de rugby, cassent-ils du bleu avec autant d'ardeur ? Il faut dire que cette importante discussion faisait suite à une prise de tête de première importance sur la dominance du vert dans la nature alors que l'art pictural en est bien peu friand. A dire le vrai, nous avions longuement cherché les couleurs naturelles pour nous étonner (enfin moi, parce que Michel, il suit mes délires bien gentiment, mais bon, ça ne lui fait pas le même effet) de la faible part dévolue par le Créateur au bleu. Bref, nous en étions là quand, au détour de la piste cyclable (vous savez cet ancien chemin de fer passant devant la Tache que les bons édiles locaux ont transformé en promenade de santé), surgit la Tour de Anglais. Michel, bien plus réactif tout à coup (ah ces mecs ! dès qu'il est question de bagarre, ils sont au top !) se planta devant l'ouvrage aux ruines altières (??!!) et décréta tout de go "je suis un anglais"... Aïe... là j'ai senti comme un doute, qu'était devenu notre atavique et non moins naturel réflexe anti-albion ? J'ai soudain cru à une traitrise, voire, pire, à une acculturation sauvage et inédite, due peut-être à des relents malsains s'exhalant subrepticement des pierres humides. Que nenni, il me décréta en riant "ben oui, je suis en rouge, DONC je suis un anglais".

Bref, il fallait de toute urgence éclaircir ce mystère, car sinon comment supporter cette élucubration malséante.
J'ai supposé que le rouge leur faisait par trop défaut dans la nature, et que, privés de coquelicots dans leurs prés, ils affectionnaient du coup particulièrement cette teinte. Il m'a fallu balayer d'un geste large l'objection des roses anglaises, en faisant remarquer à l'ignorant que ces dernières sont d'une teinte douce et tendre, plus proche de la "cuisse de nymphe émue" que de la "crête de coq". J'ai décrété fermement, il fallait bien avoir l'air au courant pour clore le débat sur les roses, qu'en la matière AUSSI nous faisions mieux (quelle mauvaise foi!), à preuve la "Pierre de Ronsard". Là, j'avais marqué un point car Michel n'est pas très au courant des noms de roses. Il a tenté de prétendre qu'il devait forcément y avoir des quantités de "Queen machin..."(je cite !) , mais sans info précise à ce sujet, le débat s'est arrêté là.
Il nous restait à résoudre le problème du rouge. Histoire de ne pas faiblir, j'ai continué à m'accrocher à mon histoire de coquelicots. Moi, les coquelicots ça me fait frétiller de bonheur tous les printemps, et j'imagine sans peine combien il doit être difficile de survivre sans leurs taches éphémères piquetant les prés et les talus. C'est là qu'il m'a sorti l'histoire de la bataille des Flandres. J'avoue très humblement que je ne connaissais pas trop cet épisode et je me suis précipitée sur le net, où j'ai, pour votre curiosité, résolu l'énigme.
Un médecin canadien, le docteur McCrae, engagé en 1914 dans le grand conflit mondial, s'est retrouvé en 1915 dans les boucheries de la plaine d'Ypres, et y vit mourir un ami. Il écrivit à sa mémoire un poème simple mais émouvant, qui a marqué les esprits et est devenu le symbole ténu de la souffrance éperdue et révoltante des soldats sur les champs de bataille. Des dames bienveillantes, désireuses d'aider les anciens combattants et de rendre hommage aux soldats tués sur les champs de bataille, reprirent le symbole pour en faire de petits emblèmes à porter à la boutonnière et vendus au profit des militaires. Ces fleurs, confectionnées en tissu, étaient fabriquées par les mutilés soignés à l’hôpital, ce qui leur permettaient de gagner un peu d’argent. A la fin de la guerre, elles devinrent des insignes commémoratifs, vendus en particulier à l'occasion du 11 novembre. Les anglos-saxons conservèrent le coquelicot, mais en France, en souvenir sans doute des jeunes recrues vêtus d'un uniforme bleu horizon (on avait abandonné le rouge garance dès 1914), on lui substitua le bleuet. Les belges, quant à eux, auraient choisi la marguerite. C'est ainsi que les plantes messicoles disparues de nos moissons pour cause d'herbicides intensifs, fleurissent encore à nos boutonnières. Ces annuelles d'origine moyen orientale à germination hivernale, sont devenues les couleurs du souvenir. Et celles de nos ardeurs supportrices "allez les Bleus"...
Quant à la tour des Anglais d'Aillac, je n'ai trouvé nulle part confirmation de son origine, mais ayant émis quelques doutes sur la justesse de cette appellation, j'ai provoqué chez Michel un tempête de protestations : dans son imaginaire, pas de doute, elle date bien de l'occupation anglaise et ses jeux d'enfant à l'assaut de ses marches ruinées sont encore là pour en témoigner !
Pour en finir avec les nouvelles périgourdines, l'église (ô combien célèbre n'est-ce pas Gilles !) de Carsac, est en plein travaux. On a dégagé sur la nef des trous réguliers qui donnent l'impression de pigeonniers, incongrus sur un tel bâtiment. Mais surtout, des vauriens mal intentionnés ont profité du désordre occasionné par cette activité pour piller l'église, et emporter en particulier le chemin de croix de Léon Zack (allez quand même visiter les pages qu'on lui consacre) qui ornait ses murs depuis 1955. Rare commande contemporaine pour une église de campagne, ce larcin n'en est que plus lamentable.
Voilà pour les nouvelles du front (russe et anglais !!). Pour le reste, nous avons déjeuné comme il se doit chez l'excellent Delpeyrat, dans une ambiance immuable de dimanche à la campagne. Tant pis pour le moral !!!

1 commentaire:

  1. M'dame la professeur, votre billet est tout à votre honneur ainsi qu'à celui de votre Michel qui vous a titillé ceci pour vous permettre de vous jeter corps et âme sur tout ce qui parlait rouge et bleu, coquelicot et bleuet !

    J'ignorais tout ceci !
    Merci et bonne soirée

    RépondreSupprimer

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