mercredi 31 décembre 2008

VOYEUR ET COURTISANES

Il faisait ce matin un temps détestable sur Paris, contrastant durement avec la journée ensoleillée d’hier. Et cette météo désagréable n’a cessé d’empirer tout au long de la journée, froidure et neige fondue, trottoirs glissants et humidité pénétrante rendant les déplacements aventureux dans une telle ambiance.

Nous avons commencé la journée au musée Cernushi, par la visite de l’exposition consacrée aux Courtisanes japonaises des XVIIème et XVIIIème siècles : une peinture tout en finesse qui s’apparente plus à de l’observation sociologique qu’à une expressivité proprement individualisée. Les paravents retracent le quotidien d’Edo, une cité de plaisirs fréquentée par les nobles et dignitaires japonais avec assiduité. Les thèmes de cette peinture de mœurs mêlent la vue de lieux célèbres, les représentations théâtrales, les scènes de banquets, la contemplation des cerisiers en fleurs et les maisons closes féminines et masculines qui abondaient dans cet ville luxueuse. Une autre section de l’exposition est dédiée aux rouleaux peints, consacrés soit à de « jolies jeunes filles », soit à des courtisanes. Comment distingue-t-on les unes des autres alors que les visages sont totalement stéréotypés et les tenues toujours aussi somptueuses ? Simplement à la largeur de leur ceinture et surtout au nœud de celle-ci qui se trouve devant pour une prostituée et dans le dos pour une femme honnête. Et quand le personnage tressé et enjuponné porte une épée, c’est tout simplement un homme !

Après la visite assez rapide du musée Cernushi que nous ne connaissions pas, il a bien fallu se résoudre à retourner sous la pluie ! Vite, une halte repas chez un traiteur libanais pour supporter ce temps de chien !

C’est avec mille risques de faire une glissade sur les trottoirs couverts d’un grésil sans cesse plus épais, que nous avons, à petits pas, atteint le musée Marmottan pour l’exposition consacrée à la vision de Monet. Peu relayée par les médias cette exposition étonnante regroupe un nombre impressionnant d’œuvres du maître, qui, si elle avait été organisée sous l’égide du Grand Palais, lui vaudrait une foule compacte et inépuisable de visiteurs. Le parcours est organisé autour de l’étonnante acuité visuelle du Monet qui avait des couleurs et des vibrations de la lumière une perception terriblement aiguisée et presque scientifique. Acuité qui fait de lui un œil, permanent, toujours à l’affût, qui dissèque, décompose, isole et combine couleurs et formes. Acuité qui le transforme, près du lit de mort de sa première épouse en « voyeur » passionné par les teintes morbides du sujet, au point de l’amener à les saisir dans l’instant. Acuité qui l’abandonnera avec l’âge quand une sévère cataracte lui offrira une vision boueuse de ce qu’il peint, au point de confondre les teintes sur sa palette. Une triple opération lui rendra partiellement la vue et le sens des couleurs, même déformées, au travers du prisme frustrant de verres colorés censés lui permettre de retrouver un semblant de réalisme dans sa perception du monde. Et de fait, cette évolution est particulièrement sensible dans cette exposition centrée sur sa vision, sa vivacité, son intensité, ses blessures et ses guérisons.

C’est après une journée aussi riche que celle-ci qu’il est bienvenu de rentrer « chez soi » pour se reposer et passer une soirée tranquille.

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