mardi 23 juin 2009

CANONS !

Il m’est venu l’autre jour à l’esprit une réflexion sur les canons du beau et sur le fait que vous, les jeunes générations, allez devoir les faire évoluer si vous ne voulez pas passer votre vie à vous désespérer de vos rides. Nos références actuelles, basées sur des siècles d’admiration de la jeunesse, de mise au pinacle du lisse, du poli et du duveteux, d’admiration forcenée de la fermeté et de l’élasticité, reposent sur une conception dépassée de l’utilité de ce beau. Le beau, qui attire et séduit est, depuis l’Antiquité, et fort avant sans doute, celui qui promet la conception, la reproduction, bref la survie de l’espèce. Donc, avec des fortunes variables quant aux mensurations et aux couleurs de peau, de poil ou d’yeux, la base reste la même : la jeunesse est reine, la ride est repoussante et le fripé honni. La mère de Rembrandt est une vieillarde à 50 ans, les héroïnes de 40 ans sont des malheureuses ayant perdu leur pouvoir de séduction et la trentenaire de Flaubert est pathétique dans sa volonté d’éblouir encore malgré l’âge qui avance inexorablement.
Sur une durée de vie moyenne de 60 ans, après une enfance de 15 ans, la période de beauté s’ouvrait donc pour une autre quinzaine d’années, suivie par une moitié de vie partagée à part égales entre les regrets et la résignation. L’arrivée de la première ride et du premier cheveu blanc étaient le début d’une déchéance que l’espérance de vie assez courte ne ferait pas durer trop longtemps. 

Mais les temps ont changé et la vie est devenue bien trop longue pour accepter d’en passer les ¾ à être moche sous prétexte qu’on a la peau un peu trop flasque, quelques pattes d’oie et le sillon du front trop marqué. D’autant que la résignation n’est plus une vertu et que de vous révolter de 30 à 100 ans, risque de vous gâcher le bonheur. De la même façon que nous, les baby-boomers nous avons imposé l’idée que la retraite est de début d’une nouvelle vie, que l’on reste socialement actif encore pendant des lustres, et qu’il est nécessaire de lutter contre les affres du vieillissement par une activité accrue et passionnante, vous les filles, qui avez commencé votre ère de séduction avec le nouveau millénaire, allez devoir imposer au monde futur des canons de beauté qui vous permettront de vivre vos rides comme un épanouissement, voire, pourquoi pas, comme un idéal. Sinon, vous vous préparez pour 70 ans de désespoirs face au miroir matinal, sauf à faire la fortune des marchands de rêves et autres esthéticiens bluffeurs. Et si le propos vous semble provocateur, il n’en tient qu’à votre génération de démontrer que les choses en changé. Dès lors que la séduction n’a plus pour finalité d’assurer la survie de l’espèce, donc de permettre aux jeunes « femelles » d’attirer les mâles en vue de leur fabriquer de bels et beaux enfants, la volonté de séduire à tout âge devient légitime et, comme pour les papy-boomers actuellement, ce sera la volonté du plus fort qui deviendra la loi. Comme les plus que trentenaires seront de loin les plus nombreuses, elles n’auront qu’à se saisir du pouvoir en imposant comme idéales leur image et leurs rides ! Et puis, honnêtement, ça se défend la beauté de la ride, le velouté de l’âge, la douceur de l’expérience, la supériorité du vécu !! Et c’en sera fini des fascinations pour les nymphettes et autres exigences drastiques qui plombent nos plus belles années. Celles où, sans exagération je vous le jure, malgré les sillons du temps et les affaissements des chairs, malgré l’image peu flatteuse que nous renvoient les glaces, on ne s’est jamais sentie aussi belles, aussi heureuses de notre féminité, aussi épanouies dans nos formes arrondies et adoucies. Vous déclarerez qu’on ne devient belle qu’après trente ans, et que cette beauté ne cesse de s’amplifier avec le temps. Que les tendrons certes ont des charmes de verdeur et de fraicheur qui peuvent plaire (faudra pas donner des complexes aux gamines tout de même) mais qu’elles ne sont encore que sur le chemin de la vraie beauté, celle qui laisse des cicatrices douces sur le visage et qui parsème de cheveux gris les crinières de celles qui ont vécu, et qui, sous votre loi, seront aussi celles qu’on désire !
Car finalement, tout n’est qu’une question de norme et de conventions, et le secret du bien-être semble tout simplement de se rendre maitre des opinions, selon ses propres références. Dans un règne de l’image et du paraître, il faut être lucide, la jeunesse ne pourra pas être longtemps une référence dans une société qui vieillit de plus en plus. Nous vous avons préparé le terrain !
Ecrit aussi en pensant à La Licorne !
Pour sourire, les paroles de la chanson d'Anne Sylvestre "D'accord"
D'accord, c'est pas des primeurs
Ça n'joue pas que sur la fraîcheur

C'est pas du p'tit radis qui croque

D'accord, ça fond pas sous la dent

C'est un p'tit peu plus consistant

Ça n'a plus vingt ans, ça s'en moque

C'est pas de l'œuf tout frais pondu

Ça n'joue pas les fruits défendus

Ça n'se prend pas pour Marilyn

Si ça tortille un peu du cul

On voit bien que c'est du vécu

Pas appris dans les magazines


Ce sont des fruits qui ont vu le soleil

Qui ont reçu des piqûres d'abeilles

Qui ont du velouté, de la patine

Ce sont des plantes d'arrière-saison

Des roses à leur deuxième floraison

Mais encore pas très loin de l'églantine


D'accord, c'est pas des cabris

Embijoutées jusqu'au nombril

Minijupées sur trois étages

D'accord, c'est un peu plus secret

Ça montre moins que ça pourrait

Ça entretient son héritage

Ça n'vous fera certainement plus

Les mômes que vous auriez voulus

Ça en a déjà des ribambelles

Mais ça a dû vous l'raconter

Les gamins en prêt-à-porter

Ils vous font pas la vie moins belle


Ce sont des chèvres qui ont vu le loup

Qui ont joué des cornes jusqu'au bout

Mais qui n'ont pas été mangées, grand-mère !

Et même si elles attrapent le béguin

Ne vous prenez pas pour Monsieur Seguin

Elles savent trop bien sauter les barrières


D'accord, c'est pas des primeurs

Ça n's'est pas fait lifter le cœur

C'est pas d'la p'tite laitue bien tendre

Oui, on peut s'y casser les dents

Mais c'est bien plus intéressant

Et si vous vous laissiez surprendre


D'accord ?

12 commentaires:

  1. Voici un billet très intéressant et que j'approuve !

    Signée : une "vieillarde" de 54 ans qui n'a jamais été aussi bien dans sa peau !... ;-)))

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  2. et oui Françoise, c'est étrange cette sensation de bonheur, de bien-être que nous ressentons, nous les quinquas... Pour moi j'avoue que c'est une surprise, je ne m'attendais pas à ça... ma mère m'avait collé le schéma de la vieillesse punition, résignée, redoutée, et voilà qu'on est bien dans notre vieille peau ! quel cadeau !

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  3. Bien vieillir c'est toujours prendre un temps d'avance ;)

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  4. et voilà ! je l'avais bien dit ! merci chic

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  5. Que c'est bien dit !
    Merci Michelaise pour cet hymne à l'âge mûr...
    Et, en plus, c'est vrai qu'on se sent bien dans sa "peau", à partir de quarante ans...bien mieux qu'à vingt ans (mais, chut!, faut pas trop le raconter).

    Je crois aussi que tout est dans la "tête": si on se sent bien à l'intérieur, on rayonne...rides ou pas rides !
    Il est temps de retrouver le sens de la vraie beauté, celle qui est une beauté vivante, sensuelle et qui n'a rien à voir avec les normes, les "canons" que les revues voudraient nous imposer !

    La beauté, c'est pas que la "façade"...c'est aussi ce qui vient de l'intérieur !

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  6. Quel régal cet article Michelaise !!! Ça me fait rire, surtout après avoir mis en ligne un article très pessimiste (écrit il y a plusieurs mois un jour de cafard ) En fait, je suis comme toi et me réjouis d'avoir encore la pêche à mon âge et de pouvoir (vive la retraite !) profiter au maximum des bonnes choses de la vie.
    Vieillir avec le sourire, c'est vraiment chouette !

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  7. Chais pas pourquoi, mais je me doutais bien que vous seriez d'accord avec cet éloge de l'âge mûr... l'idée c'était de porter témoignage auprès de "mes" jeunes pour leur dire que, contrairement à ce qu'elles risquent d'imaginer, pétries d'images fausses véhiculées par l'opinion commune, le plus beau les attend ! Merci de votre soutien, mon article n'en sera que plus convaicant j'espère !

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  8. Sympathique témoignage sur le temps qui passe que l'allongement de la vie rend de plus en plus confortable et qui, une fois ôtés les critères de beauté, nous donnent un charme que les jeunes peuvent nous envier (je confirme :) ) - j'aimerais, néanmoins, ajouter que le milieu dans lequel on vit est une composante importante dans ce bien-être.. les femmes qui n'ont pas, plus ou jamais eu accès à la culture, au bien-manger pour mieux vivre et plus longtemps, aux crèmes, masques et je ne sais quoi d'autres et sans oublier les soucis du quotidien bien plus nombreux, regrettent la jeunesse et sa beauté.
    Bonne journée
    Moun

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  9. Si tu t'imagines
    de Raymond Queneau

    Si tu t'imagines
    si tu t'imagines
    fillette fillette
    si tu t'imagines
    xa va xa va xa
    va durer toujours
    la saison des za
    la saison des za
    saison des amours
    ce que tu te goures
    fillette fillette
    ce que tu te goures

    Si tu crois petite
    si tu crois ah ah
    que ton teint de rose
    ta taille de guêpe
    tes mignons biceps
    tes ongles d'émail
    ta cuisse de nymphe
    et ton pied léger /
    si tu crois petite
    xa va xa va xa va
    va durer toujours
    ce que tu te goures
    fillette fillette
    ce que tu te goures

    les beaux jours s'en vont
    les beaux jours de fête
    soleils et planètes
    tournent tous en rond /
    mais toi ma petite
    tu marches tout droit
    vers sque tu vois pas /
    très sournois s'approchent
    la ride véloce
    la pesante graisse
    le menton triplé
    le muscle avachi /
    allons cueille cueille
    les roses les roses
    roses de la vie
    et que leurs pétales
    soient la mer étale
    de tous les bonheurs
    allons cueille cueille
    si tu le fais pas
    ce que tu te goures
    fillette fillette
    ce que tu te goures

    J'ai bu ton billet Michelaise, comme les autres commentairiens. Je suis comme dirait Molière entre deux chaises, entre trop jeune et trop vieux. Les femmes arides n'ont pas la doucheur (ortographe intentionnel) de peau.

    Tout dépend de quel côté de la barrière nous sommes je crois. L'homme verra toujours des attraits et la femme les siens. Peut-être qu'à 80 ans on devient parallèle, comme les rails sur la voie ferrée: elles ne se quittent mais ne se touchent jamais, sauf aux croisées de chemins.

    Puissent ces entrecroisements être nombreux, avec les désirs de l'esprit, lequel n'a pas d'âge.

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  10. Justement Karl c'est contre le message implicite du texte de Queneau que je m'insurge : la vieillesse présentée comme une décrépitude désespérée... et je dis à mes filles être quinqua, en tout qua, c'est sympa ! Comme, tout le monde le sait maintenant, être sexa c'est sexy, qu'elles ne s'inquiètent pas de fariboles du genre "oh ma première ride". En effet cette première ride est le signe que la vie va devenir belle !

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  11. Excellent article Michelaise ! Je ne dirai pas que j'ai hâte d'y être mais presque, et avec moins d'appréhension ! Les meurs changent, la mode évolue... Je suis heureuse de voir de plus en plus souvent des personnes de plus de 30 ans dans les pubs ou des personnes qui font plus que 36 !

    Tiens d'ailleurs c'est pour vous récompenser de ce genre d'article que je vous dépose "Le chant du Merle du haut des cimes" (bizarre hein ! vous comprendrez sur mon blog "Flor de Lua") et je vous souhaite ainsi qu'à toute la famille un excellent week-end)

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  12. Ah Gwen, que je suis contente... jusqu'à présent je n'avais que des accords enthousiastes de quinquas mais la teneur de mon billet s'adressait surtout aux jeunes (mes filles bien sûr) pour les rassurer, leur dire que ce n'est pas vrai, vieillir n'est pas une calamité... voire mieux, c'est une vraie sérénité, sans privation, sans renoncement. Moi, que la maman avait persuadée que la première ride était le débit de la fin, j'avais envie d'annoncer la bonne nouvelle : ce n'est plus vrai. Mieux, vous verrez, c'est encore mieux après ! Donc pas d'appréhension !
    Je vais de ce pas voir le chant du merle, curieuse...

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