Faire du tourisme seul, je trouve que cela modifie l'approche des choses. Toi qui en as fait l'expérience, Hélène, tu me diras ce que tu en penses. A deux, on est plus organisé, soucieux d'aller à l'essentiel, on se fixe des buts, des visites précises, et on s'y tient (relativement). Et puis cela a un sens, car on partage, on échange, on va vers le même lieu avec la même envie. Bref, se retrouver seul ce n'est pas évident. Il faut se propulser, et moi, j'ai un mal infini quand je suis seule, à me fixer des itinéraires. Alors j'avance, et la moindre herbe m'arrête. Et je vois des choses totalement différentes, parfois absolument insignifiantes mais qui m'absorbent toute entière. Et le moindre panneau me distrait de la direction initiale.
C'est ainsi qu'hier je m'étais fixé d'aller à Segonzac, quand j'ai vu l'indication sur la droite d'une stèle protestante. Je suis passée, puis quelques centaines de mètres plus loin, j'ai réfléchi que rine ne m'appelait nulle part, j'ai donc fait demi-tour. C'est fou ce que je peux faire demi-tour quand je voyage seule.
Me voilà sur une route que mon TomTom appelle pudiquement "sans nom", autant dire vicinale. J'aboutis, bien sûr, dans une cour de ferme. Marche arrière, je reprends la même route qui, non moins inévitablement, finit en cul de sac, au bord d'un vigne. Un paysan me regarde d'un air goguenard, et fort gentiment m'explique comme atteindre la stèle en question. "Vous allez au coin de "mon" bois, "ils" ont mis un panneau, prenez le petit chemin qui descend sur 150 mètres, puis tournez à gauche, encore 150 mètres et vous êtes arrivée".
Me voilà partie, soleil éclatant, sous bois lumineux, la fleur à la bouche. Des fleurs, il y en a partout et l'air est clair. Le chemin me semble long, mais je me dis que les paysans, c'est bien connu, n'ont qu'une notion très relative des distances et que 150 mètres cela veut sans doute dire 2, 3 voire 4 fois plus. C'est un bon quart d'heure plus tard que je débouche sur un pré, à gauche pas vraiment de chemin, juste une sente le long des vignes, au bord d'une combe aux courbes douces. Hardiment dans les hautes herbes je continue et m'extasie sur le ciel, sombre, violent, je marche, je fouine, rien à l'horizon.
Quand soudain je réalise que ces splendides nuages noirs, c'est un orage qui avance vers moi. De stèle, point, et pourtant la vue est vaste. Je décide de faire demi-tour, bredouille, et penaude. Dans le bois les limaces ont la queue recouverte de terre et les gouttes commencent à tomber. Je ne reste pas protégée par le couvert des feuilles longtemps. Le chemin caillouteux glisse et l'eau se fait de plus en plus forte. Il fait chaud et humide, une vraie pluie des Seychelles.
C'est au retour que j'ai remarqué le petit chemin que j'aurais dû prendre à l'aller, marqué par un piquet de bois qui avait perdu toute indication. Tant pis pour la pluie, je n'allais quand même pas passer à côté de ce morceau de pierre dressé sans aller le saluer alors que j'avais fait 2 bons kilomètres à sa recherche. Au total, mon paysan avait raison, pas plus de 300 mètres de ma voiture.
Il n'a bien sûr aucun intérêt artistique ni même esthétique, ce petit monument dressé à la mémoire des protestants. C'est juste évocateur. Il perpétue le souvenir des assemblées du Désert qui se tenaient ici clandestinement au XVIIIème siècle, dans des endroits forcément reculés, comme cette Combe des Loges. Depuis la Révocation de l’Édit de Nantes, le culte protestant était formellement interdit et ces réunions passibles de prison voire de galère. Des foules de Réformés, venus parfois de très loin, se retrouvaient les nuits de pleine lune dans ces endroits isolés, se reconnaissant grâce à l'utilisation de jetons appelés "méreaux". Vêtus de grands manteaux ou de capes pour éviter de se reconnaître, ils venaient écouter la lecture de la Bible, des exhortations et le prêche de leur pasteur. C'était aussi l'occasion de célébrer mariages et baptêmes.
La stèle que j'avais enfin trouvée a été érigée le lundi de Pentecôte 1896, " en souvenir des assemblées que firent ici les protestants à l'époque des persécutions". En 1929, la société d'histoire du protestantisme français acquis 4 m² de bois pour rénover et entretenir cette pierre commémorative.
Michelaise, j'ai bien aimé te lire et je pense aussi que voyager seul il y a son interêt, mais voyager à deux (personnes) qui se comprend bien je crois que c'est mieux. Je n'aime pas être seule, on peut pas faire des commentaires. Mais c'est vrai que si nous sommes seules on peut maitre la marche en arrière sans dire rien a la personne à côté...
RépondreSupprimerBises
Flor
Bonsoir.
RépondreSupprimerVoyager seul ou à deux ! cela dépends de ce que l'on veut ! Je n'ai aucun problème à voyager seule.
Quand j'y vais avec une copine, j'ai beaucoup de difficulté à la faire se lever tôt... très tôt . C'est aux heures du petit matin que l'on peu voir des choses que les toutous ne voient pas, car encore au lit ou en train de déjeuner.
Comme les pêcheurs Marathes à Bombay. Le marché aux poissons de Tokio. Les ordes de Japonais allant à leur travail, très marrant, tous habillés de la même façon. Je passais là, pour un extra terrestre, j'étais la seule à aller à contre sens. Les marchés du monde où tout est plus intéressant tôt le matin.
Bien sûr c'est sympa de communiquer, mais , il y a toujours des rencontres sur place avec qui vous pouvez parler.
Ayant accepté d'aller en Inde avec une copine qui n'y était jamais allée, nous avons tellement rigolé qu'elle en parle encore après des années. Nous marchandions les rigshows, dur, mais ensuite leurs donnions la somme initiale demandée. A Pétra elle a voulu rester au bord de la piscine de l'hôtel, elle n'a donc pas vu les trésors archéologiques de Pétra. Nous revenions d'Inde, Avec Pétra je réalisais un rêve, j'y suis donc allée seule.Là, il faut se lever avant le jour, pour être à la porte du site à l'ouverture.
Un jour, dans le Radjastan, avec une autre copine je voulais absolument voir la tour de Chittorgard, Là où les femmes avaient commis le Sati quand elles ont réalisé qu 'Akbar avait gagné la guerre.Quand on est Rajput, on ne se donne pas à l'ètranger. Ma copine voulait rester au bord de la piscine... Je suis donc allée seule. En arrivant je demandais à un magnifique sadu où je devrais prendre le bus de retour. Il insistait pour m'indiquer le bus de luxe* je ne veux pas un bus de luxe, je veux le même bus que les natifs. * alors si vous aimez comme ça l'inde venez avec moi dans le désert, je vais dans ma famille. Je regrette encore d'avoir du décliner l'offre, Barbara se serait fait trop de soucis. Si j'avais été seule, je n'aurais pas hésité une seconde.
Une autre copine a aussi voulu rester au bord de la piscine à Petra. Elle n'a donc pas vu les trésors archéologiques des Nabatéins. Venir jusque là pour glander au bord d'une piscine...
Au Brésil j'invitais ma concierge pour service rendu, pour l'hôtel et la nourriture. Je me réjouissais de la sortir de son train train. Elle n'a jamais voulu manger ce qu'elle ne connaissait pas, n'écoutait pas mes mises en garde en ce qui concerne la prudence... Elle a réussis à se faire voler l'appareil de photos emprunté. Aucune complicité, j'étais avec une gamine de 5 ans qui refusait l'expérience, elle qui n'a jamais voyagé.
Que choisir.
Par contre, j'ai fait 4 voyage avec une amie Allemande qui avait tant voyagé, que j'ai pu profiter d'apprendre à marchander, Madame ayant vécu 7 ans en Afghanistan... avant les Russes, et surtout apprendre à voyager tout court.
La révocation de l'edit de Nante, est l'histoire de ma famille. C'est à cause de cet événement que qu'elle avait *émigrée* en Suisse. Mais ma cousine ayant fait des recherche elle n'a jamais trouvé d'o`elle était partie.
RépondreSupprimerL'oncle de Madame de Maintenons ( ? ) n'était-il pas protestant. Le fameux poète donc j'oublie le nom en ce moment. C'est grâce à ces émigrés qui ont amené le système bancaire que la Suisse s'est développé de ce côté-là. Ils ont amené bien d'autres choses.
Mon père a de nouveau rejoins le catholicisme à son mariage ... avec... une Française.
Flor moi aussi je préfère voyager à deux, mais avec "mon" deuxième... Car Béatrice a raison on ne voyage pas avec n'importe qui... quand l'autre est ton "alter ego", quand on a les mêmes goûts, les mêmes curiosités, les mêmes paresses, les mêmes façons de sentir les choses, d'avoir envie de s'imprégner de l'ambiance, alors voyager à 2 c'est plus agréable.
RépondreSupprimerJe me rappelle, sur le sujet du voyage seul ou à deux, l'excellent article de Colibri dans Cuisine(s) et Dépendance(s) ... Istanbul avec ou sans Oli !! article dont je vous donne le lien :
http://colibri-spleen.blogspot.com/search/label/souvenir%20de%20voyage
il faut faire un copié collé, car je n'ai pas trouvé le moyen de rendre un lien actif dans les commentaires
Béatrice, c'est le grand-père de Madame de Maintenon (veuve de l'humoriste Scaron) qui était protestant et pontois de surcroît (Pontois c'est à dire natif de Pons en Charente Maritime, Pons est la ville où je travaille !!!) : Agrippa d'Aubigné
RépondreSupprimerje te mets le lien wikipédia à copier coller :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Agrippa_d’Aubigné
et un excellent site tout consacré à ce poète :
http://www.agrippadaubigne.org/
Pas facile de trouver quelques mots d'Agrippa à noter au passage, ses poèmes sont si noirs et si désespérés ! je cite donc ce poème à Ronsard, auquel il reproche (discrètement) sa légèreté :
Ronsard si tu as su par tout le monde épandre
L'amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
Les faveurs, les ennuis, l'aise et la cruauté,
Et les chastes amours de toi et ta Cassandre,
Je ne veux à l'envi pour sa nièce, entreprendre
D'en rechanter autant comme tu as chanté,
Mais je veux comparer à beauté la beauté,
Et mes feux à tes feux, et ma cendre à ta cendre.
Je sais que je ne puis dire si doctement,
Je quitte de savoir, je brave d'argument,
Qui de l'écrit augmente ou affaiblit la grâce.
Je sers l'aube qui naît, toi le soir mutiné,
Lorsque de l'Océan l'adultère obstiné,
Jamais ne veut tourner à l'Orient sa face.
Et Agrippa est parti vivre à Genève !! Coucou les suisses de Charente Maritime !
Merci, Michelaise, pour la référence à mon article. Avant de lire les commentaires, j'ai souri en lisant ton billet, je t'imaginais un peu "perdue" sans ta moitié de "dynosaure" (clin d'œil !), essayant de te fixer un but de promenade en solitaire mais pas très convaincue de sa nécessité... Je t'imaginais en train de te persuader de ne regarder les choses qu'avec tes seuls yeux mais quand même en te demandant "... si Michel était là... (qu'en dirait-il), presque un dialogue avec lui dans ta tête ! Je crois que la solitude peut être magnifique si elle est choisie, ce n'est qu'ainsi qu'on peut la vivre avec bonheur et intensité. La subir ou hésiter à l'adopter laisse toujours un sentiment d'insatisfaction. Dans le voyage, c'est un sentiment qui se décuple : il n'y a pas de demi-mesure, c'est un choix qu'il faut aborder de front, sous peine de perdre du temps en atermoiements, jamais très propice à la découverte et à plénitude de l'instant... J'ai des amis qui sont incapables de faire quelque chose (voyager, aller au cinoche, au resto...) sans leur moitié, alors que moi, j'ai toujours affiché une très grande indépendance à cet égard, j'avoue même qu'il y a beaucoup de choses que j'aime vraiment faire toute seule, un comportement que j'avais déjà enfant parmi mes frères et sœurs, toujours un peu à l'écart, dans mes rêveries interminables... Je reste persuadée que chacun a un rythme unique, et que, même dans un couple qui vit à l'unisson, il y a forcément des instants décalés...
RépondreSupprimerCoucou Michelaise ! J'ai pris tellement de retard dans la lecture de tes articles que je ne sais pas si je vais arriver à tout lire ce soir. J'ai bien aimé cet article-ci et je comprends bien ce que tu dis à propos des voyages et des découvertes, seule ou accompagnée... Le regard est différent, le partage enrichissant...
RépondreSupprimerQuant à tes "déboires" avec le circuit pour atteindre cette stèle commémorative, j'ai souri en imaginant la voix de ton Tomtom te disant "Faites demi-tour dès que possible..." ;-)))
Bises à toi Michelaise. Je poursuis ma lecture...
Je vois que tu es une habituée de Tomtom... Précieux tout de même ce petit instrument dont on aurait à peine osé rêver le principe il y a 20 ans... même si, parfois, il radote un peu !
RépondreSupprimerbonjour michelaise,
RépondreSupprimerdifficile promenade que celle que l'on ne peut partager!!!
se perdre toute seule dans le petit chemin...où l'on ne retrouve plus l'odeur de violette ...avoir envie de faire demi tour et de continuer ..zut après tout...ce n'est pas parce que je suis seule que je suis condamnée à ne rien faire !!! vivre seule c'est se priver de tant de plaisirs de la vie...presqu'une fin de vie?
qui donc a révoqué mon Edit de Nantes ...et m'interdit de vivre mes désir et de partager mon ressenti...
korrigane