mercredi 6 janvier 2010

UNE EDUCATION ARTISTIQUE - 2 - EVOLUTION


Le Huelguas Ensemble chantait déjà "en rond" de notre temps, mais Paul van Nevel était moins ventru, Herreweghe ne jouait pas du Schönberg mais remplissait déjà les salles, et le Grand Bill nous honorait chaque année de sa présence lumineuse.

Quand j’eus l’âge de voler de mes propres ailes, pas vraiment rebelle, mais forcément désireuse de me forger ma propre opinion, j’ai commencé par préférer la musique romantique aux grands morceaux de bravoure de Karajan, puis ai fait avec Alter mon miel de la découverte de la musique baroque, revue et corrigée par les baroqueux. C’était l’époque du « grand » Saintes, on avalait sans barguigner les fausses notes d’instruments mal accordés mais forcément authentiques, on découvrait Van Nevel dans la crypte illuminée aux bougies de l’église Saint Eutrope et on s’ennuyait copieusement à certains concerts dont on pensait, à juste titre, qu’ils étaient débarrassés des scories du goût pompier. C'était malheureusement, leur seul mérite ! En matière picturale ou sculpturale, rien n’était plus beau que certains primitifs dont il faut bien avouer qu’on s’est quelque peu lassés depuis, tant ils sont modestes, et on parcourait au pas de charge, l’air dégoûté et méprisant, les dernières salles des musées qui abritaient les toiles dépassant le XVIème siècle, auquel s’arrêtait notre intérêt.

Plus tard encore, il nous fallut bien évoluer et à trop se reposer sur des acquis en matière de goût, on sent bien qu’il devient nécessaire de secouer tout cela pour aller plus loin. Quand vous étiez petites nous tentions de vous initier aux joies supposées de "Picasso et consorts", car, parents consciencieux, nous voulions à tout crin vous permettre de tout regarder, sans a priori, ni mode, ni rejet obscurantiste. Pas toujours évident, car il fallait composer avec nos goûts, enfin ceux du moment, tant il est vrai que cette notion est en perpétuelle évolution.

Pas question de se forcer, de feindre une attirance pour ce qui, a priori, rebute, mais pas question non plus de camper ad vitam aeternam sur Giotto et Mantegna. Nous avons toujours taché d’être éclectiques et ouverts à toute proposition, sans pour autant se croire tenus de tomber dans le snobisme incontournable qui guette l’amateur d’art à chaque coin de salle. Les commentaires immanquablement dithyrambiques des expositions, les jugements souvent à l’emporte-pièce des critiques d’art nous donnent maille à partir avec le bon sens et faussent parfois notre perception esthétique.

C’est dans cette évolution logique et aussi autodidacte que fut celle de mes parents, que nous tentons, depuis longtemps déjà, de nous faire une opinion sur l’art contemporain. Nombre de mes billets s’en sont faits l’écho et ils révèlent toujours notre perplexité et notre désir de ne pas succomber aux tendances, pour le simple plaisir d’avoir l’air au courant ! Pas simple en effet de se forger une conviction quand il s’agit d’un bouillon inédit, de mouvements sans référence et sans les repères rassurants de l’art conventionnel.

Pas évident de faire la part des choses entre ce qui semble au néophyte de la provocation, voire de la mystification et la liberté d’expression qui s’impose aujourd’hui. On sait que si on en est réduit à de simples impressions l’art ainsi confiné risque de se réduire à de l’art « décoratif », et c’est bien le problème qui se pose devant nombre d’œuvres actuelles. On peut, selon ses propres inclinations, les trouver « belles », autant dire décoratives, c'est-à-dire être prêt à les exposer dans son salon, sans qu’elles aient pour autant rang d’œuvre d’art. Et, en la matière, la frontière est tenue, difficile à cerner, et peut-être factice. Car finalement est-il absolument besoin de vouloir sacraliser les expressions culturelles en leur assignant une mission intellectuelle, en leur imposant le devoir de contenir un message ou un manifeste ?

... à suivre

11 commentaires:

  1. Bonjour, Michelaise.
    J'ai lu ce billet-là, comme les autres, avec interêt.
    Je pense à la création musicale qui fut un de mes domaines privilégiés au début de ma vie, qui n'est pas éloigné de la création picturale ou de toute autre création artisitique.
    Il m'est toujours apparu évident que l'oeuvre est l'expression d'un être humain et que faire l'approche d'une oeuvre, c'est faire l'approche de celui qui l'a créée.
    Il convient alors de replacer cette oeuvre dans son contexte affectif et historique du moment.
    Si l'on s'accorde sur cette idée, tout peut être dit, et disparait toute crainte de snobisme ou de manque d'appréciation.
    En écrivant ainsi, je ne réponds pas à ton article, mais c'est ce qu'il m'inspire.
    Bonne soirée et merci.
    Je t'embrasse.

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  2. Pour ma part, ce que j'attends d'une œuvre d'art, c'est d'être "scotchée" par une foule d'évocations.
    C'est totalement subjectif mais je ne suis pas assez cultivée dans ce domaine pour juger du reste...

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  3. Mais si Herbert, tu "réponds" à mon article, dans le sens où tu nous dis comment tu ressens l'art et comment tu l'abordes... comme Astheval qui évoque sa subjectivité,et, à juste titre, la revendique. Comme on a aussi le droit, voire le devoir car cela peut être un courage de l'avouer tant la pression sociale est forte, de dire que les musées et les expos ennuient ! Comme le déplore JMV il est "de bon ton" d'avoir l'air de trouver cela sublime, mais il faut tout de même admettre que cela puisse souler certains...

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  4. Moi aussi comme Astheval lorsque je resterais des heures devant une oeuvre telle qu'elle soit c'est qu'elle m'a touchée pas forcément de la façon dont l'imaginait son auteur.
    Je suis restée des heures devant Les Menines au Prado,mais je suis incapable de vous dire pourquoi.
    Par contre au risque d'en décevoir certains je ne suis pas encore restée des heures devant une oeuvre d'art contemporain,mais ce n'est pas un scoop n'est-ce- pas Michelaise?

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  5. Non ce n'est pas un scoop et je crains ce soit normal... l'art contemporain au mieux ne déplait pas, voire est trouvé agréable à regarder... mais je crains fort que cela ne dépasse cette émotion rapide, un peu superficielle... ce qui donnerait raison à Alter qui pense que l'art contemporain est devenu décoratif. On essaie de se démontrer le contraire, ou de nous persuader du contraire mais je crains qu'il n'y ait là que du verbe, parfois malheureusement très creux. Ce qui me passionne et qui justifie cette série d'articles c'est justement de dépasser les énervements et les méfiances, et de savoir si, oui ou non, l'Art est toujours pictural et sculptural au XXIème siècle... essayer de faire la part des choses, de ne pas sombrer dans la mode, le snobisme ou le rejet systématique et se faire une opinion... vachement difficile

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  6. Cette idée de l'aspect "décoratif" de l'art contemporain me surprend vraiment, car nombre d'oeuvres que je me remémore m'apparaissent, même à travers le filtre du souvenir, comme fortes, bouleversantes, provocantes parfois et tout sauf décoratives. Mais je n'ai sans doute retenu que ce que j'ai aimé.
    J'apprécie beaucoup le commentaire d'Herbert. J'ai souvent pensé que l'émotion naissait de ce que d'ordinaire on appelle une faiblesse et qu'une oeuvre portée à une certaine forme d'achèvement plastique avait moins à dire. Par exemple, les photos de Nan Goldin que j'ai vues à Rome m'ont paru plus esthétiques et en même temps bien moins sincères et émouvantes que son diaporama présenté à Angoulême. L'expression touche le regardeur en fonction de l'implication personnelle de l'artiste dans son oeuvre et ce que vous appelez "décoratif" correspondrait alors peut-être à des oeuvres montrées dans des galeries dont le propriétaire s'attache d'abord à plaire à sa clientèle.
    Comme Astheval, j'attends d'être "scotchée" par l'impact d'une oeuvre d'art et cela m'arrive heureusement bien au-delà des critères d'appartenance à un mouvement plastique ou historique.
    Bref, il n'y a pas de règles et tant mieux!
    Je vais maintenant lire votre troisième publication, Michelaise.
    Anne

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  7. coucou
    aide moi à connaitre JMV ?
    et moi aussi, j'aime être scotchée, par toutes sortes d'oeuvres ...et quand une oeuvre ne veut pas me parler...je ne sais pas persévérer!
    biz
    korrigane

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  8. Merci Anne de ces commentaires longs et circonstanciés, heureusement qu'il n'y a pas de règles, mais le chemin est parfois difficile, avouons-le... du simple refus (normal à mon sens) à l'enthousiasme communicatif en passant par la méfiance, l'approche de l'art contemporain ne se fait pas sans embuches. Pour rassurer Korrigane, qui n'a pas tort, il ne faut pas non plus "se croire tenu de..." mais il faut persévérer. Enfin c'est ce que nous tachons de faire depuis des années, et finalement ça paye ! en termes d'émotion possible.
    Quant à JMV Korrigane, tu as l'adresse de son blog sur le côté, "Italians Do It Better", et lui, crois-moi, c'est un sacré accrocheur... dans tous les sens du terme, il s'accroche, et parfois il égratigne, mais c'est bon un blog qui ne cherche pas à tout crin le consensuel, et provoque un peu parfois !

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  9. Aimer ou ne pas aimer une oeuvre d'art, la comprendre ou non... la ressentir ou pas.... Pour moi, tout se passe au feeling. Je ne suis pas assez cultivée ni érudite pour parler d'art et expliquer pourquoi j'aime... Il m'est arrivé de ne pas aimer une oeuvre parce que je ne la comprenais pas et de changer d'avis ensuite. Un jour, au cours d'un stage, le peintre est venu nous parler de ses oeuvres à l'issue de l'expo. Sa passion pour la peinture et le sens qu'il donnait à chacune de ses toiles (abstraites) était extraordinaires et j'ai compris. Il n'était plus question pour moi de jeter un regard négatif sur son travail, au contraire. Même s'il ne me serait pas venu à l'idée d'acheter une toile et de l'accrocher dans mon salon, j'ai été éblouie par l'imagination et l'âme que cet homme mettait au service de ses pinceaux...

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  10. Voilà O2 tout est parfaitement résumé dans ton commentaire : dès lors qu'on comprend, qu'on parle avec l'artiste, qu'on "écoute" sa démarche, parfois factice, parfois sincère, on est mieux à même d'apprécier. C'est pourquoi je préfère les salons, les ateliers aux galeries, où ce sont des galeristes qui, vendeurs et commerçants, ont tendance à "inventer", comme certains critiques... et à "faire mousser" l'artiste

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  11. Je ne vois pas comment, de nos jours, tu pourrais "camper ad vitam aeternam sur Giotto et Mantegna". A douze euros le quart d'heure les fresques de la chapelle Scrovegni, c'est devenu mission quasi impossible! A moins d'être richissime! Cela dit, ta reproduction de la Fuite en Egypte est tout à fait conforme à ce que j'ai vu à Padoue!

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