vendredi 23 avril 2010

EXPRESS COTIER - 7

Le ciel est plus dégagé qu’hier pour notre entrée à Kirkenes, terminus de l’express côtier. C’est la dernière ville aux confins du pays, limitrophe de la Russie et de la Finlande. Un sacré mélange de noms de rues en russe, de vieux rafiots rouillés aux noms en caractères cyrilliques, de langue finnoise, de culture sami, tout cela au fond d’un fjord qui débouche dans la mer de Barents. Ici le Gulf Stream est moins actif et quelques glaçons de belle dimension nous accueillent pour notre arrivée au port. Pourtant le temps est plutôt doux et il ne sera pas utile de se transformer en bibendums pour la randonnée à traineau à chiens. Celle-ci se déroule à quelques kilomètres de Kirkenes et nous nous y rendons en bus, longeant les terrils extraits des mines fer qui firent la richesse industrielle de la région. Les mines sont aujourd’hui fermées et la ville vit de la réparation des chalutiers russes, son port est envahi de carcasses rouillées qui lui donnent l’allure d’un cimetière de navires. On nous signale plaisamment d’ailleurs, en passant près de 3 d’entre elles qui ont définitivement perdu tout espoir de remise en état qu’on peut se les offrir pour une centaine de couronnes, autant dire à peine plus de 10 euros !

Encore une ville martyre durant la dernière guerre mondiale : le monument aux morts et celui, assez joli, dressé en hommage à la douleur des mères durant les guerres sont là pour en témoigner. Située près de la frontière russe et abritant 70000 soldats allemands prêts à foncer au moment de l’invasion de la Russie, elle fut systématiquement bombardée par les russes et présente, comme toutes ces villes, une allure moderne indéniable. L’économie de la ville repose maintenant sur le tourisme et les activités commerciales intenses avec les russes qui viennent là passer leurs vacances, entreposer leurs bateaux, échapper aux lourdeurs administratives et aux taxes prohibitives de leur pays, voire simplement faire leurs courses car le choix est plus grand et les prix plus doux que chez eux.

Situé dans l’enceinte du spectaculaire hôtel de glace, le chenil abrite une troupe moins impressionnante de huskies de Tromsø, mais la ballade sur le lac gelé dans une neige douce et encore épaisse, sera plus confortable. Notre musher s’appelle Vinka, elle est rousse et charmante. Elle nous raconte qu’elle est venue en France, qu’elle a visité Paris, mais aussi Marseille et Bordeaux, en particulier les vignes du Médoc dont elle apprécie fort les vins. Avant de partir elle nous présente l’équipage : 8 chiens seulement au lieu de 12 à Tromsø. Devant, un couple : la femelle, menue et peu gourmande d’après Vinka, s’appelle Tutsø. Le mâle quant à lui, né avec un Z sur l’encolure, a été nommé Zorro ! Au retour quelques activités touristiques, mais ici encore le mercantilisme reste modeste. Quelques rares babioles dans une boutique, quelques rennes gavés du lichen que l’on distribue largement aux uns et aux autres pour les attirer, une tente sami avec son feu bienvenu malgré la relative douceur…

Mais l’attraction la plus spectaculaire reste l’hôtel de glace. Quand on pénètre dans son hall sombre où brillent le bar translucide éclairé par quelques bougies et des sculptures de glace aux allures contemporaines, on est surpris par le froid qui règne : une soufflerie puissante maintient la température en dessous de zéro.

Totalement vide quand j’y suis allée, il régnait une ambiance surréaliste, irréelle. Le long de deux couloirs en voute de glace ornés en leur extrémité de bougies illuminant de bas-reliefs taillés dans la neige, chaque couloir est bordé de part de d’autre d’une série de chambres en dôme, comme de petits igloos. Chaque chambre, de 4 mètres de diamètre environ, comporte en son centre un immense lit. Quelques éclairages enfouis dans le mur, toujours orné de bas reliefs d’inspirations diverses. Au sol, une peau de renne ou deux. Et rien d’autre. Le seul décor est constitué par les têtes de lit, en glace transparente et sculptée. On vient juste y dormir, ou plus si affinités, encore que Alter ait prétendu que la chose risquait d’y être entravée par la température négative qui, nécessairement, règne en permanence pour maintenir l’hôtel debout ! En plein hiver, quand il fait moins 25 dehors, il parait qu’on a vraiment chaud en rentrant. L’hôtel, isolé au bout de nulle part, est pourtant très fréquenté, en particulier par les russes qui, finalement, n’ont pas beaucoup à parcourir pour y venir. C’est un peu fou, comme notre époque aime, éphémère puisque chaque année le bâtiment disparait au printemps. Certaines chambres avaient de toute évidence encore peu de jours devant elles, on y distinguait une lueur de jour inquiétante, diffusée par la voute amincie prête à se percer. Ailleurs, tout est sombre, mais quand l’œil est habitué, et grâce à quelques très modestes éclairages placés de ci de là, cela prend un relief étonnant.

L’ensemble, blanc, agrémenté seulement de sculptures dans la glace, est sobre et de bon goût, pas du tout Disneyland ou Palais des Glaces comme je le craignais. Je me suis juste offert des petites glissades sur de drôles de traineaux, genre patinette, et personne ne m’a suivie !!

Le retour au bateau ayant lieu vers midi, heure traditionnelle de bousculade au buffet, et le temps étant presque ensoleillé, j’ai profité de l’heure calme pour un spa brûlant, qui est vraiment un exercice extrêmement agréable.

Une autre halte juste avant l’heure du thé, nous a permis de parcourir Vardø, qui vit de la pêche et de l’Otan. Durant la Guerre Froide la ville fut pourvue d’un radar destiné à surveiller les mouvements de l’aviation soviétique, et son dôme surplombe toujours la ville. Mais déjà en 1734, les norvégiens déjà désireux de se protéger des incursions russes, construisirent un fort qui fut terminé en 1737. Ici, comme ailleurs, la seconde guerre mondiale apporta son lot de destructions : mais les allemands ne pilonnèrent pas Vardø, et les russes n’en détruisirent « que » les 2/3. Résultat, et pour notre plus grand plaisir, le fort fut épargné et il se présente à peu près tel qu’il était au XVIIIème siècle. Une petite enceinte en étoile, qui abrite un vrai village à l’intérieur : la maison du commandant, et il y a en a un qui y habite, une église de poupée et quelques bâtiments utilitaires qui sont aujourd’hui transformés en musée. On croirait le désert des Tartares sous la neige ! 4 soldats servent dans cette enceinte, accueillant les visiteurs, balayant la neige, issant les couleurs et tirant au canon ( ?) à chaque fête importante, dont le 17 mai, fête nationale norvégienne, mais aussi le jour où le soleil revient après 2 mois de nuit. C’est, pour les habitants de Vardø, le signe du retour du printemps, et pour les écoliers l’annonce d’une journée fériée !

Nous étions sur la coursive du pont 5 pour suivre l’appareillage quand nous avons eu la chance de voir un phoque qui faisait la planche dans les eaux du port, et qui, après quelques prises d’oxygène longues et puissantes, a replongé dans les eaux glaciales en quête de nourriture.

La journée se termine pour nous, mais l’Express côtier continue son boulot : deux ports avant la nuit, et à chaque fois un accostage tellement doux et minutieux qu’on ne ressent ni une secousse ni le moindre heurt. Mais nous sommes à table à l’arrivée pour Bătsfjord, et je ne laisserais pas ma place à quiconque : j’ai rêvé toute la journée sur le poisson du dîner dont le nom, vous connaissez ma délectation pour la littérature gastronomique, est à lui seul un vaste programme : de l’omble chevalier. Ne souriez pas, dites-le, vous verrez c’est déjà tout rond en bouche ! Il s’agit d’un poisson sans doute banal, mais j’ai voulu le trouver délicieux et raffiné ! Il ressemble tout simplement à du saumon mais j’ai emmagasiné ce nouveau vocable dans mon dictionnaire de mots qui me font rêver : le blanc-manger, les bonbons à la violette et le chaud-froid de volaille !!!

12 commentaires:

  1. J'allais te faire un commentaire quand j'ai découvert le tien...

    Tu es très bien, sur cette drôle de "patinette", en tout cas tu as l'air de bien t'amuser !
    J'ai particulièrement aimé ton récit d'aujourd'hui.

    Bon week-end !

    Norma

    RépondreSupprimer
  2. Merci Norma, rien que le mot, patinette, et ce qu'il a de désuet et d'enfantin, m'amuse !!!

    RépondreSupprimer
  3. Très sympathique ce voyage...je pense à Françoise qui a reçu sa serre tu recevra peut-être un sauna pour la fête des mères !

    RépondreSupprimer
  4. Mais c'est une excellente idée ça Evelyne !! j'espère que je n'aurais pas à faire du ciment... parce que là, je risque d'être moins douée qu'elle !

    RépondreSupprimer
  5. Pff,pff,Michelaise facile le béton,tu achètes le sac tu ajoutes l'eau et tu mélanges!!! Quelques "biscotos" pour étaler et le tour est joué
    Journée magique dis moi
    Des photos de cet hôtel avaient circulé sur le net à une époque,c'était extraordinaire
    De l'omble-chevalier,alors là je suis bluffée car c'est tout de même assez rare ,,c'est vrai qu'on le trouve surtout dans les pays nordiques,je trouve pour ma part qu'il ressemble un peu au maigre,bien qu'il fasse partie de la famille des saumons et que ce soit un poisson d'eau douce

    RépondreSupprimer
  6. Parce que c'est un poisson d'eau douce... allons bon, je me suis contentée de le déguster, les neurones en émoi, mais je ne m'étais pas tuyautée !
    Les biscotos Aloïs, je n'en ai guère, je faisais à une époque un peu de sport pour m'entretenir mais cette année j'ai fait tellement d'ordi (pour le boulot) que j'en suis devenue toute molle ! beurk...

    RépondreSupprimer
  7. Quant à l'hôtel de glace Aloïs, les photos ne rendent pas l'ambiance, c'est spectaculaire et cela m'a fait un peu envie de passer une nuit à zéro degré... un peu snob sans doute mais nous l'avons vu désert et c'était vraiment le mythe de l'igloo, sans feu au centre !

    RépondreSupprimer
  8. Encore une journée riche en découvertes et en émotions !
    J'aime énormément les bonbons à la violette, ils me rappellent de vieux et bons souvenirs...

    RépondreSupprimer
  9. Dis donc tu y as vraiment pris goût au spa !!
    L'hôtel... oui cela fait drôle de penser qu'il est si éphémère, brrrrrrrrr y'a t'il au moins de bonnes couettes???

    RépondreSupprimer
  10. Oui Françoise, frappant de se dire que dans un mois cet hôtel ne sera plus là ! quant aux couettes, elles ne m'ont pas parues particulièrement douillettes, les peaux de renne étant censées y suppléer...
    Astheval, tu aimes les bonbons à la violette, mais tu es pleine de surprise ma grande !

    RépondreSupprimer
  11. Michelaise, délicate gastronome, as-tu dormi dans cet hôtel de glace ?
    En tout cas je constate que tu as préparé activement ta reconversion pour le jour où l'heure de la retraite aura sonné et je suis prête à faire ta promo avec ce slogan :
    "Mesdames et messieurs, Michelaise, musher de Meschers, c'est la meilleure..." ;-)

    RépondreSupprimer
  12. C'est complètement paradisiaque...même si on a tendance à penser qu'au Paradis, il fait un peu plus chaud :-)) Who knows

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...