mercredi 26 mai 2010

PARCE QUE...

Si certaines personnes présentes sur ces photos volontairement lointaines ne veulent pas figurer dans mon blog, qu'elles n'hésitent pas à m'en faire part !!!

Adolescente, j'avais une perception extrêmement romantique de l'amitié. Il faut dire que, plus jeune de 2 ans par rapport à mes condisciples (l'effet conjugué d'une classe "sautée" et d'une naissance en décembre), éternelle forte en thème et fille très obéissante, donc un peu craintive, je n'avais pas beaucoup d'amies et j'étais la proie toute trouvée pour devenir le faire-valoir de quelques gamines peu généreuses qui m'accaparaient pour obtenir de moi une aide scolaire contre des semblants de camaraderie. J'en étais donc arrivée à être d'une timidité extrême et d'une gaucherie permanente.
Lorsque j'ai rencontré ma "première amie", j'avais 13 ans, des espoirs fous, des idéaux pas du tout de mon âge et des aspirations exaltées qui conviennent à cette période de la vie. Elle avait les mêmes, et nous nous sommes découvert une amitié folle, presqu'amoureuse tant nos sensibilités se croisaient et se retrouvaient à chaque pas. Eloignées géographiquement, nous nous voyions une fois l'an pour d'infinis conciliabules, des confidences alanguies et ces retrouvailles éthérées ressemblaient fort à une passion. Le reste du temps, nous échangions des courriers quotidiens, voire plus, de longues lettres aux épanchements exacerbés, qui finirent par inquiéter nos parents. Puis, l'âge et les amours venant, nous cessâmes peu à peu cette correspondance et nous avons finalement perdu le fil de cette relation qui avait tout d'un ersatz de l'amour.

J'en ai gardé longtemps une nostalgie telle qu'il me semblait que l'amitié entre adultes n'est qu'un leurre, une mascarade de convention sociale déguisée des atours de la tendresse et de l'affection. Je croyais qu'un ami ne s'invente pas et que, le temps passant, on devient de plus en plus inapte à retrouver ces élans du coeur. J'ai épousé Alter, connu grâce à une amie qui ressemblait à s'y méprendre à ces camarades de classe qui n'étaient que des façades pour paraître sociable, à 20 ans et notre couple a comblé assez vite ces désillusions. Quelques 10 ans plus tard, j'ai développé une autre amitié épistolaire, peut-être moins enfiévrée mais intellectuellement très forte, avec un des lecteurs épisodiques de ce blog, qui se reconnaîtra au passage.

Et ma conception de l'amitié, rare, précieuse, impossible ou presque, n'avait guère évolué. Quelques connaissances, des amis de forme, des relations de travail plus complices que d'autres, mais toujours cette référence humaniste indélébile : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : “parce que c’était lui ; parce que c’était moi.” (Michel de Montaigne, Essais, Livre I, XXVIII, « De l’amitié »)
Une fulgurance, un idéal plein d'imaginaire, l'alchimie d'une rencontre improbable magnifée par la magie des mots. Car pour moi, l'amitié passait par ces épanchements qu'on ne peut, ni ne sait partager avec nul autre que l'élu(e). Et puis...

Et puis la vie m'a fait découvrir, paradoxalement car en vieillissant on est censé devenir plus exigeant, plus "difficile", ces rencontres humaines tellement riches, croisées au hasard d'un moment de partage. Parfois basées sur des goûts communs, je pense à Monique et Olivier croisés dans un Festival et qui, venus à la maison, ont passé avec nous une soirée telle qu'on aurait cru se connaitre depuis 20 ans, parfois dues à une volonté réciproque de donner avant de recevoir, je pense à Madeleine et Pascal avec lesquels on a l'impression d'être frères et soeurs, tant le dialogue est évident, parfois renaissance d'un lien depuis longtemps oublié, je pense à Catherine ma seule amie d'enfance, pas vraiment amicale quand nous avions 10 ans, ce sont de "vraies" amitiés, presque des retrouvailles avec des gens avec lesquels on se sent simplement en confiance. C'est ainsi que j'ai rencontré Alice, et c'est l'amour des livres qui nous a rapprochées. Au point de se sentir proches, alors qu'aucune ne cherchait particulièrement l'autre. Elle m'avait invitée cet après-midi à une petite fête dont je ne peux expliquer la raison au risque d'être indiscrète, mais en la quittant j'ai ressenti ce bien-être qui rapproche les êtres au-delà du simple contact social.
Et avec mes lecteurs parfois je ressens, à travers certains commentaires, une proximité étonnante qui me laisse éberluée, moi la rêveuse d'amitié avec des majuscules à toutes les lettres ! C'est encore l'ensorcellement des mots qui agit, j'en suis consciente, ces mots qui construisent un réel pour notre âme, ces mots qui magnifient le quotidien en éclats de bonheur, simplement parce qu'il faut se donner la peine de les dire, de les formuler. Et dire c'est déjà vivre.

15 commentaires:

  1. Joli texte Michelaise, de la sensibilité tu as, de l'amour plein les poches, et ma foi d'après la description de tes tendres années, tu t'en es bien sortie.
    Pour ma part, ces enfances de solitude et de manque de confiance en soi ne gomment pas notre Devenir, il suffit de faire LA rencontre, et alors là tout démarre, nous faisant mettre dans la boite des souvenirs ces errances pessimistes de l'âme.
    La vie est là, en mouvement, et de déplacement en déplacement on trouve et on retrouve les âmes sœurs. Il suffit de laisser le temps s'exprimer .
    Et on les rattrape ces expériences d'amitié que l'on pensait ne jamais croiser!

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  2. J'ai été très émue par ton texte, et quand je suis émue, je reste un peu sans voix, ou sans mots...
    Alors, "j'emprunte" ceux des autres...

    Pour toi donc, ces quelques extraits des lettres échangées par les deux amis que furent Albert Camus et René Char.

    Albert Camus, en 1956 :
    "Avant de vous connaître, je me passais de la poésie. Rien de ce qui paraissait ne me concernait. Depuis dix ans au contraire, j’ai en moi une place vide, un creux, que je ne rempli qu’en vous lisant, mais alors jusqu’au bord."

    René Char, en 1957 :
    "Ils sont en si petit nombre ceux que nous aimons réellement et sans réserve, qui nous manquent et à qui nous savons manquer parfois, mystérieusement, si bien que les deux sensations, celle en soi et celle qu’on perçoit chez l’autre apportent même élancement et même souci…"

    Albert Camus, 6 ans après :
    "Sur le chemin où marche un artiste, la nuit tombe de plus en plus épaisse. Finalement, il meurt aveugle. Ma seule foi est que la lumière l’habite, au-dedans, et qu’il ne peut la voir, et qu’elle rayonne quand même. Mais comment en être sûr. C’est pourquoi il faut bien s’appuyer sur l’ami, quand il sait et comprend, et qu’il marche lui-même, du même pas."

    Pour terminer, cette phrase si belle de René Char (Je veux parler d’un ami, 1957) :
    "Deux hirondelles tantôt silencieuses, tantôt loquaces se partagent l’infini du ciel et le même auvent."

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  3. L'amitié,vaste sujet,dont la signification n'est pas la même pour tout le monde.
    Quelque chose de bien relatif.
    On place parfois la barre un peu haut et la chute en est d'autant plus douloureuse.
    Certains que l'on pensait pouvoir tenir comme ami,n'en sont pas,c'est dans les moments difficiles qu'on s'en rend compte.
    Une de mes amies malheureusement décédée disait"les amis ce n'est pas fait que pour boire du champagne"j'ai essayé de m'en souvenir et étais auprès d'elle au dernier moment.
    C'est vrai qu'à travers les blogs on sent ceux qui pourraient devenir des amis,même si parfois le fait de savoir que l'on va être lu par des inconnus fait que l'on se retient de dire certaines choses.

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  4. "Parce que...c'est toi parce que c'est moi"...

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  5. Je dois être une rêveuse décidément car je crois en l'amitié.
    J'ai la chance d'en avoir des preuves si souvent...

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  6. Un texte essentiel qui me touche beaucoup car il y a des ressentis et des points communs que je connais mais que je ne saurais si bien exprimer.

    " Et dire c'est déjà vivre " un écho à ce qu'écrit Hubert Nyssen : "Renoncer à nommer c'est consentir à se noyer".

    Un beau billet.

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  7. Bonjour, Michelaise.
    Comment veux-tu que je ne sois pas touché parce que tu écris ?
    Il n'y a d'abord que des accents de vérité . Il y a ensuite une si belle cohérence dans tes propos que les accents de vérité sont confirmés.
    Et puis il y a des aveux intimes qui font vibrer le lecteur que je suis.
    Tu dis si bien les choses ressenties.
    Des choses qui viennent de loin et qui perdurent.
    Des choses immortelles.
    Je te cite une autre définition de l'amitié: elle est de La Fontaine: "L'un ne possédait rien qui n'appartint à l'autre "...
    C'est ce que j'ai cru lire dans tes correspondances adolescentes.
    La force des mots...
    Mais oui.
    Et leur transposition dans la vie.
    Les mots vont au-delà de ce que nous sommes. Ils ont une puissance fascinante.
    Après tout, un écrivain n'est-il pas aussi virtuel que nous croyons l'être les uns des autres?
    Dire, c'est déjà vivre...
    Oui, c'est déjà savoir aussi que l'on posséde un écho .
    Comme un ricochet sur l'eau.
    Merci beaucoup pour ce texte.
    Je t'embrasse.

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  8. Mais oui il faut y croire, l'Amitié ça existe en vrai même si on ne prend pas toujours le temps ou ne le dis pas assez souvent ...
    Tu es unique pour moi,
    Je t'amit'aime très fort

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  9. Norma, de toutes tes belles citations je choisis celle de René Char : Ils sont en si petit nombre ceux que nous aimons réellement et sans réserve, qui nous manquent et à qui nous savons manquer parfois, mystérieusement...
    Martine, tu as raison j'aurais pu devenir asociale, je suis simplement sauvage... je sais par contre très bien écouter !
    Françoise, l'idéal serait d'être là pour boire du champagne au dernier moment... c'est vrai qu'on apprécie l'amitié aux épreuves que certains t'aident à partager... Souvent ceux qu'on écoutait, et qu'on croyait vos amis, détestent quand on n'est plus assez disponible pour les écouter, parce qu'on a soi-même des soucis... et là, t'en veulent et te laissent choir !
    Chic, tu es trop sensible mon grand, mais c'est une qualité !!!!
    Astheval tu as raison et il est bon que la vie t'en donne des preuves... vautre-toi dana l'amitié, c'est un des excès les plus salutaires qui soient !
    Merci Miss Lemon, je suis heureuse de dire des mots universels, et que certains(es) les partagent, et le disent !!!

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  10. Herbet, l'image du ricochet me va droit au coeur et si l'amitié est un thème qui fédère, je suis ravie que la façon dont j'en ai parlé, à coeur ouvert, t'ai touché !
    Mais oui Françoise l'amitié existe, je l'ai rencontrée, souvent... moi aussi je t'amitaime !

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  11. J'arrive sur la pointe des pieds et j'entrevois une bande de chouettes copinautes qui s'aiment bien tout simplement, elle n'est pas belle la vie!
    Et moi, et moi et moi....
    L'amitié fédère même sur ton blog Michelaise, bravo!

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  12. Oui Oui Martine, belle aux couleurs d'avenir ! On y croit et c'est le principal...

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  13. En effet c´est en parlant livres que j´ai découvert mes dernières amies.

    Je dois te dire que j´ai agrandi mon cercle d´amies en sortant seule pour conférences, club- échanges de lecture qui existent dans certaines bibliothèques.

    Bon dimanche

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  14. "Qui se ressemble s'assemble"...
    Pour les êtres un peu plus sensibles que la moyenne, pas toujours facile de trouver celui ou celle qui vous "ressemble"...l'âme-soeur avec laquelle on pourra partager...
    Ton histoire me touche, Michelaise, tu sais si bien dire les choses...et même, je m'y retrouve un peu...
    Adolescence "sauvage" et ami(e)s venu(e)s sur le tard...c'est aussi mon histoire !

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  15. Finalement, les relations nouées à l'adolescence sont certainement trop exigeantes pour durer.

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