lundi 5 juillet 2010

APOCALYPSES...

Une petite virée "entre filles" avec Koka, cela fait du bien. Bon, le "entre filles" n'a pas fait long feu, car Alter, tout malheureux de rester au piquet pendant que ses femmes allaient se promener, nous a très humblement et tellement gentiment demandé s'il pouvait se joindre à nous, en se faisant tout petit, que nous n'avons pas eu à coeur de le lui refuser. Certes, il ne s'est pas fait tout petit, parce que, dit-il, "vous êtes de sfilles, j'aime bien embêter les filles"... Mais il est tellement content qu'on ne peut lui en vouloir.
Le programme concocté était destiné à offrir à Koka quelques lambeaux de nostalgie, quelques instants volés à une enfance encore proche. Le Festival d'Anjou pour un Anouilh dont je vous parlerai plus tard... Et le Puy du Fou !

Ayant récupéré notre minette à la gare d'Angers, nous en avons profité pour nous offrir un parallèle apocalyptique entre les tapisseries du 14ème et celles du 20ème. Les premières s'inspirent de manuscrits à miniatures illustrant le texte de l'Apocalypse de Jean, d'après des cartons de Hennequin de Bruges, peintre attitré du roi de France Charles V. On ne peut en contempler qu'une partie, mais il en reste tout de même une centaine de mètres sur les 140 qui furent tissés à l'origine. Quant aux couleurs elles sont, par l'effet conjugué du temps et de la lumière, fortement délavées mais on a la consolation de se dire que les couleurs originelles figurent encore au dos des panneaux, aussi lisibles à l'endroit qu'à l'envers ! Pas question bien sûr de retourner les tapisseries mais les photos en témoignent, ces dos sont aussi frais qu'il y a 6 siècles.

Plutôt individualistes forcenés, nous ne sommes guère coutumier des visites guidées mais l'Apocalypse, malgré des années de pratique assidues à travers les tympans de nos églises romanes, reste un texte touffu, confus et complexe. Nous nous sommes donc joints au groupe qui suivait le guide et il faut bien avouer que sa présentation BD du texte de Saint Jean, rendu épique par un débit allègre, valait son pesant de cacahuètes. Et rendait finalement la lecture et la compréhension de l'œuvre très facile ! On n'avait jamais aussi bien suivi les affres de l'ire divine. Et les fléaux multiples infligés à l'humanité par Celui qui l'a créée et semble s'en repentir si fort tant elle est indigne de son Amour, n'ont plus aucun secret pour nous ! Les photos de mon montage sont, bien sûr, récupérées sur le net, pas question d'enfreindre les interdictions de cliché !
Après cette bombance de tapisseries médiévales, présentées dans une ambiance sombre et glaciale, la superbe salle de l'hôpital Saint Jean, baignée de lumière et tendue des œuvres colorées et chatoyantes de Lurçat, offrait une alternative plaisante.

J'ai toujours eu une attirance marquée pour Lurçat, découvert alors que j'étais toute jeunesse à Saint-Céré. Le château de Saint Laurent les Tours que l'artiste acheta sur un coup de coeur en 1944 alors qu'il était directeur des Affaires Culturelles du département du Lot, était en ce temps-là encore occupé par sa veuve. Mais j'avais pu admirer les panneaux du Casino, et cette première impression m'est restée.
« Les Tours Saint - Laurent, je les ai vues pour la première fois à quatre kilomètres environ, en descendant une crête. C'était pendant le maquis et j'avais un chauffeur, puisque j'étais à l'Etat - Major. J'ai dit : "Qu'est - ce que c'est que ça ?" et le chauffeur m'a répondu : "C'est le Château de Saint - Laurent ...".
Alors, j'ai dit - je m'en souviens comme si c'était aujourd'hui - j'ai dit : "Nom de Dieu!... Je veux crever si un jour c'est pas à moi!" Textuel ... C'était à moi quatre mois après ... J'avais rencontré le propriétaire tout à fait par hasard. J'ai demandé le prix, tout de suite. J'ai acheté sans visiter. Cette espèce de gros château fort avec ses grandes tours, avec ses remparts, avec ses fossés .... et avec toutes ses démolitions aussi ...
J'ai acheté tout ça d'un coup ... En fait, j'ai acheté une carte postale. Mais il s'est trouvé que cette carte postale était magnifiquement organisée pour mon travail de peintre mural, puisque la hauteur moyenne des plafonds est de six mètres ; que j'ai une grande salle qui a quinze mètres de long ; qu'il y en a une autre qui fait dix mètres de haut, etc .... En somme, ce que j'avais acheté, c'était un outillage .... »
(d'après Claude Faux "Lurçat à Haute voix")
C'est en 1986, Simone Lurçat, veuve de l'artiste, a confié les lieux au Conseil général du Lot pour qu'il puisse, par la création d'un atelier-musée continuer à faire vivre l'âme des lieux et l'œuvre de Jean Lurçat. Mais revenons à Angers qui possède une superbe collection des tapisseries du maitre. Celles du Chant du monde, et d'autres, conservées au musée de la tapisserie contemporaine.
Le Chant du Monde, c'est aussi un coup de coeur, celui de son voisin et ami Jean Cassagnade pour l'Apocalypse d'Angers. Cassagnade, voisin et ami de Lurçat, était un communiste lotois, truculent et brillant, ennemi juré d'Anatole de Monzie, et convaincu que la diffusion de la chose artistique était aussi importante que le sport (c'est ainsi qu'il a relancé le stade de rugby de Saint Céré en 1933) pour offrir aux administrés de saines distractions. Un jour qu'il était immobilisé par une sciatique, il lisait un livre sur la célèbre tapisserie angevine. Frappé par le sujet, il pensa "Au Moyen Age, la vie, c'était d'abord la peur de l'enfer et cela s'inscrivait dans ces limites-là. Aujourd'hui : la vie, c'est la puissance de l'homme car il n'y a plus d'enfer ... alors il n'y a plus de limites ... Mais personne ne s'y est mis pour montrer comment c'est maintenant."

Derechef, il fonça, oubliant sa sciatique, chez son illustre voisin, et lui déclara " Il faut faire l'Apocalypse du XXè siècle ... Il nous faut au moins 1000 mètres carrés." Et Lurçat releva le défi. Tant et si bien que même s'il n'a pas atteint la surface suggérée par son enthousiaste ami, il nous a laissé 10 superbes tapisseries, tissées par les ateliers Tabard d'Aubusson selon ses cartons détaillés et fort riches. L'oeuvre est véritablement inspirée : de la menace de la bombe atomique, fort présente à l'esprit des ceux qui venaient d'en vivre les catastrophiques conséquences, aux pampres de la vigne en passant par le souffle cosmique d'un univers encore à découvrir, on y trouve tout une déclinaison de thèmes forts, traités par l'illustre peintre cartonnier avec un lyrisme exaltant. Ne désirant pas alourdir infiniment cet article je vous laisse découvrir par vous-même les tapisseries qui ont, c'est symbolique et émouvant, été exposées en 1999 à Hisroshima. Le foisonnement des motifs, poétiques et lumineux, le côté épique et presque visionnaire de ces tentures en font une véritable symphonie textile sur la destinée humaine. Je ne saurais trop vous conseiller, si vous passez par Angers, d'aller les admirer de visu à l'hôpital Saint Jean, qui offre en outre un délicieux cloitre parfaitement reposant !

11 commentaires:

  1. Fort intéressant ton billet Michelaise.

    Bonne soirée

    Nous attendons l´article du festival d´Angers, peut-être ?

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  2. Une fort belle escapade ! Bien intéressant de s'attarder sur les tapisseries de Lurçat que j'ai découvertes aussi à St Céré.Le lien est riche d'info. J'irai les voir la prochaine fois que nous nous arrêterons à Angers...
    Bonne soirée

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  3. Une virée entre fille ??? mais c'est l'apocalypse ! ;-))

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  4. Chic, si tu savais, tu imagines ce pauvre Alter ! qui ne rêve que de nous tirer les tresses ...
    Enitram, j'ai très envie de retourner à Saint Céré, c'était il y a si longtemps (plus de 35 ans) j'ai l'impression que c'est encore plus intéressant maintenant. Oui, oui, arrête-toi à Angers, le musée vaut aussi la peine.
    Merci Alba, il y aura en effet un article sur le festival d'angers avec une pièce qui fut, auparavant, parisienne

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  5. A Lurçat nous devons le renaissance de la tapisserie !

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  6. Lurçat, c'est vraiment un grand, et tu as raison, on peut lui attribuer la renaissance de la tapisserie

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  7. Sais-tu que c'est toute mon enfance ,toute ma jeunesse que tu décris là!
    J'en ai des frissons.
    Jean Cassagnade,une "armoire à glaces" qui me faisait un peu peur lorsque j'étais petite marié à un petit bout de chou haut comme trois pommes.
    C'est lui qui a fait venir mon père rugbyman à Saint-Céré,il lui a fait abandonner la cuvette de Sapiac,mon père revenait de la guerre d'Algérie et je crois qu'il était assez content je pense de trouver un peu de calme.
    Jean Cassagnade et son épouse n'ont jamais eu d'enfants,c'est son neveu Pierre Delbos qui a continué à faire vivre Jean Lurçat au Casino de Saint Céré puis à été à l'origine du musée qui se tient dans les Tours,peut-être leur fille une de mes amies prendra le relais.
    Lorsque l'on va dans des dîners à St Céré chez les gens qui comptent il n'est pas rare de voir un mur couvert d'une tapisserie de Lurçat.
    Pour ma part je n'ai que des assiettes et des plats!!!
    Quant à Mme Lurçat elle a été la secrétaire de mon beau-père!

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  8. Très intéressant billet je connais les tapisseries du 14ème mais pas celles de Lurçat que vous m'avez fait découvrir, le lieu semble très beau.
    Marisol

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  9. Oui l'endroit est vraiment plein de charme Marisol, et complète admirablement l'Apocalypse.
    Je savais Aloïs que la mention de Saint Céré ferait tilt !!! Et je suis ravie de ton commentaire, c'est du vécu au moins ! Et des souvenirs hauts en couleurs

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  10. Au musée des Années trente il y a quelques oeuvres de Lurçat.
    Un beau billet et les commentaires sont toujours intéressants à lire.
    Françoise connait tellement de monde...elle devrait écrire sa biographie !!!

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  11. Ce billet est passionnant ! Je suis contente qu'il se soit finalement affiché (mon PC refusait de l'ouvrir depuis quelques jours...). Cette tapisserie du XXième siècle doit être superbe à découvrir.

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