mercredi 7 juillet 2010

PAUVRE COLOMBE

Toujours aussi candides les "michelais" en vadrouille ! Nous allions voir Anouilh, car c’est tellement rare dans nos provinces du voir du « vrai » théatre, que nous partons chaque année faire une cure en Avignon. Et même là, c’est le règne du « one man show », de l’adaptation, du « dans le genre de » mais l’esprit n’est pas toujours respecté. On y voit aussi de nombreuses créations, une approche moins littéraire du théâtre, qui se fait art à part entière, images, sons, lumières… Mais du « vrai » théâtre, c’est devenu rarissime de voir une pièce, mise en scène et jouée selon les didascalies, où le texte reste lisible et l’intrigue respectée. Donc, dès qu’un auteur disons classique pointe son nez à un distance accessible, on fonce. Là, Colombe de Anouilh, c’était le rêve. Faut dire que cette année l’auteur aurait eu 100 ans, ce qui nous vaut quelques productions car il est, on se demande bien pourquoi, peu mis à l’affiche.


Au Plessis Macé, devant le délicieux château angevin qui accueille chaque année des spectacles du Festival d'Anjou il y avait foule : tivoli blanc, tables enjuponnées, ronds de jambe et même France Culture. L’ensemble de la bonne bourgeoisie angevine s’était déplacée en masse sur une affiche alléchante et prestigieuse : Annie Duperey, sa fille Sara Giraudeau, Rufus et d’autres moins connus mais en passe de le devenir. En fait, la pièce a été créée en mars de cette année, avec cette distribution de charme à la Comédie des Champs Elysées, et nous assistions à une reprise en tournée dans le cadre du Festival.

Nous n’avons guère été enthousiasmés par le jeu de ces acteurs, et sommes ressortis pas vraiment contrariés mais déçus. Sara Giraudeau parlait avec une voix constamment soufflée, comme le veut une certaine tradition de la chanson, ce qui limite considérablement les couleurs de son jeu. Cela donne au final une interprétation linéaire, qui suit mal l’évolution du personnage au cours de la pièce. Anny Duperey jouait avec une certaine affectation et le résultat était outré et assez démodé. Quant à Julien joué par Grégori Baquet il n’était guère convaincant, son registre manquait de relief .

Si l’on ajoutait à cela une mise en scène d’une pauvreté extrême, terriblement surannée, et le jeu outré de certains rôles secondaires, on comprendra que nous sommes sortis de là mi-figue, mi-raisin, persuadés que la pièce est superbe mais qu’on avait raté quelque chose. Surtout frappés par le côté vieillot et trop boulevard de la mise en scène.

Seul Rufus, parfait, était, comme toujours absolument formidable. Humble et attachant, il sait provoquer le rire sans jamais en faire trop. Il justifiait à lui seul la soirée et entendre Anouilh a le mérite de faire réfléchir. Colombe explore finalement les questions vertigineuses de la validité des formes d'affection : doit-on être aimé pour ses qualités (une sorte d'admiration paroxystique qui ne peut passer, comme la vit Julien, mais qui reste abstraite), ou aimé plus instinctivement, en tant que tel (auquel cas on a tout loisir de changer). Les personnages sont finalement assez hideux, et tous égoïstes. Julien est peut-être un rêveur, mais surtout un artiste raté égoïste et un tyran conjugal ; Colombe est une jeune femme qui n'a pas encore affirmé ses goûts, mais qui contient dès le premier acte toute la propension nécessaire à la superficialité dont elle fait ensuite grand usage. Le frère est un opportuniste qui n’a ni loi, ni morale. La mère est d’un narcissisme sans fond et rien ne peut la faire sortir de ses préoccupations farfelues et égocentriques. Les hommes sont tous de sinistres coureurs à la petite semaine, qui n’ont ni charme, ni originalité. Bref un monde bien patibulaire qu’Anouilh dépiaute sans la moindre concession, pour notre plus grand plaisir. Une pièce "brillante" à revoir dès que l’occasion s’en présentera, mais pas traitée en vaudeville.

6 commentaires:

  1. Ce que je préfère dans ton billet c'est... l'affiche!!!!!!!
    Oh! comme j'avais aimé "Antigone" d'Anouilh, en 1966 ou 67!!!!
    Bonne soirée

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  2. Dommage, pour vous.

    Mais, vous avez peut-être trouvé un petit restaurant sympa ?

    J´ai de bons souvenirs de bons restaurants en Anjou où j´allais avec mes parents.

    Ce Festival, il me semble a été crée par Jean-claude Brialy.

    Bonne journée Michelaise

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  3. Un monde bien proche de la réalité me semble-t-il...
    Mais gardons notre optimisme en ce magnifique petit matin d'été, si prometteur...
    Très bonne journée à toi !
    Norma

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  4. Rufus, "énorme comédien" que l'on ne met pas souvent à l'honneur je trouve! peut-être est ce à cause de sa très grande discrétion ?
    Dommage pour le reste ... Mais en plus Anouilh par cette chaleur !!! (lol)

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  5. Ton article donne envie de lire cette pièce mais pas d'acheter les billets pour cette mise en scène !

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  6. Oui Artémise, un commédien de première classe, Rufus car l'art du comique avec élégance est certaiement le plus difficile à pratiquer. Avions vu Rufus en one man show à Avignon il y a quelques années.
    Pourquoi pas la lire en effet Astheval, ou la trouver jouée par une troupe plus respectueuse de l'esprit et de la lettre... on trouve quelques Anouilh cette année !

    Sûr Norma que cette vision de l'humanité n'est pas réjouissante et pas très adaptée aux temps d'été !
    Alba, tu as tout juste, en effet le Festival fut créé en son temps par JC BRialy et nous y avons vu des chefs d'oeuvre, de bellles et grandes mises en scène. Quant au bon petit repas, tu as tout juste, on a trouvé quelques bonnes tables en Anjou !
    Enitram c'est vrai que l'a ffiche est réussie. Quant à l'Antigone d'Anouilh je l'ai vu jouer par la troupe de Maréchal l'année de la mort de ce dernier et c'est magnifique... émouvant aussi d'avoir assisté à sa dernière tournée. (Marcel bien sûr !)

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