mardi 20 juillet 2010

SOCIOLOGIE DES BAINS DE MER


Cloitrés derrière nos avoines folles qui emplissent de rage ma voisine psy et nos oliviers improductifs, nous regardons s'écouler le flot des vacanciers qui "descendent" à la plage par l'allée du Clair de Lune. Des gens hier imbus d'eux-mêmes, plein de quant à soi et de respect humain défilent les bras chargés de bouées et de pelles, trainant parasol et glacière, les épaules déjà écarlates et le front suant. On ne peut s'empêcher de se demander ce qu'ils vont faire sur cette étendue de sable brûlant qui nous offre tout le reste de l'année de bien douces balades, les pieds dans l'eau, le nez dans les nuages, mais jamais l'envie d'y rester plus que le temps d'un bain quand vraiment le temps est trop chaud.
- Mais enfin, depuis plus de 5000 ans que l'homme déploie sa civilisation, il n'avait jamais pensé à pratiquer le bronzage et à rester de longues heures à griller sur une plage, c'est étrange quand même. Il dansait, il lançait des dés, il jouait de la musique... il a peint et sculpté très tôt, il a fait du sport, le théâtre n'est pas une invention récente, bref il pratiquait déjà toutes nos distractions... sauf celle-là.
- Je pense que les bains de mer sont liés à l'invention de l'oisiveté. Il faut bien peupler l'oisiveté, soit on s'installe comme dans Tchekov sous un tilleul pour parler en rond et avoir des croûtes à l'âme qu'on gratte complaisamment, soit on découvre les joies de la plage.
- Il ne faut pas exagérer, l'oisiveté n'est pas une innovation du XXème siècle, les petits nobliaux de l'Ancien Régime la pratiquaient déjà fort bien, et ils n'allaient pas rotir sur le sable pour autant.
- J'entends l'oisiveté comme contrepoint au travail, pas l'oisiveté comme état naturel. En tant que repos, elle doit être comblée, occupée, et rien de tel que cette activité simple et basique qui ne requiert aucun effort particulier. Et puis, il y a aussi l'apparition du plaisir de se dénuder, il y a un côté sexuel dans le besoin de bronzer, pour mettre son corps en valeur. Cela explique cette patience déployée pour obtenir une teinte appétissante à point, recto, verso, au prix de longs somnolements et d'un intarrissable ennui.
- Objectivement, ce n'est pas pire que le désoeuvrement à la Tchékov, cette espèce de lourde mélancolie, cette pesante langueur qui flétrit les heures de ceux qui ne peuvent rine faire d'autre que de la subir et de s'y vautrer l'âme et le corps.
Allez savoir pourquoi, cet échange a ensuite dévié sur les mérites opposés et s'excluant l'un l'autre, de la pitié et de la compassion. Mais ceci serait une autre conversation, et à tout dire, ne ferions-nous pas mieux, Alter et moi, d'aller participer à l'entreprise générale de hâlage plutôt que de parler en rond ainsi en contemplant les silhouettes qui s'ébattent au loin ???

10 commentaires:

  1. Je n'avais pas l'intention de revenir ici mais la curiosité de voir sur le net des lieux si connus des avignonnais (les Doms, l'ancien entrepôt d'expédition -l'Adresse et Volpone- St Didier and so on) m'a fait refaire le chemin.
    Vous ne croyez pas si bien dire à propos de ce qui jette tant de nos semblables (?) sur les plages de sable pas toujours très fin. C'est pire ici,dans le Midi, et à l'oisiveté mal assumée vous pouvez ajouter le bronze-cul et l'illusion de liberté du corps et de l'esprit que donne l'horizon si lointain et le dénuedement au grand soleil. Je n'ai plus mis les pieds "à la mer" depuis des années. Sauf l'hiver quand la nature reprend timidement ses droits, comme tout près d'ici, en Camargue, quand les taureaux (suis très branché course camargaise) remontent vers les sagnes et que les derniers touristes, transis de froid, se réfugient dans de douteuses auberges "typiquement provençales".
    Les paquets de baigneurs agglutinés témoignent de nos grégarités mais aussi de la difficulté à trouver ce que vous avez encore: des longues plages à l'écart, pour le moment encore, d'une pression immobilière déchaînée.
    L'oisiveté comme contrepoint nécessaire au travail ? Je n'y crois pas trop sauf si elle se traduit par le repos. Je crois plutôt à un attrait inconscient pour l'élément liquide, une agréable régression d'autant mieux assumée qu'elle est partagée.

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  2. Soyez remercié Roberto de votre (re)passage et de votre commentaire, si éloquent, si acéré aussi, mais finalement plutôt compatissant : l'attrait pour l'élément liquide dites-vous... pourquoi pas ! mais ce n'est malheureusement pas "Bleu" de Kieslovsky !! Pourtant, comme vous le signalez en contepoint ironique, du moment que cela fait consensus, tout va bien !
    Ravie tout de même de croiser quelqu'un qui préfère la plage l'hiver, quand elle offre sa nudité et son charme venteux aux promeneurs qui ont trouvé un sens à leurs pas !

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  3. PS vous n'avez pas de blog Roberto ? Votre prose est si bien tournée que je vous suivrais volontiers, mais j'ai beau cliquer comme une perdue, rien à l'horizon !! est-ce un effet de mon inaptitude ou en effet, vous n'avez pas de blog ?

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  4. C'est ce qui fait que les rares fois où je me pose sur une plage,généralement je la traverse de bout en bout afin de m'isoler,je n'ai jamais compris pourquoi les gens éprouvaient le besoin de s'agglutiner ainsi,ce sont les mêmes que l'on retrouve poussant leur chariot dans les supermarchés aux heures "de pointe",il ne leur viendrait pas à l'idée de s'y rendre aux heures "creuses"
    Tu as oublié dans la panoplie indispensable la radio,l'autre jour dans une brocante j'ai découvert une glacière-radio!!!!
    Au secours,je ne savais pas que cela existait!
    Mais j'avoue que la journée passée sur une de tes plages que j'avais pour moi seule,fut un moment de rare bonheur,un moment ressourçant où j'ai navigué entre mes livres,la vue sur l'estuaire,les baignades....

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  5. Oh Aloïs, la glacière-radio, à hurler de rire !
    Sais-tu que l'autre jour j'ai croisé un de ces touristes qu'hébergeaient de amis. Nous parlions, que faire d'autre, du temps, fort chaud ma brave dame ! Quand il nous déclaré ex abrupto, que le seul endroit supportable était les supermarchés car ils étaient climatisés... de là à dire qu'il aimerait y passer ses vacances, il n'y avait qu'un pas qu'il a franchi allègrement. On n'a pas compris s'il fallait rire ou s'il était sérieux !
    J'aimererais trop te montrer mon balcon secret, un petit creux de rochers qui surplombe l'estuaire et où aller lire quand le soleil se couche à l'horizon est un vrai moment de luxe !

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  6. Roberto n’a pas de blog. Et qu’en ferait-il ? Je suis un peu coucou et me pose (« pause » ferait aussi bien) là où il me plaît. Je mène une vie de patachon et je ne vois pas très bien où je trouverais les moments ad hoc. Inconstant que je suis je viens un jour chez vous pour n’être que chez quelque voisin un autre de ces jours toujours trop courts. Et puis le jeu du « passe-moi la rhubarbe…» etc. m’ennuie.

    En vrac :
    Je crois beaucoup à quelque rappel inconscient dans l’envie de faire trempette. Ajouter à cela le plaisir tout bête de se rafraîchir quand il fait, comme chez moi, du 35° à l’ombre. Ma piscine est à 29°C depuis 15 jours…

    Plongée dans votre blog. Le baiser : pas tt à fait d’accord. Certes les acteurs sont très bons mais le texte d’Horovitz est inégal. Les 30 premières minutes relèvent du soap et plombent un peu la pièce. Très américain…sauf la fin qui retrouve force et sincérité.
    Volpone. Jeu inégal des acteurs. J’aurais aimé qu’ils forcent le trait. Les Langues, 3 Vieilles, excellents.
    Je continuerai à lire vos impressions demain.Les meilleurs du Off : Rinocéros chez Timar, Le Mot progrès etc. un extraordinaire Visniec, Motobécane au petit Chien…Bref, il vous faut revenir…
    On m’appelle je file. Mais je reviendrai…Rob.

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  7. Suite et fin. D'accord pour le reste (pas vu cependant le Visniec). "Disparus", effectivement plus faible que le reste de la programmation des Doms.
    Mais surprise et patatras: vous avez quitté la salle avant la fin si j'ai bien compris. Cela a un nom: impolitesse. Tout simplement.
    Cela ne colle pas trop à l'image que vous semblez vouloir donner de vous ? Un peu compliquée Mich' ?
    (pas obligée de me répondre, ici du moins) . Sourire. A + Roberto.

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  8. Je m'oblige à descendre à la plage de temps en temps pour passer du temps avec les filles...bains et discussions l'après-midi passe vite !!!

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  9. Roberto en effet il faut du temps pour tenir un blog... j'avoue que le plaisir des mots est, en ce qui me concerne, une telle gourmandise qu'elle justifie à elle seule cet exercice. Mais le jeu des "je te lis, donc tu me commentes" est vain, pénible et absurde, je vous le concède. Je crois que rares sont ceux qui pratiquent ce sport dans mes lecteurs, et je suis leurs blogs avec un réel plaisir, des amitiés (pas si virtuelles qu'il y parait) sont nées, on se connait vite mieux par le verbe !
    Impolitesse pas trop, car nous nous installons toujours au dernier rang dans la salle des Doms, et on s'est échappés par l'escalier du fond de la salle sans que quiconque le remarque ! Et puis, que voulez-vous Roberto, j'ai 56 ans, et je commence à revendiquer certains droits : les acteurs, le metteur en scène, les costumiers se font plaisir, ok. Je paie ma place. Mais si vraiment le résultat m'ennuie, m'atterre, voire m'indispose, je renvendique le droit de n'avoir pas à subir leurs errances ! Pourvu que je ne sois pas en train de devenir une mamie grincheuse !!!
    Evelyne, ah ces filles !! elles nous font faire des trucs dont on ne voudrait sous aucun prétexte, rien que pour les voir ! Koka a trainé ALter au Puy de Fou, on ne peut pas dire qu'il était épanoui, mais il a suivi pour être avec SA Koka !!!

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  10. A Paris plage idem :)) Paris la frime ou Paris voyeur...

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