Elle avait une toute petite mine en arrivant hier soir sur l'île, la vie de ces jeunes artistes est épuisante : travail, engagements, voyages, toujours par monts et par vaux... la réussite et la reconnaissance sont à ce prix. Cela ne l'a pas empêchée d'être fort affable lors de notre petit dîner dans la maison où Lydia reçoit toutes ses "recrues". Le festival "Musiciennes à Ouessant" commence demain et les deux premières participantes étaient déjà là.
Marion Baglan, soprano colorature arrivait tout fraichement d'Avignon, où elle a triomphé dans le Mysanthrope du Palace. Une adresse que nous n'aurions pas choisie, mais qui, selon elle, essaie de redorer son blason et sa réputation en montant des spectacles de qualité. Mis en scène par Nicolas Rigas, le divertissement voulait user de tous les artifices que permet la scène : la danse, le chant, la commedia dell’arte, l'accrobatie, et surtout... l’humour. Ceci en respectant la lettre, c'est à dire le texte de Molière. Il semble que cette représentation ait eu un fier succès, faisant salle pleine à presque toutes les séances ce qui, pour Avignon, est une vraie gageure. La qualité de la production, relayée par des artistes de talent, et aussi, je pense que cela ne gachait rien, par le joli nom de Delphine Depardieu, ont permis cette réussite. Selon Marion Baglan, les puristes y trouvaient leur compte, et les béotiens s'y distrayaient tout à loisir !
La partenaire de Marion, qui va l'accompagner dans un programme de lieder et d'extraits d'opéra, est donc la jeune pianiste Feriel Kaddour, que je suis allée voir répéter ce matin à l'église. Un beau moment de piano, suivi d'un échange passionnant avec cette jeune femme, d'une douce humanité et d'un bon sens qui font plaisir à entendre. Elle a choisi en toute lucidité de faire une carrière de chambriste car elle n'avait pas envie de subir les fourches caudines de celle de soliste. Il faut, dit-elle, assumer la solitude sur scène, et supporter les avatars de ce type de parcours. Une des exigences des organisateurs et du public porte sur l'obligation de jouer sans partition. Certains organisateurs de concerts vont jusqu'à l'imposer par une clause dans le contrat d'embauche de l'artiste. Jouer par coeur permet d'intérioriser une oeuvre, de se sentir plus libre et parfois d'entrer plus directement en contact avec le public. Mais il y aussi aussi un risque: le public, émoustillé comme dans une arène, attend le pianiste au tournant, et ne retient de sa prestation que d'éventuelles dérapages ou réussites sur des passages difficiles, voire casse-figure ! Lorsque l'exercice du récital tourne à la caricature, l'artiste finit par se croire le seul tenant de la musique qu'il offre au public et désire faire oublier le compositeur à son unique profit. Fériel, qui nous le verrons, demain est une fille d'une autre trempe, car elle allie à son talent musical une culture musicologique impressionnante, a choisi pour sa part de jouer avec d'autres... et avec partition ! Car, paradoxalement, le public ne voit aucun inconvénient à ce que les artistes arborent ce support en musique de chambre !
Elle joue donc en duo, à deux pianos, ou avec violon, en ensemble de chambre et, comme ce soir, en accompagnatrice de chanteurs. Car elle peut se permettre maintenant de jouer avec des gens qui respectent son travail, et partagent avec elle les bravos qui, finalement, vont surtout à l'oeuvre que les exécutants ont servie au mieux. Elle ose s'investir dans un répertoire réputé difficile, en tout cas peu démagogique : le lied, la mélodie française, aimant à faire redécouvrir des compositeurs méconnus. Ce sera le cas ce soir pour Cécile Chaminade, à qui le festival Musiciennes à Ouessant est consacré cette année. Mais nous aurons demain une conférence sur cette femme étonnante, et je ne vais pas vous dévoiler cette compositrice aujourd'hui !
Le programme du concert d'ouverture de Musiciennes à Ouessant est consacré en outre à Delibes, Debussy, Offenbach, Honneger, Bernstein et s'ouvrira avec l'air de la Reine de la Nuit, histoire de mettre le public en condition !!
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