Le héros rêve en regardant le soleil se coucher sur Notre de Dame de Fourvières. Les ors byzantins de la Vierge flamboient, et il pense à Lhassa, aux terrasses du Potala qu'il aimerait tant voir avant de mourir. Pourtant, sa pauvreté, la précarité de sa situation présente, son grand âge, il sait que jamais il n'aura la moindre chance d'y aller. "... mais il souffrait moins de cette impossibilité que de se surprendre une fois de plus en train de désirer, preuve qu'il était fort éloigné de son idéal bouddhiste".
Le héros, c'est Bastien Lhermine, personnage du roman de Jean-Marie Blas de Roblès, la Montagne de Minuit, qu'elle m'a offert et que, comme elle, j'ai dévoré en une nuit. Me réveillant matin en rêvant de constuire un mandala de sables... Celui de Bastien a cela de merveilleux qu'il le fait avec des matériaux locaux : "l'ocre rouge de la place Belllecour, le jaune et le blanc (ramassés) au hasard des chantiers de construction, le bleu au fond d'un aquarium jeté aux encombrants, les autres teintes ou nuances étant issues de subtiles combinaisons entre ces quatre couleurs de base". C'est ce côté modeste d'un oeuvre pourtant titanesque qui m'a accrochée. Un peu comme la gratuité du Land Art ! Nous avions des amis italiens qui ramenaient de chacun de leur voyage un petit sac de sable, aux couleurs de leurs souvenirs et de leurs sensations, collection émouvante étagée en petits flacons soigneusement étiquetés, glissés entre les livres de la bibliothèque. Je leur ai chipé un peu l'idée, en demandant à nos amis, quand ils partent au loin, de nous rapporter, en lieu et place des traditionnels souvenirs qui émaillent les lieux touristiques, made in China pour la plupart, un caillou, un tesson ou un peu de sable du pays visité. Je regarde souvent avec émotion cette coupe de petits morceaux de Terre, qui se trouve juste à côté de ma porte d'entrée !
Mais mon propos était, le titre en témoigne, de rebondir sur l'idéal bouddhiste et l'absence de désir. En ouverture, il me faut préciser que j'ai, en la matière, une vue un peu biaisée car mon beau-père a développé à la fin de sa vie une sorte de passion irrésistible pour le Zen, jusqu'à devenir moine bouddhiste, à l'opposé de ce qu'il avait toujours vécu, transformant ses excès précédents en excès contraires. Ce qui a eu pour effet de finir de traumatiser son fils, tant le Zen n'a été finalement pour son père qu'une justification nouvelle pour un égoïsme ancien. Et Alter devient livide dès qu'on lui parle d'illumination orientale.
Quant à moi, c'est sur le mot désir que je voulais réfléchir. Et sur ce paradoxe fâcheux qui nous agite quand l'âge vient : d'un côté, apprendre à se détacher de nos désirs pour devenir sage, ne plus souffrir de nos limites qui, on en a l'inéluctable pressentiment, vont aller grandissant en avançant dans la vie. Et de l'autre, cette certitude que le désir est vie, que c'est par lui et son épanouissement qu'on a volonté de continuer, appétence d'avancer, espoir du lendemain.
Quoi de plus décevant que de sentir, face à certaines sources de joies anciennes, qu'on n'a plus la même vibration, qu'on frémit moins, qu'on n'a plus les mêmes enthousiasmes ni les mêmes appétits ? Mais quoi de plus frustrant aussi de se dire que si on doit vivre pour se désespérer de ne pouvoir plus atteindre ce dont on rêve, faut de force, de capacité ou de santé ? C'est une partie de la sagesse de savoir se détacher, renoncer et ne plus soupirer surtout si cela doit être en vain. Et pourtant, j'y reviens, ce désir, il est source de vie, il affute la volonté, il propulse vers un demain supposé plus riant et, dès lors, tellement stimulant. Espérer, aspirer, vouloir c'est vivre, et vivre pleinement ! Y renoncer, c'est le début d'une fin annoncée qui, tant qu'on n'a pas atteint l'abdication, nous terrifie peu ou prou...
Nous devisions, tantôt, avec Alter, sur la philisophie du renoncement, et sur notre époque frustrée, alors qu'elle devrait être comblée, par trop de tentations. Tout nous pousse à avoir des envies, le marché est trop juteux pour ne pas l'exploiter ! Entre la télé chantilly et le marketing champagne, les sollicitations sont incessantes, irrésistibles et souvent tyranniques. Dans ce contexte, la sagesse bien sûr, c'est de savoir dire non, et se contenter de ce que l'on a à portée de main. Nos blogs le disent assez ! Mais cette ascèse est difficile à atteindre, et on se laisse souvent séduire par les sirènes de la consommation. Quand s'en mêle le risque de l'indifférence, cela rend plus délicat encore de gérer le désir !
Nous devisions, tantôt, avec Alter, sur la philisophie du renoncement, et sur notre époque frustrée, alors qu'elle devrait être comblée, par trop de tentations. Tout nous pousse à avoir des envies, le marché est trop juteux pour ne pas l'exploiter ! Entre la télé chantilly et le marketing champagne, les sollicitations sont incessantes, irrésistibles et souvent tyranniques. Dans ce contexte, la sagesse bien sûr, c'est de savoir dire non, et se contenter de ce que l'on a à portée de main. Nos blogs le disent assez ! Mais cette ascèse est difficile à atteindre, et on se laisse souvent séduire par les sirènes de la consommation. Quand s'en mêle le risque de l'indifférence, cela rend plus délicat encore de gérer le désir !
J'avoue pourtant, philosophie du renoncement balayée, en être encore à l'étape où l'emporte le désir du désir, et entre ceux de faire du Land Art ou des mandalas, de réapprendre la mosaïque, d'entendre quelqu'opéra mythique, de découvrir quelques paradis terrestres faciles à explorer, ou simplement de parcourir les plages de l'Atlantique ou les marais de Brouage, je ne suis pas encore à court ! Je frémis quand je sens en moi une capitulation trop facile, qui me laisse pourtant apaisée car le renoncement rend serein, mais la perte de la soif me rend triste ! Néanmoins, La Montagne de Minuit m'a donné envie de visiter Lyon, que je ne connais pas, de lire d'autres Jean-Marie Blas de Roblès, et de revoir Aloïs au plus vite... mon mandala est mal parti !
Parfois les détours ramènent plus sûrement sur le chemin choisi qu'une avancée obstinée et indifférente à tout ce qui n'est pas elle. On revient toujours à l'essentiel, il est bon de l'enrichir de mille et un détails de vie heureuse.
RépondreSupprimerAnne
Difficile et un peu morbide pour moi, la philosophie du renoncement...
RépondreSupprimerLes personnes qui vieillissent bien sont celles qui ont gardé le désir, même s'il s'applique à d'autres objets...
C'est cela la sublimation...
Je crois que l'on ne peut bien viellir que dans la passion...
Quant au livre que tu proposes, je vais me le procurer très vite !
Bonne journée, Michelaise !
La passagère du matin
Je savais bien que toi tu saurais en parler et très bien comme d'habitude.
RépondreSupprimerJe comprends que les marais de Brouage te plaisent j'ai adoré Brouage avec ses airs d'Essaouira.
Encore un coup de Vauban!!
Lyon te plaira avec ses traboules.
Tiens on pourrait s'y retrouver
Tes mandalas sont encore mal "barrés"
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerIl eût été dommage que tu ne lises pas " la montagne de minuit" ...
Ce livre a créé chez toi un si beau billet sur le désir..
En réalité, ce n'est pas le désir en soi qui compte mais le désir pour soi.
Tu le dis très bien quand tu parles du désir du désir.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Et je pense que ne plus désirer désirer , c'est commencer à mourir ou avoir un degré de sagesse auquel je n'ose pas penser.
Alors tant que tu auras le désir de désirer avoir la mer à ta portée
Tu seras en une vitalité jamais altèrée.
Ces quelques mots sont tout, sauf une réponse.
Eventuellement un écho...
Merci beaucoup.
Je t'embrasse.
J'approuve, j'approuve!!!
RépondreSupprimerTant qu'il y a du désir, la vie est là! Mais choisit-on ses désirs?
Mais un moine qui se retire n'a-t-il plus de désir?
En tout cas ce livre pose une question intéressante il me semble ! Et pourquoi pas aller aussi visiter Lyon, qui a un petit air d'Italie dans certains quartiers?
Bonne journée à toi!
l'absence de désir dans l'idéal bouddhiste, quelle horrible chose à moins qu'il ne s'agisse que tu désir de posséder où la je comprends mieux.
RépondreSupprimerNorma du matin, vieillir dans la passion, renouvelée, réinventée, recomposée, mais passion toujours, voilà une belle journée en perspective.
RépondreSupprimerBon c'est sûr Gérard que si on arrivait à se défaire entièrement du désir de posséder, on aurait fait un très grand pas en avant dans la sérénité bien conçue.
Enitram, il me semble que c'est une des grandes caractéristiques du christianisme d'intégrer le désir, sa maîtrise, son dépassement dans la réalisation de soi. Donc un moine chrétien a encore et cultive au mieux du désir. Un moine bouddhiste n'en a plus.
Herbet j'aime bien l'écho quand il a ta voix, tu es toujours dans le ton, avec, à côté, plus loin, mais parfaitement dans l'esprit de ce que je voulais dire !
RépondreSupprimerAloïs, tu te souviens petit Paul demande ce qui se passe si on n'atteint pas le 5ème étage, le passage secret dont parle Bastien, et par là la félicité suprême, et Bastien lui répond "pas de problème mon grand : tu continues à te balader dans toutes les chambres du palais, ce qui n'est pas si désagréable, non ?". Nous voilà rassurée au cas où, fort peu probable n'est-ce pas, notre mandala restrait en rade ! Lyon que je ne connais pas alors que maman était stéphanoise, faut le faire !!
Et c'st aibsi que le désir poussé par ton désir t'a fait changer de photo...
RépondreSupprimerC'est toi, évidemment.
Mais on voit moins ton visage...
Je viens d'exprimer un regret.
Le désir connait aussi les regrets...
Tu sais, ceux qui,impitoyables ,laissent toujours le rêve dans le monde du possible.
Merci pour tes mots.
Bon week-end.
Je t'embrasse.
Je ne me sens pas encore prête à renoncer au désir : j'ai des tas d'envies : envie de vivre, de sortir, de faire des découvertes, d'échanger, de faire des tas de choses. Lorsque l'âge ou/et la santé m'interdiront la réalisation de certains désirs je suis certaine que j'en trouverai encore d'autres. Il y a tant de choses à faire dans notre court passage sur terre...
RépondreSupprimerD'ailleurs, mon prochain désir est de réaliser la recette de gâteau au chocolat de Françoise/Aloïs et de le manger... ;-)
Bonne idée, non ?
PS : j'aime beaucoup ton idée de la collection de sable et de petits cailloux d'ailleurs....
Ah Oxy, ça y est, le gâteau de Françoise/Aloïs est déjà fait, et dégusté... enfin goûté car j'étais seule ce soir, mais je n'ai pu resister ! Il attend Alter bien en vue sur la table. C'est absolument excellent, je te le recommande : plus rapide et plus simple, tu ne trouveras pas !
RépondreSupprimerOui la collection de petits cailloux c'est adorable, sauf que ça pèse dans les valises, mes amiEs se font gronder par leurs hommes !!!
Michelaise,
RépondreSupprimerallez vite sur mon blog, le questionnaire de l'amitié vous invite à participer. Ben oui, plus qu'à se creuser les méninges. Il n'est pas nécessaire que les souvenirs remontent à la plus petite enfance.
J'suis sûre que vous saurez nous intéresser.
Tous ces *cailloux*. J'en ferais bien des colliers.
RépondreSupprimerCommentaire peut-être pas en rapport. Je lirais le texte un peu plus tard.
Moi aussi j'ai encore plein de rêves. Mais si une chose ne se passe pas, j'ai moins de regret. Le privilège de l'âge, où l'on se détache plus facilement ?!
RépondreSupprimerPhilosophe je me dis que ce sera pour une prochaine vie. Au lieu d'aller dans la voie du renoncement !
Oui Béa on accpete sans doute mieux la "défaite", avec plus de panache, à défaut de philosophie ! Pour le coup, j'aimais bien l'idée d'en faire des colliers de ces cailloux, puisque ce sont des signes d'amitié, quelle meilleure utilisation ?
RépondreSupprimerJe ne parlerais pas de défaite. Il y a des choses qui doivent se faire, d'autres qui ne doivent pas se faire, allons savoir pourquoi. Mais, en regardant en arrière, on peut quand même réaliser que, si certaines choses ne se sont pas faites , d'autre oui.. à cause de ces autres choses qui ne se sont pas faites. Parfois je m'amuse à me demander quel aurait été mon destin si ceci ou cela se serait passé ou non. Parfois un virement de destin peut tenir à peu de chose.
RépondreSupprimerJe remercie le ciel et mon patron d'antan qui m'a mise au chômage étant une des dernières arrivée à l'atelier en revenant de Londres. * Je suis très contents de vous, mais je dois me séparer de vous *
C'est un langage quand même bizarre à entendre. Moi , ça a été MA CHANCE. * Je lui ai répondu * monsieur H. , c'est la meilleure chose qui puisse m'arriver*. Je n'oublierais jamais ses yeux. En sommes, il m'a donné le coup de pied au derrière pour que je change de direction !
Un petit coucou de Lausanne. Béatrice.
Il m'est arrivée d'inclure dans certains colliers des pierres que j'ai appelé * pierres de mon chemin *.
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