Etais-je une petite fille capricieuse, ou maman me gâtait-elle trop ? Toujours est-il qu'il me semble n'avoir mangé qu'une fois à l'école primaire, et je conserve de ce jour-là un souvenir ahuri : on nous avait servi des pâtes (vous imaginez à la maison ! la culture italienne de la cuisson al dente de la pasta), extraites d'immenses gamelles d'une louche énergique par des cantinières tonitruantes. Maman, alertée par cette description stupéfiante n'a jamais remis son poussin dans pareil traquenard. Ce qui ne l'a pas empêchée, alors que je n'avais pas 10 ans, de m'envoyer en pension chez les soeurs, au motif qu'une jeune fille ne devait pas être en école mixte (oups !!) et que Bordeaux était loin (vous pensez, vous habitions la très proche banlieue, au maximum 10 kilomètres de l'école), mais ceci est une autre histoire.
Toujours est-il que j'en ai gardé une fascination pour le service "à la louche" et qu'il m'arrive souvent, au mépris des règles les plus élémentaires de savoir-vivre, de m'emparer de l'instrument pour asséner à mes convives discrètement stupéfaits, daube, ragout et légumes variés, trouvant que la simple "cuillère à bouche" (vi, vi, la cuillère à soupe quoi !!) n'est pas assez efficace pour ce travail de "mère nourricière".
Il me venait à ce propos une réflexion quant aux conséquences de ces moeurs primitives dont je revendique haut et fort la simplicité. Nous dégustions notre frichti avec Madeleine et Pascal, invités au débotté, pour partager notre déjeuner sans autre forme de procès, et le brouet, prévu pour deux, me semblait maigre, surtout servi à la louche. Je l'avais fort heureusement allongé de multiples entrées, amuse-bouches, ils avaient ouvert leur deux douzaines d'huîtres équitablement réparties entre nous 4, ajouté leurs quelques bulots et les bouteilles, elles, étaient normalement dimensionnées.
Je réalisais soudain que la façon dont on sert les plats, induit une consommation plus ou moins importante en quantité, sans que pour autant une sensation de faim se fasse sentir. Quand on présente ces plats traditionnels et mijotés, blanquette, rognons sauce madère, gardiane ou tripes, on emplit les assiettes, on mange avec entrain et on n'hésite pas, si l'on est gourmand, à se resservir. Les quantités avalées sont roboratives, mais on mange de bon appétit, la fourchette conquérante et la papille allumée.
Dans les restaurants un peu raffinés, au contraire, on vous sert à l'assiette, des quantités particulièrement mesurées, pas une bouchée de trop et si les légumes pèchent parfois par leur modicité, on déguste lentement, on savoure, on découpe avec précaution de tous petits morceaux pour faire durer le plaisir. Il m'arrive souvent de faire, moi aussi, des présentations à l'assiette, et, alors, les volumes ingurgités sont nettement plus modestes qu'en plat ou en saladier. Il faut dire que les quantités sont parfaitement dosées, et qu'on ne produit pas les fameux restes dont j'ai précédemment parlé. Restes dont le pire défaut est que, souvent, on ne veut pas "en faire", c'est à dire qu'on nettoie le contenant comme s'il n'y avait pas de lave-vaisselle !! Et pourtant, le service à l'assiette n'empêche nullement d'avoir l'impression de manger en quantité et on quitte la table aussi rassasié qu'après un bon fricot des familles.
Le secret des régimes ne serait-il finalement pas une mise en assiette bien étalée, afin de suggérer la modération et d'induire la lenteur dans la dégustation ??
PS les plats de la deuxième photo ont été dégustés à l'Aquarelle, à Breuillet, un restaurant au décor raffiné, accueil impeccable et cuisine contemporaine... relookée : la biche grand veneur n'y a aucune allure de civet recuit et le foie gras y est servi cru, donnant l'impression d'avoir été cuit à la vapeur grâce à une délicate macération dans du sel et du sucre. Le chariot de fromage, à quoi on évalue la quatité d'un restaurant, est parfaitement achalandé et bien affiné.
Je ne sais si le secret des régimes est une mise en assiette bien étalée,par contre ce que je sais lorsqu'on côtoie des anorexiques ,on nous conseille de servir dans une très très grande assiette très peu de nourriture.
RépondreSupprimerDonc l'assiette n'est pas innocente quel que soit le cas de figure.
Pour ma part j'ai un peu de mal avec le service à la louche cela doit être mon côté snobinarde ou mise en scène,j'aime bien lorsque c'est un peu raffiné, bien présenté,ce n'est pas pour autant que je sers systématiquement à l'assiette,en fait cela va comme cela vient selon l'inspiration. et selon ce que je sers.
Je ne me vois pas servir la mique à l'assiette.
Servir à l'assiette est économique,on met une certaine quantité et puis voila,cela peut aussi paraître radin c'est le verre à moitié vide ou à moitié plein!
Et puis les restes c'est bien pratique
Finalement on tourne autour du pot!
Ah! Michelaise
RépondreSupprimerEncore un plaisir de lecture, bien vu en tout cas.
J'aime bien votre nouvelle présentation.
Bonne journée et Bonnes Vacances
Miss.
Depuis que je mange en face à face avec mon Amoureux, nous allons nous servir en cuisine, on "se fait son assiette", je ne mets plus le plat sur la table.
RépondreSupprimerPar contre j'aime bien servir des assiettes bien présentées aux convives.
Mais une bonne soupe sera toujours servie à table dans une grosse soupière !
Quant à la louche je l'avais bannie dans "mes" écoles car je voulais que chaque enfant se serve !
J'ai relevé "fricot". Il aurait pu concourir ici, il y a peu, non ?
RépondreSupprimerPas trop fréquenté la cantine, sauf en colo. Petit suspens dans l'attente de la remontée de la louche plongée jusqu'au plein ventre d'une marmite mystérieusement remplie de quelque daube invariablement filandreuse: de quel morceau vais-je écoper ?
Aujourd'hui la louche se paye un nouveau prestige avec le "moulé", "façonné", "tiré" à la louche...
Tes réflexions éparses Michelaise sont pleines de bon sens... cela ne me choquerait pas outre mesure d'être servie à la louche , mais comme Françoise , si j'ai des invités à part la soupe , je n'y penserais pas, j'ai trouvé une solution intéressante avec une cuillère à riz, plus large qu'une simple cuillère à soupe et plus jolie qu'une louche pour servir les plats qui nécessitent une belle ration ou ceux comme les gratins qui n'apprécient guère d'être découpés en petites portions gachant ainsi le plaisir de la belle croûte dorée... mais l'important reste bien ce qui est dans l'assiette ! et pour ce qui est des plats au restaurant que l'on savoure lentement , il y en a quand même qui ont un sacré goût de revenez-y frustrant ...
RépondreSupprimerJe ne sais pas si le service à l'assiette induit une moins grande quantité de nourriture, en tout cas, il empêche de se resservir systématiquement.
RépondreSupprimerC'est vrai que depuis que la nouvelle cuisine nous offre des portions souvent congrues, les assiettes, quant à elles, s'agrandissent...
On est très loin des assiettes de taille modeste des services de nos mères...
A méditer donc, la taille de l'assiette serait-elle un supplétif à la faible quantité de nourriture ?
Bonne journée gourmande, Michelaise !
Norma
J'avais oublié ce PS, à propos de Paris. A la louche, cette louchée:
RépondreSupprimerPour les expos dont j'ai parlé, il y a tt de même pas mal de subjectivité (par ex pour Kertész)dans leur appréciation de ma part. Victor Hugo, Monet ou L'extrême (Centre Européen de la photo) font tt de même l'unanimité. Bien aimé Moebius aussi. Raté, aussi, Putman (gratuit donc queue).
Vu quelques pièces. Une sort du lot: Henri IV aux Mathurins. Superbe, riche, fort. Avec une vraie troupe (près de 20 personnes) quand tant font des succès à l'économie en ne jouant qu'à deux ou 3. A voir !
STUPEFAIT de lire par rebondissement de blog en blog (depuis Le Pain et la Gazette, à propos de décès de J de Rom) que Michel Bouquet serait mort ! Dans une telle indifférence ??? Pas d'infos à ce sujet. Est-ce possible ?????
ROberto, de l'inconvénient des gratuits !!! vaut mieux payer 5€ et pouvoir entrer n'est-ce pas ?
RépondreSupprimerJe n'ai vraiment pas l'impression que Bouquet soit mort, il n'y a aucune info dans ce sens, et je pense quand même qu'on en parlerait, c'est un grand !
Henri IV avec une vraie troupe, cela vaut la peine d'être noté, car tu as raion, c'est devenu rare. Je note tout mais le temps pourri qu'on nous annonce sur Paris risque de faire tourner court notre séjour.
De la taille des assiettes, inversement proportionnelle au contenu, bon sujet de reflexion Norma !
Allez, je peux bien l'avouer, il y a dans le service à la louche une petite volonté de provoquer qui m'amuse ! mais c'est tellement plus joli à l'assiette. Nous en usons et abusons, surtout en tête à tête...
La soupe à la louche, le reste à l'assiette...mais mon père était comme toi...il nous servait toujours!
RépondreSupprimerJ'en remet une louche:
RépondreSupprimerLes expos de la mairie du IVème(rue Lobau, à Rivoli c'est le PSG) n'attirent pas toujours les foules. Pour Romain Gary c'est payant mais ce musée, pourtant fort intéressant, est un vrai désert. Bouquet est toujours parmi nous, heureusement. A méditer: l'info (erronée) de P.de Fée à son sujet. Les comms se sont succédés sur le blog de l'amie boulangère sans aucune réaction (sauf Odile). Chacun met sa pierre sans voir celle du voisin. Drôle de cairn !
Pour le théâtre: le Kiosque de la place des Ternes (dernier crée) est peu fréquenté. Je n'y fait jamais la queue.
Bon vent !