Je croisais hier un ami tunisien, pas vu depuis longtemps. Nous parlons de choses et d'autres, et bien entendu la conversation vient sur les événements récents qui ont agité son pays. Je sais qu'il a suivi les péripéties de la Révolution de Jasmin heure par heure. Il sourit, son bonheur irradie et il me dit doucement
"Oui, je les ai un peu aidés"
Devant mon air interrogatif (il vit en France, dans "un petit village gaulois" dit-il plaisamment et je ne pense pas qu'il ait pu y aller) il précise
"Et oui, toutes les communications étaient bloquées, je leur ai trifouillé quelques trucs"
C'est vrai, il est informaticien, et il a pu recréer des réseaux de communication parallèles qui évitaient la censure. Primordial en ces jours d'intense agitation. Il ajoute, épanoui :
"C'est vraiment la chose la plus utile que j'aie faite de ma vie"
De fait, oui, il a pris une part active et efficace au triomphe de la démocratie dans son pays. Impressionnée par l'air convaincu et comblé qu'il avait en évoquant cette participation, je me disais "C'est vrai que c'est primordial de se sentir utile, au moins une fois dans sa vie. Tiens, si j'en faisais un billet : l'action la plus féconde de votre vie ??".
Bien sûr, si je vous posais la question, il faudrait que je réponde aussi ... A commencé alors une prise de tête terrible. Ce que j'ai fait de vraiment utile ? A l'aune d'une révolution, pas grand chose évidemment.
Soyons mesurés, on n'a pas toujours l'occasion d'agir sur le sens de l'Histoire, fut-ce modestement. Et puis je doute. Plus le temps passe, plus il me semble que j'ai fait tant de choses auxquelles je croyais dur comme fer, que j'y ai si souvent déployé une énergie démesurée... Et mes agitations ont si souvent été vaines. Sans aigreur, mais avec une nécessaire lucidité, je suis sceptique sur l'efficacité de mes effervescences. Je tends aujourd'hui vers un flegme pragmatique dans lequel mes proches ne me reconnaissant guère, et qui n'est nullement affectation d'amertume mais plutôt humilité devant la prise de conscience de l'inanité de mes turbulences. Sans devenir égoïste ou avachie, je suis plus circonspecte face aux déploiements de forces et ne sais pas trop que répondre à la question que je vous soumets !!
Pourtant utile, je sais l'avoir été chaque fois que j'ai harcelé des jeunes pour les aider à franchir la fin d'une adolescence un peu troublée et rentrer dans la vie d'adulte avec un bagage professionnel qui leur permette d'affronter la vie dignement. En oubliant bien vite les excès d'une jeunesse qui prenait une mauvaise pente. Mais après tout, c'est mon boulot et même si je l'ai fait souvent avec plus d'engagement que ne l'exige mon code de déontologie, c'est normal.
Pourtant utile, je sais l'avoir été chaque fois que j'ai harcelé des jeunes pour les aider à franchir la fin d'une adolescence un peu troublée et rentrer dans la vie d'adulte avec un bagage professionnel qui leur permette d'affronter la vie dignement. En oubliant bien vite les excès d'une jeunesse qui prenait une mauvaise pente. Mais après tout, c'est mon boulot et même si je l'ai fait souvent avec plus d'engagement que ne l'exige mon code de déontologie, c'est normal.
Utile je l'ai été quand j'ai géré une association de jeunes, organisant des camps et permettant à des gamins de devenir autonomes et responsables. Mais pas de quoi en faire un pendule, cela n'a pas changé la face de leur vie.
Utile mon engagement de maman active, impliquée... oui, mais quoi de plus naturel, et aussi de plus valorisant que de choyer ses enfants. Et la façon dont j'ai été mère n'est pas exempte de défauts qui doivent, malheureusement, annuler certains des effets positifs que j'ai voulu imprimer à l'éducation de mes filles. Délicat métier que celui de parent, dans lequel on a rarement 100% tout juste.
Il me semble à cet égard, ne pouvant pas me targuer d'une action altruiste qui aurait modifié le cours de l'Histoire, que je dois rester modeste. C'est dans le rôle de passeur qu'on met le maximum d'énergie et qu'on s'implique avec le plus d'ardeur. Et ce que je crois avoir fait de plus utile en ce domaine, c'est d'avoir tenté de sensibiliser au maximum mes filles à l'Art, sous toutes ses formes... En faisant mon possible pour leur donner des clés de lecture et de compréhension. Afin qu'elles y soient attentives, que l'accès leur en soit facililité et évident, et qu'elles trouvent dans la poésie, le théâtre, la musique, la peinture, la sculpture... des sources d'évasion, d'humanité, de rêves qui sont, à mon sens les compléments et les soutiens indispensables au quotidien. Cela donne aussi, j'en suis convaincue, une indépendance d'esprit, une ouverture, un goût de la vie qui sont autant de forces pour rester libre. Dans sa tête !!
On n'a pa vraiment le sentiment juste de ce que l'on a fait de bon et/ ou d'utile. Tu ne sauras probablement jamais en ce monde ci tout le bien que tu as fait autour de toi, à tes amis, à ceux qui t'aiment. C'est sans doute infiniment plus vaste que le fait d'avoir été conductrice d'énergie ou éveilleuse de sens . L'art c'est bel et beau, mais est-ce le plus important dans une destinée?
RépondreSupprimerNous sommes tous si différents, les uns s'investissent toute leur vie sans compter leur peine...les exceptions, à l'opposé d'autres vivent d'une façon si égoïste qu'ils ne suscitent que peu d'intérêt.Le plus grand nombre navigue entre ces deux extrême ...je pense me trouver dans cette foultitude avec deux enfants qui ont réussis !!! Bonne nuit Michelaise
RépondreSupprimerBonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerCe n'est pas une confession, mais ce sont de si beaux aveux...
Qui ne se pose un jour cette question ?
Mais c'est de toi qu'il s'agit.
Ce que tu as fait de vraiment utile ?
Mais tu le montres tous les jours en étant passeuse de cultures qui permettent aux autres de ne pas trouver de murs devant eux, de traverser le miroir de leur existence pour ne pas désespérer d'eux.
Je me souviens d'une reflexion que m'avait faite , un jour, un jeune professeur : vous m'avez fait croire en moi.
C'est ce que tu continues à faire avec tes étudiants...pour ne parler que d'eux.
Je reprends : "cette adorable personne, c'est toi".
Merci beaucoup pour ce billet.
Bonne journée.
Je t'embrasse
En voila une fichue question!!
RépondreSupprimerA laquelle je n'ai pas vraiment de réponse.
J'ai moi aussi comme toute maman qui se respecte essayé d'élever au mieux nos enfants ,leur inculquant ce qui me semblait essentiel à mes yeux ,de là à dire que j'ai réussi????
Car tout cela est bien subjectif ce qui semble essentiel à mes yeux l'est-il à ceux de mes enfants.
Ce que j'aimerais avoir réussi c'est qu'ils arrivent à se respecter eux-mêmes.
hooouuuuu.... JOCKER
RépondreSupprimerEst-ce à nous de juger de l'utilité de nos actes?
RépondreSupprimerAnne
Vous avez sans doute raison Fred et Anne, ce n'est pas à nous d'en juger. Cependant ce qui m'a frappé c'est le sentiment fort de cet ami que là, en aidant les insurgés tunisiens à rétablir des contacts internet, il avait été utile. Finalement je ne voulais pas dire "qu'ai-je fait d'utile", cela je n'en sais fichtrement rien, mais "quand ai-je eu le sentiment d'avoir été utile", ce qui finalement est très valorisant.
RépondreSupprimerHerbert, la phrase du professeur que tu cites est absolument merveilleuse, et j'avoue que quand je revoie certains de "mes" anciens, ayant réussi, avec conjoint(et enfant), heureux, bien dans leur peau, alors que c'étaient des jeunes un peu perturbé, moi aussi je me dis "là, ça valait la peine de se donner du mal !!"
Fred qui parle carrément de destin, c'est du Racine !!! Je n'avais pas une telle ambition, mais simplement de chercher ce qui, dans notre quotidien, nous meut et parfois, nous récompense !! au jour le jour ...
Car, comme tu dis Aloïs, de là à dire que j'ai réussi ... le doute est plus souvent là que les certitudes. Et cet ami tunisien, là, il avait une vraie certitude, mais un rêve auquel on tente de donner réalité