SANS PARTI PRIS

Solution de la nature aux oranges : tout à fait dans le style de Chardin qu'il admirait beaucoup, mais peinte par Eugène Boudin.
Vous verrez là (le musée de Honfleur protège bien ses photos, pas moyen de la capturer : donc il faut cliquer pour voir !!) une nature-morte à la raie qui vous rappellera le "maître du silence".

Sur fond d'azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.

Mais ce n'est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire…

Un caractère d'une naïve gloriole, vite découragé.

Chaque grain n'est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l'on veut, étoilé au maximum.

Les feuilles ont l'air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d'elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d'autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il y a quelque chose actuellement vulgaire dans l'idée du mimosa ; c'est une fleur qui vient d'être vulgarisée.

… Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.

F. Ponge, La Rage de l'expression, 1952

Voilà plus d'un mois que nos copinautes du Sud ( auxquelles je dédie ce billet) nous les montrent sous toutes les coutures. nous enivrant à distance de leurs effluves sucrées, nous ensorcelant de leurs bouquets duveteux. Et ici, on attend, on guette les branches chargées de bourgeons, et on s'impatiente. Le mien, exposé plein ouest face à la mer, résulte d'un rejet en provenance du jardin voisin, où, lasse de ne le voir jamais fleurir, la propriétaire finit par raser le rien. Après l'avoir ratiboisé, arasé, estourbi, elle fit même désoucher l'endroit car ces arbustes, chacun le sait, sont têtus et plus on les coupe, plus ils poussent. Tant et si bien qu'il décida d'envoyer une branche chez moi et que, n'ayant rien dans ma pente, j'eus pitié du supplicié. Pour autant,il ne m'en a jamais été reconnaissant et il n'a jamais produit la moindre fleur : juste des boules jaunâtres qui jamais ne s'ouvrent et me narguent sottement. Tant et si bien que j'envisage fort sérieusement de faire subir à l'entêté le même sort que son ancêtre !

La photo provient donc d'un mimosa michelais, capté au plus beau de son épanouissement, alors que ceux de nos amies méridionales préparent déjà leurs boules de l'an prochain !  Quant aux phrases de Ponge, elles sont là pour attiser ma fureur contre l'arbre désobligeant qui me refuse les plaisirs promis ! Et mime sans talent celui que ma voisine exécuta.

Ce n'est pas Chardin aujourd'hui qui illustrera cette fleur mythique de nos avant-printemps, mais Bonnard. Ce dernier devait nourrir pour le mimosa une attirance particulière, car on en trouve dans nombre de ses toiles. Le pot-pourri que je vous en propose les décline luxuriants dans un vase, prêts à planter enfichés dans un pot,maigrichons et tombants dans un simple verre, posant leur pointe ensoleillée dans un coin de terrasse. Ou enfin aperçus comme une promesse de douceur au travers d'une fenêtre encore hermétiquement close.

La mise en page de la toile désoriente l'esprit rationnel par son côté un peu fouillis de la composition. Au loin, un village rustique est suggéré par un amoncellement incertain de toits et de bosquets. Au premier plan, une barrière suggère un étage, comme si nous étions dans une mezzanine improbable et fragile. Sans doute un atelier d'artiste qui s'ouvre sur une cour toute entière absordée par le jaune éclatant de cet arbre qui fascine le peintre. L'intérieur en devient orangé, et les meubles eux-même, un banc allongé sous la verrière, un fauteuil suggéré sur la gauche, s'imprègnent de cette teinte jaune en perdant leur couleur bois. Sur le côté de la fenêtre, un rideau importun a été tiré à l'extrême pour laisser entrer dignement tout le soleil de l'arbuste. Ce billet étant le dernier de la série, plus d'énigme importune !!


PS Si vous avez pris goût à la pratique du commentaire de texte, je vous propose ce lien qui parle de la mimesis du mimosa. En fait l'extrait mis en introduction de cet article n'est qu'une partie du texte de Ponge.
On y lit aussi :
Le mimosa parle à haute et intelligible voix ; il parle d’or.
C’est une bonne action répandue, un don gratuit et agréable à recevoir. (…)
Au paroxysme de sa propre jouissance spécifique et de la satisfaction visuelle et olfactive qu'il cause, le panache du mimosa retombe et les soleils qui le constellent se contractent et jaunissent: ils ont vécu. (…)
Quand on apporte du mimosa, c'est presque comme si l'on apportait (une surprise !) le soleil lui-même. Comme un rameau bénit (le rameau bénit du culte de Râ). Comme une petite torche allumée. Les torchères du mimosa...
... Comme par exemple s'il avait plu, qu'on ait l'idée d'apporter une branche constellée de gouttelettes, eh bien ! le mimosa c'est la même chose : il y est accroché du soleil, de l'or.

Et enfin le poème acrostiche :

MIraculeuse

MOmentanée

SAtisfaction !

MInute

MOusseuse

SAfranée !

Si vous avez décidément encore envie de jouer, n'hésitez pas à vous lancer dans l'acrostiche !!