Les glycines de Rome, mêlées à d'autres arbres, ici résineux, ailleurs magnolia
L'article d'Evelyne et le sien, qui justifient mon billet sont déjà loin mais le temps passe si vite sur internet qu'on se retrouve vite débordé. Les glycines et leur floraison odorante sont, ces jours-ci, en plein épanouissement et Evelyne nous en offre une collection maginifique. Après le millefeuille de Robert (présenté d'ailleurs sous une glycine), je me laisse aller à l'évocation de cette fleur lourde de couleurs et aux racines noueuses qui m'évoquent tant de réminiscences. Petite fille des villes, la première que je vis s'alanguissait dans le jardin d'un vieil ami soyeux, très "vieille France" (chez qui je découvris aussi "les gâteaux du dimanche" tels que je les évoque à propos du millefeuille), et dont la maison aux recoins sombres et aux odeurs surannées me faisaient l'effet d'un monde étrange et inconnu.
Depuis, mêlé aux descriptions de Colette ou de Verhaeren, l'arbre me paraît le summum du raffinement en matière de fleurs. On n'en peut avoir une que si l'on habite une maison moulue par les ans, une demeure ancienne qui a vu des générations prendre des citronnades, assises sous la treille dans la chaleur naissante du printemps, parmi les abeilles bourdonnantes, et qui a accueilli ces bouquets tendres avec un ravissement chaque année redit à l'identique. La glycine ne s'improvise pas dans un jardin de banlieue, elle est charpentée, tordue, mêlée de rires et de larmes. C'est un arbre de souvenirs que les années étoffent. Elle a besoin de soutiens solides pour s'enrouler, et les palissages modernes ne peuvent supporter son poids ni sa vigueur. C'est un arbre libre et pourtant si civil qu'on ne saurait le transplanter ou l'inventer. Il se déploie dans la durée et l'immobilisme.
La glycine est parfois rebelle, et celle de ma voisine ne fleurit jamais ! Elle peut être imaginative mais en général on la retrouve, printemps après printemps, aux mêmes terrasses, dans les mêmes murailles, déroulant ses ardeurs opalines. Identique à elle-même et pleine d'une arrogante assurance, celle de ceux qui se savent élus par le sort. Elle est élégante, sans affectation, et distinguée, avec naturel. Une promesse de chaleurs à venir, une certitude de retours. Et pour moi, toujours, des descriptions mythiques qui ont façonné ma vision du réel avant que de le voir.
Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d'orphelinat, son entrée cochère à gris verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait que d'un côté. Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l'armature de fer fatigué, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon.
(La Maison de Claudine, Colette)
Vous dont je ne sais pas le nom ô ma voisine
Mince comme une abeille ô fée apparaissant
Parfois à la fenêtre et quelquefois glissant
Serpentine onduleuse à damner ô voisine
Et pourtant soeur des fleurs ô grappe de glycine
En robe verte vous rappelez Mélusine
Et vous marchez à Petits Pas comme dansant
Et quand vous êtes en robe bleu-pâlissant
Vous semblez Notre-Dame des fleurs ô voisine
Madone dont la bouche est une capucine
Sinueuse comme une chaîne de monts bleus
Et lointains délicate et longue comme un ange
Fille d'enchantements mirage fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Ô songe de mensonge avril miraculeux ...
Mince comme une abeille ô fée apparaissant
Parfois à la fenêtre et quelquefois glissant
Serpentine onduleuse à damner ô voisine
Et pourtant soeur des fleurs ô grappe de glycine
En robe verte vous rappelez Mélusine
Et vous marchez à Petits Pas comme dansant
Et quand vous êtes en robe bleu-pâlissant
Vous semblez Notre-Dame des fleurs ô voisine
Madone dont la bouche est une capucine
Sinueuse comme une chaîne de monts bleus
Et lointains délicate et longue comme un ange
Fille d'enchantements mirage fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Ô songe de mensonge avril miraculeux ...
(Poème à Yvonne, Apollinaire)
...
L'hiver s'en va et voici mars et puis avril
Et puis le prime été, joyeux et puéril.
Sur la glycine en fleurs que la rosée humecte...
(Les Heures du Soir, Verhaeren)
Puis les squelettes de glycines aux ficelles, en proie à des rafales encor plus mesquines ! ô lendemains de noce ! ô brides de dentelles ! Montrent-elles assez la corde, ces glycines recroquevillant leur agonie aux ficelles !
( Les complaintes de Jules Laforgue)
Au printemps, c'est dans les bois nus
Qu'un jour nous nous sommes connus.
Les bourgeons poussaient vapeur verte.
L'amour fut une découverte.
Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.
Sous la glycine et le cytise,
Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ?
(Le coffret de Santal - Charles Cros)
Il a plu, soir de juin, écoute...
....
Le soleil déclinant se croise
Avec la nuit sur les collines ;
Et son mourant sourire essuie
Sur la chair pâle des glycines
Les cheveux d'argent de la pluie.
(Le coeur solitaire, Charles Guérin)
Toute ma journée s'écoule à chercher, pas à pas, miette à miette, mon enfance éparse aux coins de la vieille maison ; à regarder, aux barreaux de la grille qu'a tordue la glycine puissante, changer et pâlir, puis violacer au loin la montagne aux Cailles.
(Claudine en ménage, Colette encore !!)
"Ondoyantes glycines
RépondreSupprimerque j'avais plantées en ce jardin
pour me faire souvenir de vous
quand trop serais nostalgique
voici qu'elles ont fleuri."
Yamabe no Akahito
La nôtre doit être particulièrement capricieuse, car elle n'a pas encore fleuri en 5 ans...
RépondreSupprimerUn jardinier nous a dit qu'elle fleurissait tous les 7 ans, ce serait donc pour bientôt...
J'aime bien cette fleur, bien qu'elle ne soit liée à aucun souvenir particulier de mon enfance...
Merci Anne de votre participation à ce florilège poétique !
RépondreSupprimerNorma, ce qui me fascine dans la glycine c'est qu'elle prouve qu'une maison qui l'arbore a des ans et des souvenirs !! Et aussi les références littéraires qui m'ont appris la glycine avant de la connaitre "de visu" !! Quant à l'histoire de tous les 7 ans, euh, je suis sceptique ??? car il me semble que celles qu'on admire ici, aux jardins des uns et des autres, reviennent tous les ans. Par contre elle a peut-être besoin d'avoir au moins 7 ans pour fleurir ? Cela lui demande une telle énergie...
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerUne belle page de poésie, de parfums et de souvenirs....
Merci beaucoup.
Bonne journée.
Je t'embrasse.
J'attends son épanouissement (un peu de retard cette année à cause d'une taille indispensable) et son parfum enivrant.
RépondreSupprimerJosette
une petite participation :
"Glycine au porche du silence
Les saints nichés dans la patience
ferment les yeux"
(Daniel Boulanger)
TOujours sensible à la poésie Herbet ! bonne journée à toi...
RépondreSupprimerMerci Josette de ces vers de Boulanger, parfaitement adaptés. Pas de doute les glycines ont séduit les poètes.
La glycine de ta voisine pourrait-être la mienne elle ne fleurit jamais.
RépondreSupprimerOn m'a dit qu'il fallait la faire souffrir je ne m'en prive pas
Rien à faire
Je me souviens avoir visité une maison à une époque où nous avions envisagé de changer,la glycine avait réussi à s'infiltrer dans la maison!!
Merci pour cette page de poésie
Je vais essayer d'aller à mon retour de Nantes photographier une glycine qui pour moi illustre parfaitement ton billet.
Je n'y arrive plus... lire, répondre, écrire, photographier... je passe en vitesse... découvre que le feuilleté pousse sous la glycine...et qu'il faut habiter une vieille maison pour l'admirer...
RépondreSupprimerIl faut rétablir la vérité donc promis demain je fais à mon tour un billet sur cette plante merveilleuse.
Horreur le vérificateur me fait écrire alsherb... dire que j'ai passé la journée à tondre ! en plein soleil ça se voit n'est ce pas !
AH super Robert, tu as une glycine magnifique et si je comprends bien, qui ne répond en rien à mes fantasmes littéraires !!! Tondre, quelle activité épanouissante ! Pauvre RObert, à peine fini, faut recommencer ...
RépondreSupprimerMais y aura peut-être des glycines à Nantes Françoise !!
Je suis allée à Giverny hier exprès pour la glycine ... qui n'est pas fleurie. Elles sont magnifiques dans tout le village, mais dans le jardin de Monet, il est trop tôt. Merci pour le florilège de poésies.
RépondreSupprimerBon alors Giverny c'est surfait !! je plaisante AIfelle, cela fait des lustres que j'ai envie d'y aller, mais ce sera pour une autre floraison !
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