D'aucuns soulignent le caractère exceptionnel de cette réforme, n'hésitant à parler de "Grand Jour", de "grande avancée dans les Libertés Publiques"... Pendant que d'autres se lamentent sur une mise en oeuvre improvisée, une lourdeur organisationnelle aux conséquences dommageables. Bref, la décision de la Cour de Cassation rendant applicable avec 5 semaines d'avance la loi sur les nouvelles modalités de la garde à vue, partage l'opinion. Normal, il n'est pas de réforme qui fasse l'unanimité et celle-ci ne fait pas exception. Mon propos n'est d'ailleurs pas d'en débattre, mais de m'interroger sur une expression, entendue à propos de cette mise en application, dans la bouche du président du conseil des barreaux.
On l'interrogeait sur la nouvelle mesure qui dispose qu'un avocat pourra être présent tout au long des trente heures de garde à vue et non, comme c'était le cas auparavant, durant une demie-heure seulement. Cette disposition a l'avantage de mettre tout le monde d'accord sur au moins un point : cela va être une belle pagaïe ! Il suffit d'imaginer ce que cela implique comme multiplication du temps de présence des défenseurs lors des premiers interrogatoires de leurs clients, et les avocats se sont mobilisés en masse pour faire face, dès ce week-end, à cet afflux de travail imprévu.
Après avoir répondu aux questions pratiques d'organisation matérielle, il était interrogé sur le bien-fondé de cette mesure. Il semble que le rôle précis de l'avocat dans cette circonstance ne soit pas encore clairement défini, ce qui rend les conséquences de cette nouvelle loi incertaines. Le président en question envisageait deux cas possibles : soit l'avocat pourra intervenir, poser des questions aux enquêteurs, et donc influer clairement sur le déroulement de l'enquête. Soit il sera là simplement en observateur, présence modératrice et discrète, seulement autorisé à prendre des notes et à intervenir en fin d'interrogatoire, auprès de son client exclusivement. On le conçoit, son rôle serait alors beaucoup plus discret et son poids sur l'issue de la garde à vue, nettement plus modeste. Et, c'est là que je voulais en venir, cet homme dont le maniement du verbe est pourtant le métier, de dire "l'avocat serait alors comme une webcam biologique".
Soudain mon sang n'a fait qu'un tour : mais qu'est-ce que c'était que cette métaphore fumeuse, pour invoquer le rôle de témoin qu'aurait l'avocat dans une telle situation. Une webcam bilogique ? Notre humanité se réduirait à notre caractère de vivant par "opposition" à la l'informatique ?? Et l'on ne trouverait plus, pour dire que quelqu'un observe sans intervenir, que l'image de la webcam pour se faire comprendre ? Certes, je l'admets, notre société a subi et vit encore de profonds bouleversements technologiques. Certes l'informatique est partout, et inernet gourverne nos émotions et fait la pluie et le beau temps de réputations, des bourdes et des errements de tous ceux qui ont pignon sur rue. Certes nous vivons dans un monde d'images saisies, transmises, publiées, partagées à la vitesse du vent. Mais un homme qui regarde un événement et auquel on pourra ensuite demander son sentiment sur la façon dont les débats ont été menés n'est pas une webcam ! Il est un regard, une pensée, des sentiments, une fatigue, une disponibilité, des qualités, des défauts, un passé, une histoire, des convictions ... bref c'est une PERSONNE qui assiste à l'entretien de l'inspecteur du police et du suspect gardé à vue, et non une machine. Il sera moins fidèle que la webcam pour redire ce qu'il a vu, il sera plus humain que cette dernière pour en donner sa version. Il sera un témoin, et l'on sait combien les témoignages sont difficiles et sujets à caution.
Mais surtout, ce qui m'a choquée, c'est cette référence à un outil technique pour décrire le rôle d'un homme, comme si notre époque n'était plus capable de comprendre les choses qu'à travers des symboles mettant en scène des engins robotisés. Certes, si le Christ revenait sur terre, il serait obligé d'avoir son site, sa page Facebook, son réseau social, et il devrait sacrément soigner son référencement pour avoir quelque chance d'être entendu. Ses paraboles mettraient en scène des hackers, des webmasters, des infographistes, des traders et quelques loosers. Mais tout de même, il nous reste encore quelques références utiles du monde ancien, celui où l'homme était encore le plus évolué des êtres vivants et non une sous-machine, très moyennement fiable. Imaginez-vous ce que pourraient devenir les "droits de l'Homme", si ce dernier n'était finalement plus qu'une "webcam biologique" ???
Le parole sono importanti !
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=qtP3FWRo6Ow
Encore un beau billet une bonne et saine indignation on ne peut être que d'accord avec toi. Je m'interroge un peu sur le droit des victimes.... vont-ils réclamer à être aussi présents par avocat interposé ? les commissariats vont reprendre leur nom d'hôtel de police !
RépondreSupprimerBonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerCette expression traduit surtout la sécheresse du coeur.
Et quand il s'agit de justice c'est irritant au plus haut point. Et tu le dis très bien, comme d'habitude.
Cela dit, l'approuve cette réforme.
Elle permettra sans doute d'éviter ...quelques dérives.
Bon dimanche.
Je t'embrasse.
Personnellement cela ne me choque pas.
RépondreSupprimerl'expression ou l'image en elle-même.
C'est à mon avis une façon de parler à laquelle il faudra s'habituer sans pour autant du moins en ce qui me concerne la faire mienne.
Je préfère garder à l'esprit l'idée première de cette réforme: changer les bases,il y a trop de gardes à vue, la procédure n’étant pas toujours utilisée dans l’esprit dans lequel elle a été créée,des conditions de garde à vue trop souvent indignes.
Jusqu'à maintenant l’avocat n’avait pas la possibilité de jouer totalement son rôle, notamment son rôle de conseil, au cours de la garde à vue.
Un aveu obtenu hors la présence d’un avocat ne pourra servir à lui seul de base pour une condamnation.
J'en espère la garantie de la dignité de la garde à vue,et la limitation par exemple du retrait systématique des soutiens-gorges ou des lunettes...
Garde à vue oui
Humiliation non
Un bon livre à lire :
Un roman français
Herbert, la réforme évitera, c'est certain, des dérives et de plus, forcément, elle désengorgera les commissariats. Les policiers seront moins porté à user et abuser de la garde à vue, qui n'est sans doute pas toujours utilisée à bon escient.
RépondreSupprimerRobert, il faut bien avouer que rien n'est simple et que la justice mérite tous les égards, quand il s'agit de l'appliquer en toute sérénité.
Aloïs, mon propos et mon énervement ne concernait nullement la réforme, dont j'évitais de parler en termes polémiques, justement parce que c'est un sujet délicat qui mérite mieux que quelques lignes de blog. Mais dire "observateur" me semblait plus simple que de dire "webcam biologique". Oui, il faut s'habituer à l'évolution de la société vers le tout informatique, mais zut, il y a encore quelques humains qui trainent de ci, de là ! On nous promet l'intellignece artificielle dans nos foyers, via Google, dans fort peu de temps, quelques années tout au plus, et cela sera un pas de plus vers un monde totalement nouveau. Changé. Autre. Pas de passéisme, mais l'humanisme prend un coup dans l'aile ! Même si ce ne sont que des mots.
C'est le genre de formule qui m'énerve autant que toi. Il me semble que la langue française est assez riche pour trouver l'expression adéquate sans aller chercher un langage branché qui ne veut plus dire grand chose utilisé à tort et à travers.
RépondreSupprimerAh oui Aifelle la langue française est rire, et le langage branché est certainement nécessaire pour avoir un "sentiment d'appartenance" mais on en fait un peu trop parfois
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