Il a fallu l'achat patient de 23 parcelles de terrains situées à Boulogne-Billancourt pour permettre à Albert Kahn de constituer le vaste ensemble de 4 hectares qui étend ses frondaisons au coeur de la ville. Ce riche banquier d'origine moyennement aisée mais qui fit fortune dans les mines d'or et de diamants d'Afrique du Sud, avait plusieurs passions : en 1887, il écrivait à son ami et ancien précepteur Bergson « cela va assez bien en ce qui concerne les affaires mais, vous le savez, ce n’est pas mon idéal {…} ». Son idéal, auquel il consacrera sa fortune, était l'établissement de la paix universelle. Sa méthode était simple : mieux se connaître pour mieux se respecter.
Il crée des « bourses Autour du Monde » qui permettent à de futurs enseignants de voyager et de découvrir la vie d'autres peuples. Ces boursiers confrontent leur expérience avec des sommités intellectuelles de l’époque au sein de la « Société Autour du Monde ». Un « Comité National d’Études Sociales et Politiques » recense les différents modes de gouvernements et de comportements aux 4 coins du globe. « Les Archives de la Planète » réalisent partout des photographies couleur et films noir et blanc pour décrire et comprendre tous les aspects de la vie quotidienne dans toutes les cultures humaines. Une chaire de géographie humaine à la Sorbonne, un Comité du Secours national pour aider les victimes civiles de la Grande Guerre, un laboratoire de Biologie pour perfectionner la microcinématographie, un centre de médecine préventive pour les étudiants, sont autant d'initiatives prises par ce curieux infatigable qu'était Kahn. Il ambitionne de réveiller la conscience et d'aiguiser le regard des élites de l’époque. Le krach boursier de 1929 ruinera ce philanthrope mais ses collections et ses jardins seront rachetés par le département de la Seine.
Cet alsacien discret, qui s'habillait modestement et menait une vie réservée, avait pour amis Bergson ou Rodin. Végétarien, c'était aussi un énorme travailleur, qui aimait les chiens, jouait du piano et se plaisait à voyager, loin et souvent.
« Pour supprimer les causes, il faut supprimer le hasard, voir… prévoir. Prévoir, c’est… savoir ». Albert Kahn
Le fond photographique de la collection Albert Kahn est absolument ébouriffant, de qualité et de diversité. Plus de 75000 plaques photographiques, souvent en couleur selon un procédé inédit qui nous a laissé des clichés d'un raffinement étonnant, 180000 mètres de bobines de films (une centaine d'heures de projection) décrivent avec précision et intelligence les moeurs de la planète à la fin du XIXème siècle début du XXème. Cette collection, d'une richesse inouïe, constitue un véritable kaléidoscope des moeurs d'il y a environ 100 ans.
Cordoue, un cliché lumineux de 1914
Les archives de la Planète, prises selon des règles techniques et éthiques très strictes et particulièrement précises pour s'assurer de la fidélité de ce qu'elles illustraient, se composent de deux groupe. Le premier – qui représente la majorité des images fixes et la majorité des images animées (à l’étranger), est consacré prioritairement à l’environnement et à l’habitat : paysages, maisons, monuments, tout type d’architecture, scènes de la vie quotidienne, élevage et agriculture, moyens de locomotion ou de transport.
Le deuxième groupe fait référence à une géographie économique et sociale, d’une part, et à une géographie politique et de l’histoire, d’autre part ; il montre des phénomènes sociaux comme la religion, les fêtes diverses, les mariages et enterrements, les arts, les hommes célèbres (thème récurrent dans les films) et les scènes de la vie militaire, aussi bien en France qu’à l’étranger.
Montrées par petits morceaux et souvent par thème, ces plaques donnent lieu à des expositions toujours passionnantes qu'il est agréable d'aller voir quand on se rend, aux 4 saisons, dans les jardins conçus par cet homme hors du commun. Celle qui est en cours jusqu'en septembre est consacrée aux clichés du Japon. La promenade printanière dans les jardins était délicieuse, agrémentée d'une collection de bonzaïs éparpillés dans la pièce d'eau du jardin japonais.
Fidèle à son intérêt pour la diversité des cultures, Albert Kahn a choisi un genre de jardin bien particulier au XIXe siècle : le « parc à scènes ». L’ensemble paysager qu’il fait aménager se compose d’un jardin français complété par une roseraie et un verger, d’un jardin anglais, d’une forêt bleue et d’un marais suivis d’une forêt dorée et d’une prairie, d’un village japonais, et bien sûr, d’une forêt vosgienne. S'y ajoute le fameux jardin japonais contemporain, créé en 1989 par le paysagiste Fumiaki Takano, et conçu, en hommage au fondateur, comme une métaphore de la vie de Kahn. On peut en faire une visite accompagnée et documentée, on peut aussi assister à la cérémonie du thé, mais attention, il faut s'inscrire auparavant car ces activités sont très recherchées et souvent complètes.
Décidément Kahn est partout, même dans ce sympathique blog...
RépondreSupprimerPour moi ces jardins, évoquent surtout quelque joli flirt venant après la visite studieuse du Musée des années 30 (même quartier) qui est désormais dans l'espace Landowski. Seuls les bancs m'intéressèrent à l'époque.
J'avais oublié. Mic, tu es ma madeleine...
Il faut vraiment que je découvre ces jardins la prochaine fois que j'irai à Paris.Tout ce que j'ai appris grâce à toi sur A.Kahn est fascinant... quel homme extraordinaire !
RépondreSupprimerChère Michelaise, quelle belle promenade... Que j'ai abandonnée depuis longtemps pour cause de beaucoup de monde, trop, dans ce jardin paisible et magnifique qui a totalement changé d'ambiance depuis sa reprise en main par le Conseil Général.
RépondreSupprimerJe me souviens de la cérémonie du thé à laquelle nous avions assisté, il y a de nombreuses années, (sans inscription à l'avance)avec ma mère, parisienne de naissance et qui ne connaissait pas le jardin...
La cérémonie du thé se faisait dans la douceur, il n'y avait en général que très peu de monde qui y assistait, quel beau souvenir...
Maintenant faudrait-il que j'y retourne ton article fait envie, mais... Retrouverais-je cette atmosphère si paisible du Paradis complètement artificiel que j'ai tant aimé ?
Bonne journée chère Michelaise.
C'est sympa les jardins chez les autres n'est-ce-pas?
RépondreSupprimerTon superbe billet comme toujours me fait souvenir que je veux toujours m'inscrire pour la cérémonie du thé.
Je vais passer à l'action si ce n'est que juin est déjà complet et que juillet n'est pas encore en ligne.
Tu imagines le pont rouge en hiver sous la neige?
Les jardins sont à l'honneur en ce moment sur les blogs et ils le méritent bien....
RépondreSupprimerTes montages photos donnent une bonne idée de la luxuriance et du côté foisonnant des lieux. Je viens de tester cette technique de montages grâce aux précieux conseils de notre amie copinaute... Il faut que je m'entraîne encore pour obtenir des résultats corrects.
En attendant je te remercie pour cette balade aussi fleurie qu'instructive.
Bonne journée à toi Michelaise :-)
Bonjour chère dame
RépondreSupprimerDepuis le temps que j'entends parler de ce jardin. Ce n'est pas loin de chez Marie Monique que j'ai rencontré en janvier. faudra bien que j'y aille.
Voir Cordou était un rêve que j'ai réalisé il y a quelques années. Comme le site archéologique de *Al Zahara (?). dans le guide du routard, ils écrivaient *ça ne vaut pas pipette *. Je ne les ai pas cru et me suis * embrillée* un dimanche matin. Pas de bus à l'horizon, pas de voiture pour le stop. J'ai du marcher les 9 km. sous un soleil de plomb. Dans les champs, des taureaux à ne pas taquiner !
Un site formidable pour ceux qui apprécient l'archéologie. une reconstitution au sol de frises à volutes de fleurs. Morceaux après morceaux. Un puzzle de patience.
J'ai écrit au *routard* pour les engueuler. De quel droit jugent-ils !ls ne sont pas un guide culturel.
Retour en bus avec des touristes espagnols qui m'ont permis de retourner jusqu'à Cordou avec eux.
Un bien beau billet sur un endroit exceptionnel, que je ne connaissais pas !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce lieu, en ce moment il doit être splendide, tu me donnes envie d'y retourner sans tarder.
RépondreSupprimerAllons bon, ROBERTO, ravie d'être Madeleine et petit coin de mémoire au goût de beurre !! Coquin, ils devaient avoir du charme ces bancs à la Brassens !!
RépondreSupprimerEn effet CATHERINE, le concepteur de cet espace accueillant est, en plus, un homme aux convictions remarquables
DANIELLE, il me semble qu'en choisissant soigneusement ton heure et ton jour, tu devrais t'y promener en toute quiétude. Certes, nous l'avons parcouru dans une ambiance agitée, c'était le dimanche de Pâques, mais j'y suis allée à d'autres moments et c'était paisible, en semaine, hors vacances scolaires. Ce n'est pas le lieu le plus touristique de Paris !!!
En hiver, par exemple, comme le suggère ALOIS !! et avec la neige en prime, cela doit être superbe ! ALOIS, pour la cérémonie du thé, attends octobre novembre, ce sera plus doux !! Ceci étant comme tu as raison, c'est génial les jardins chez les autres !!!!
Merci Oxy, j'utilise pour mes montages un logiciel pas vraiment prévu pour cela (Photoshop) et tout est artisanal du point de vue de la composition. J'imagine qu'on peut faire mieux avec un logiciel dédié !!
Ouh là là, Béatrice, 9kms sous le soleil andalou quel courage !! Notre équipée était plus calme, heureusement !!!
Hi hi Aifelle, et si tu rencontres ALois et Danielle ??? cela fera un table ronde chez Kahn !!!
Superbe blogue que je découvre là !
RépondreSupprimerToutes mes félicitations enthousiastes.
Ouh !!! Merci JMT ce cri du coeur me touche !!
RépondreSupprimerEncore un de ces jardins où on aimerait bien se promener dans le calme et la beauté de l'endroit !
RépondreSupprimerEt la cérémonie du thé me tente bien ! Tu es un très bon guide !
Merci Enitram, aux jardins Albert kahn il suffit de se laisser guider par les petits sentiers, on découvre à chaque virage un nouveau plaisir.
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