Le paysage à Rome, 1600-1650… ou Nature et Idéal ! Expo choisie le lundi de Pâques pour sa tranquillité supposée, car le sujet n’est pas, a priori, très tendance ! L’impressionnisme ou les Dogons sont plus porteurs ! Et, de fait, l’ambiance était calme, voire studieuse ! Car le thème est ambitieux et pourtant passionnant. Avant les années 1600, le paysage n’existait pas en tant que genre autonome dans la peinture européenne, et les historiens de l’art admettent que c’est à Rome qu’il naquit puis se développa pour atteindre la consécration qu’on lui connait au XIXème siècle. Au départ simple fond de scènes religieuses ou historiques, il devient peu à peu le thème principal de nombreuses œuvres, la scène anecdotique n’étant plus qu’un prétexte, parfois relégué dans un coin du tableau ! On assiste à une véritable gourmandise de nature, le plaisir d’exprimer l’environnement, détaillé, fourni, luxuriant, prenant le dessus sur le thème qui fait le titre du tableau.
Je vous épargnerai l’historique et les considérations savantes de cette évolution, au risque de tomber dans la pédanterie ! Vous imaginez volontiers pourquoi cette tendance s’est développée particulièrement à Rome, la fascination qu’exerçait la Ville Eternelle sur les artistes justifiant à elle seule cette évolution. L’attrait de la capitale de la chrétienté, renouvelée par les transformations récentes de son urbanisme s’ajoute au goût nouveau pour le dessin sur le vif, réemployé en atelier pour de vastes compositions picturales. Si l’on ajoute la circulation des images, facilitée par l’estampe et le goût des collectionneurs pour ces œuvres parfois très savantes, empreintes de culture classique et de doctes références, on comprend comment les influences croisées impriment à cet essor un caractère particulier.
Le mieux est de parcourir cette exposition en images, et de se laisser aller à la découverte de ces paysages idéaux, où l'on aménage le végétal pour recréer des atmosphères parfaites, où l'on réinvente les saisons pour faire cohabiter des espèces à floraisons variables, et on l'on repousse dans les coins de la toile le sujet principale de la scène, qu'il soit historique, religieux ou mythologique.
Le spectateur est alors invité à une première vision d'ensemble, séduisante et parfaitement orchestrée, puis le regard s'attarde, découvre, plonge dans les détails savoureux pour lire l'histoire imposée par le commanditaire. Cette toile de Brueghel, de petite taille, est un vrai chemin intiatique qui, au-delà du premener contact, invite à l'errance entre lointains pleins de vie, premier plan fleuri et scènes religieuses obligées.
Puis le paysage s'affirme, jusqu'à la disparition presque totale de toute scène anecdotique :
Les détails du chemin, le poudroiement de l'horizon, la sinuosité du chemin prennent toute la place : avec ce Wals, on pense déjà aux peintures des siècles suivants qui accorderont à la lumière le premier rôle :
La frondaison arrondie du peuplier qui est presque l'élément principal de la veduta reprend le format de la peinture, les bâtiments cubiques donne une stabilité à la composition par leurs masses horizontales et le talus guide le regard du spectateur vers un horizon lumineux qui attire irrésistiblement le regard. Les grosses pierres qui jalonnent le chemin ne sont là que comme des indices, pour faire rebondit l'attention avant cette trouée pleine de promesses.
Vélasquez, quant à lui, s'essaie au genre dans un style plus anecdoctique encore : c'est l'ambiance qui prime dans cette vue d'une serlienne de la Villa Medicis de Rome. La porte en est obstruée par de vieilles planches mal jointives, tandis que le regard est attiré vers la balustrade sur laquelle un linge pend. A droite, une niche abrite une statue aux contours indécis, détournant l'attention des deux personnages qui bavardent près de la haie. La composition de cette toile est audicieuse et franchement pionnière : coupée en deux par le milieu avec la balustrade, elle dessine un rectangle vert de cyprès qui obscurcissent un ciel qu'on devine à peine chargé de nuages, et en bas, la masse blanche de la serlienne retient tout notre intérêt.
Les détails du chemin, le poudroiement de l'horizon, la sinuosité du chemin prennent toute la place : avec ce Wals, on pense déjà aux peintures des siècles suivants qui accorderont à la lumière le premier rôle :
La frondaison arrondie du peuplier qui est presque l'élément principal de la veduta reprend le format de la peinture, les bâtiments cubiques donne une stabilité à la composition par leurs masses horizontales et le talus guide le regard du spectateur vers un horizon lumineux qui attire irrésistiblement le regard. Les grosses pierres qui jalonnent le chemin ne sont là que comme des indices, pour faire rebondit l'attention avant cette trouée pleine de promesses.
Vélasquez, quant à lui, s'essaie au genre dans un style plus anecdoctique encore : c'est l'ambiance qui prime dans cette vue d'une serlienne de la Villa Medicis de Rome. La porte en est obstruée par de vieilles planches mal jointives, tandis que le regard est attiré vers la balustrade sur laquelle un linge pend. A droite, une niche abrite une statue aux contours indécis, détournant l'attention des deux personnages qui bavardent près de la haie. La composition de cette toile est audicieuse et franchement pionnière : coupée en deux par le milieu avec la balustrade, elle dessine un rectangle vert de cyprès qui obscurcissent un ciel qu'on devine à peine chargé de nuages, et en bas, la masse blanche de la serlienne retient tout notre intérêt.
PS comme à l'ordinaire, j'ai respecté l'interdiction de photographier les oeuvres, et ces illustrations proviennent soit du catalogue, soit d'internet.
La peinture a eu beaucoup de mal à se libérer du religieux, tes premiers paysages le montrent bien...
RépondreSupprimerEnsuite, elle devra se libérer du réalisme pur et dur, quel chemin jusqu'à la révolution Turner !
Bonne journée, Michelaise !
Comme toujours un billet passionnant,passionné.
RépondreSupprimerQui fait que je vais glisser cela dans mon agenda d'autant que c'est à ma porte.
A ma portée?????
L'avenir le dira
Passionnant Michelaise.
RépondreSupprimerLe dernier tableau de Vélazquez est au musée du Prado et je fais souvent un détour pour le revoir.
Je le fais toujours connaître à mes amies de passage.
Bon week-end
C'est très intéressant de suivre ton regard sur ces paysages ! Encore une fois, merci pour la visite Michelaise ! Bon week-end.
RépondreSupprimerDeux coups de cœur, la première et la dernière peinture...et comme les coups de cœur ne s'expliquent pas....
RépondreSupprimerPaysages éparpillés
RépondreSupprimerDans la Nature ensoleillée
Petits personnages cachés !
Merci pour cette visite et pour avoir placé les oeuvres et leurs petits détails côte à côte ! C'est amusant, au premier coup d'oeil, on ne voit pas le quart de la moitié des détails qui donnent aux tableaux tout leur relief.
Pas d'APN à l'époque, et du coup, les artistes n'avaient pas le problème des blancs cramés, ou des noirs trop sombres, les veinards ! (je rigole).
Biseeeeeeeeeees de Christineeeee
NORMA en fait la notion de paysage n'existe pas au début, on n'aurait pas l'idée de payer un peintre pour ça !! Pour une scène religieuse, destinée à l'édification des fidèles, oui. Le paysage c'est un peu un luxe donc ! Et Turner, la référence,pas vrai ??
RépondreSupprimerFRANCOISE, allons, même si tu n'étais pas celle que tu es, cultivée et curieuse, le paysage serait à ta portée, il suffit de se promener. Et je pense que le calme du parcours, te permettra d'en profiter vraiment.
ALBA, le tableau de Velasquez est un vrai bonheur, quant à l'expo, elle ira à Madrid après le Grand Palais, alors !! tu n'as plus qu'à la mettre, toi aussi, dans ton agenda !
ASTHEVAL, c'est sûr que ce sont dans les détails que ces tableaux nous accrochent et nous parlent, une visite trop rapide pourrait nous faire penser que toutes ces toiles se ressemblent.
Voyons GERARD, c'est vrai ça que les coups de coeur ne s'expliquent pas, mais il y a sans doute une sensibilité d'époque, et le tondo (peinture ronde) de Wals est très "moderne" donc parlant pour nos sensibilités contemporaines.
Chriiiiiiiiiiis, merci de ton enthousiasme, c'est vrai que devant le Brueghels j'ai craqué ! je n'avais rien vu de tout ce que je vous montre, puis, en m'approchant, tout d'un coup, révélation !! Et eux aux moins, tu as raison, ils n'avaient pas besoin de photshop pour améliorer leurs contrastes.
Je ne voulais pas lire l'article car j'ai l'intention d'aller voir cette expo la semaine prochaine, et puis finalement j'ai cédé. Mais une phrase m'a un peu titillé, celle-ci : "les historiens de l’art admettent que c’est à Rome qu’il naquit [le paysage] puis se développa pour atteindre la consécration qu’on lui connait au XIXème siècle"...
RépondreSupprimerJ'ai toujours entendu dire que c'était avec l'école du Danube (Albrecht Altdorfer et Wolf Hüber) que la peinture de paysage était née... Cela dit, méfions-nous de ces mots "naissance" ou "invention". Car Rome ou la Bavière même combat! On croit toujours que l'Europe a inventé la peinture de paysage, mais celle-ci existait depuis le XIe siècle en Chine!!! Les commissaires ont-ils au moins l'honnêteté de le rappeler où cèdent-ils encore à un réflexe eurocentrique? L'Europe était très très en retard sur la Chine sur ce point particulier!
De la fenêtre ouverte à la toile dans son entier, la peinture du paysage s'est émancipée jusqu'à devenir un genre en soi, jusqu'à être assez sûr de lui pour faire disparaître toute traces de figures.
RépondreSupprimerJe me souviens avoir lu il y a bien longtemps une histoire de ce genre en peinture jusqu'à l'époque contemporaine.
Un bien passionnant billet Michelaise.
Merci.
Moi je trouve que mon paysage de l'Indre est l'idéal !!!:-))) Mais ceux que tu montres font rêver aussi...
RépondreSupprimerMerci Michelaise...
Bises du jour.
Eurocentrique bien sûr cette exposition GF, on s'y intéresse à la façon dont la culture pictural, telle qu'elle se développa à Rome, a permis (tu as raison de le souligner, entre autres, mais avouons tout de même que le milieu italien était particulièrement déférateur de goûts) l'émergence d'un genre nouveau ! en europe !! Et globalement, l'iconographie ne reconnaissait pas, à l'époque médiévale, au paysage une fonction essentielle, méritant d'être décrite en tant que telle. Je pense que tu as raison, Italie Danube (et Flandres aussi) même combat : ça circulait !!
RépondreSupprimerDanielle, c'est fou finalement comme un paysage de "campagne" peut avoir un côté universel, sérénité, verdure, côté champêtre, et vive l'Indre !!
En effet Miss Lemon, c'est un phénomène d'émancipation. Et aussi d'ouverture vers d'autres idéaaux.
Michelaise tu as vraiment un don pour transmettre ta passion de la peinture. C'est avec grand plaisir que je t'ai suivie au fil des tableaux et j'ai beaucoup apprécié toutes les informations que tu nous a données.
RépondreSupprimerUn grand, grand merci à toi !
Voilà ce que je pense en vrai : La vision d'un acacia, d'un peuplier, d'un marronnier... Dans leur espace naturel... est cent fois, 10 000 fois plus belle que celle d'un tableau...
RépondreSupprimerJe me souviens...Des grandes frondaisons de châtaigniers, de peupliers, les énormes saules avec leurs troncs gigantesques et aussi les fortes émotions que j'avais en les regardant, comme des monuments, des palais, des visions extraordinaires qui me donnaient du bonheur...
Jamais un tableau de paysage ne m'a donné autant de joie et d'émerveillement...
Gros bisous du dimanche.
Oxy, je viens de l'écrire en réponse au comm du billet suivant, j'ai toujours un peu à l'esprit, quand j'écris ces billets, ce désir de TE transmettre ma joie dans les musées. Tu sais, anecdote, l'autre jour Alter et moi allions visiter une expo. Et, chose qui parfois arrive dans les couples, nous nous sommes chamaillés fort fort avant. Crise, drame, le tout assaisonné à la sauce méditérannéenne, en matière de scène de ménage Alter t'expliquerait volontiers que je ne laisse pas ma part ! J'ai prétention d'être TRES bonne. Bref, l'ambiance était moyenne, mais nous avons quand même maintenu notre visite. A contre coeur, mais bon. Et là, devant les toiles, avec le plaisir partagé des impressions, des réactions, du partage devant ces oeuvres riches et passionnantes, comme d'autres se réconcilient sur l'oreiller, nous avons oublié par magie nos rancoeurs et sommes retombés dans les bras l'un de l'autre ! Enfin, mentalement !! Pour dire que l'art est tout de même source de vrais bonheurs !!
RépondreSupprimerDanielle, ce que tu dis est absolument vrai mais s'il n'y avait que cette émotion devant des peintures de paysages, nous n'aurions jamais envie, nous les "campaganrds" d'aller errer dans des musées ! Cette émotion dont tu parles, nous l'éprouvons sans cesse, le matin en allant travailler, le soir en rentrant au soleil couchant, à midi en déjeunant sur la terrasse, en allant faire une balade, en prenant la route de... bref, si l'on est attentif, et qu'on vit "en campagne", on éprouve ce bonheur sans cesse. Et pourtant, les peintures apportent un plus. Certes, les paysages ne sont pas celles qui offrent la plus grande émoition, mais une marine réussie, un coucher de soleil virtuose, un sous-bois vibrant de lumière donnent une impression de plénitude partagée. Même si, finalement, l'art du paysage reste le plus déclicat et le moins "séduisant" à premier abord ! Mais, comme dirait Norma, un Turner, tout de même, ça fait "choc" !!! Et même un Lorrain, parfois ! On reste figé d'admiration devant la palette, la patte, l'inspiration....
Tout ce que tu dis est vrai ! :-))
RépondreSupprimerMais vivement mes vacances dans l'Indre pour aller voir les tableaux sur le motif...:-)))
En rentrant ce soir chez moi, j'ai admiré mon abricotier dont les branches dépassent légèrement sur la chaussée, il a pris de l'envergure, à la ville comme à la campagne on grandit tout pareil, bientôt ils vont le couper c'est sûr, car il va devenir gênant, mais quel plaisir de baisser la tête sous ses branches, comme pour le saluer !
Grosses bises Michelaise.