samedi 18 juin 2011

ESPRIT CONCOURS


3 filles et un garçon... 3 garçons et une fille... parité parfois... unisexe plus rarement : la composition d'un quatuor à cordes s'inscrit dans un schéma variable mais prévisible. Décrocher le Premio Paolo Borciani est forcément pour ces jeunes en début de carrière un titre de gloire qui propulsera leur carrière de façon efficace. Certains ont déjà pas mal de médailles, 128 ans à 4, cela permet tout de même une certaine maturité. D'autres, comme le quatuor Schumann*, sont tellement jeunes et novices qu'ils ne doivent pas dépasser les 90 ans et le prix serait pour un tremplin. Oups !! j'avais écrit "sera" au lieu de "serait" tellement ces jeunes m'ont convaincue... j'avoue avoir pour eux une petite faiblesse, même si d'autres quatuors, plus consacrés, sont aussi talentueux. Mais pour gagner, il faut avoir le talent, certes, et bien d'autres qualités, dont un certain cran pour tenir, face à la pression, qui est de plus en plus pesante au fil des jours.
4 jeunes gens donc, des chemises noires ou blanches, de jolies tenues décolletées, des épaules dénudées, des muscles qui roulent sous la tension, des ombres qui doucement s'estompent, des cous gracieux qui ploient sous l'effort. Car écouter ces concerts est aussi un spectacle : les jeunes se présentent en vêture d'apparat, tout une panoplie d'atours soigneusement choisis pour être à l'aise, malgré tout. Pas question de gâcher des années de travail par une veste trop cintrée qui entrave la respiration ou une jupe mal coupée qui contrarie l'embrassement du violoncelle !! Derrière ces 45 minutes, il y a des lustres de travail, d'innombrables autres concours, auditions, compétitions, joutes, toutes plus cruelles les unes que les autres. Chaque fois, il s'est agi d'être le meilleur, d'abord en soliste, puis en quatuor, de ne pas avoir de faiblesse, de maitriser l'apprenhension, l'émotion, la peur du faux pas. Alors le choix de la tenue de scène, dans l'histoire, c'est plutôt une détente pour affronter cet instant trop vite passé et pourtant infini, qui va transmuter les heures d'angoisse en notes éphémères mais magiques.

En face, sous une rampe lumineuse un peu crue, 8 juges, immobiles ou agités, complices ou hostiles, neutres ou bienveillants. Plus loin, dans l'ombre de la salle, un public pas forcément technicien mais aux aguêts et d'autant plus exigeant qu'il est fidèle.
Élégante, la tenue doit aussi être commode : pas collante ni étriquée, car c'est sportif le quatuor à cordes. On commence pimpant et pomponné, on finit en eau ! Certains ont leur linge fétiche, un peu mouchoir, beaucoup doudou, qui permet d'éponger les excès malséants que l'archet provoque. Mais c'est un sport collectif, et c'est ce qui fait toute sa valeur : la victoire tient à la somme des talents individuels, qui n'ont pas le droit de faiblir, mais qui doivent s'amalgamer en une osmose qui ne doit rien au hasard. Il faut se faire confiance, s'épauler dans les moments difficiles, s'encourager quand l'un faiblit, et, surtout, avoir la même sensibilité artistique. Pas question de prétendre briller aux dépends des autres : un quatuor ne peut, ni ne doit être un ensemble de 4 solistes. Certes, tous ont les talents d'un soliste, mais ils ont décidé de s'unir et pas question de se mettre en avant gratuitement. Il faut savoir mettre les autres en valeur quand la partition l'impose, et cela demande une sacrée humilité parfois. L'an dernier, à Bordeaux, il nous a semblé que cette qualité essentielle manquait au quatuor Raphaël qui a raté le premier prix... et qui, nous a-t-on dit, a éclaté depuis ! Chacun était une vedette, et la sauce ne prenait pas très bien. Il faut aussi, sans doute, bien s'entendre dans la vie, celle de tous les jours, les conjoints, les enfants, les loisirs, car le travail que suppose la mise au point du répertoire passe par une vie commune incontournable. J'ai oublié le nom du quatuor mythique dont les membres ne pouvaient plus se supporter au point de ne se voir que pour les concerts, mais une telle mésentente n'est pas vraiment concevable sur la durée.

Ces jeunes qui nous écoutions, on les a jetés tout petits dans la marmite, et ils sont particulièrement solides : bardés contre le stress, habitués à regarder de côté pour ne pas voir le public s'agiter, pour éviter d'être déconcentrés par le vibrion de service, ne se laissant déstabiliser ni par un bruit insolite ni par une difficulté inattendue : une page qui refuse de se tourner, une goutte de sueur qui les aveugle, un violoncelle qui dérape, il faut être prêt à tout... même à relever un instrumentiste qui a dérapé, à s'adapter à une erreur des autres et à la faire oublier, c'est aussi cela le talent d'un chambriste. Ils sont totalement bluffants ces gamins, et sous ma plume le mot de gamin n'a rien de réducteur : leur talent, lui, a largement plus de 128 ans à 4 !!


* Non, pas le quatuor Schumann, les genevois déjà consacrés, mais un tout jeune ensemble  particulièrement légitime dans le choix du nom : les trois frères Schumann, sous la houlette vigilante et sévère du grand frère, Erik, accompagnés d'une jeune altiste asiatique, Ayako Goto... Erik a 29 ans, le petit dernier, Mark, n'en a que 23... et il est tellement talentueux qu'il joue (déjà !!) sur un Joseph Guadagnini (1780) mis à sa disposition par la Deutsche Stiftung Musikleben. Autant dire que cette jeune troupe, qui vit et travaille en Allemagne (à Cologne), mais d'origine roumano-japonaise (??!!) est promise à un brillant avenir. Ils sont au troisième tour du concours et on croise les doigts pour qu'ils aient accès à la finale.

6 commentaires:

  1. peut être trouvé une place pour Atys ce soir, j'ai deux amies qui y seront aussi, espoir......

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  2. Ah Monica, je n'ai lu ce commentaire que ce matin, donc je n'ai pas agité mon drapeau italien !!
    En fait, nous avions prévu deux bonnes heures pour rentrer sur Bordeaux le soir, et trouver une place, et nous avons mis une petite heure. Nous étions en avance au concert, donc nous avons pu aller aux épicuriales. Dommage que je n'ai pas eu ton tel portable !! si tu es venue au concert tu n'étais pas loin
    après, nous sommes allés voir le Belem, mais rapidement : le feu d'artifice allait commencer. Et là, pas envie de nous retrouver bloqués à la sortie, et de rentrer à 3h du matin. Michel a une auditionde piano aujourd'hui et il fallait qu'il puisse jouer un peu ce matin. Donc nous avons laissé les bouquets lumineux et sommes rentrés bien sagement dans nos Charentes avant que la foule ne bloque les issues déjà peu nombreuses...

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  3. hélas, trois fois hélas, je n'ai pas pu contacter la personne qui vendait sa place, mais mon amie ce matin à mis une vidéo du spectacle sur sa page FB, j'attends tes commentaires et tes critiques de pro!
    bien belle fin de journée!

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  4. Pro non non, amateur qui aime !!! article sans doute dans quelques jours...

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  5. le quatuor Raphael n'a pas eclate! ils ont juste change un membre
    www.quatuorraphael.com

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  6. Merci de cette info, en effet nous avons même un concert avec le quatuor raphaël cet été dans le cadre des jeudis romans. Voilà qui m'évite d'aller corriger le billet comme je m'étais dit que je devais le faire et c'était passé aux oubliettes !! le commentaire redresse mon erreur ! Merci encore

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