mercredi 8 juin 2011

LOTI ET LA DANSE

On peut habiter Meschers sur Gironde et décider de coucher à Rochefort (45 minutes) ! Cela a un petit air de vacances qui sied parfaitement à l'imprégnation de l'esprit "Festival" ! Nous avions choisi une chambre d'hôte très rochefortaise, le Palmier sur cour, récemment reprise par une convertie aux charmes discrets de notre région (elle vient du midi !!) et qui a une vraie vocation pour l'accueil : non seulement la maison est calme, confortable et aménagée avec goût, mais ses petits déjeuners sont fastueux et gourmands. La tarte aux pommes juste sortie du four à votre réveil, les confitures maison et les yaourts de la même eau sont des merveilles qu'il fait bon déguster près de la véranda !

Que Loti ait aimé la fête, cela ne fait aucun doute. Il n'est, pour s'en convaincre, que de lire le récit de la fameuse soirée médiévale qui fut donnée dans sa maison de Rochefort en 1888. Sous la plume du chercheur Alain Quella Villéger, cette soirée mémorable prend vie et forme et l'on découvre dans son article fort documenté combien Loti avait soin du détail, de l'anecdote et du specatculaire. On imagine volontiers le retentissement qu'eut l'événement sur la petite ville de province qui n'en croyait ni ses yeux ni ses oreilles ! On trouve, dans certains de ses romans, trace du théâtre d'ombres de Karagueuz à Constantinople, des marionnettes japonaises de Nagasaki, ou d'une danse d'éphèbes à Mahé des Indes, et le choix de la danse comme fil rouge du dernier Festival "Musiques en Pays de Pierre Loti" n'avait donc rien d'artificiel.


C'est à la valse dans un premier temps que le pianiste François Dumont nous a conviés : valses romantiques, Schubert, Brahms et bien évidemment Chopin. Chopin, c'est son domaine François Dumont : il est un des rares français à avoir été primé au concours Chopin de Varsovie, et, croyez-moi, c'est un titre de taille. Mais aussi valses de l'époque de Loti : à la demande de Julien Masmondet, Dumont a accepté de présenter des valses de Raynaldo Hahn, peu jouées et à découvrir.  Le musicien était un ami de Loti dont il mit en musique un poème sous le titre prometteur d'"Île du Rêve, idylle polynésienne en trois actes" ! Puis Debussy avec "la plus que lente" et enfin un exploit technique hallucinant qui a eu l'air d'amuser beaucoup notre pianiste, peu inquiet de relever des défis : La Valse de Ravel. Pas à 4 mains, non, non, juste avec les dix doigts d'un seul interprète, autant dire une adaptation, faite juste pour nous, de la pièce de Ravel écrite pour orchestre, puis pour quatre mains, puis pour deux pianos, jouée l'autre soir par un homme seul mais terriblement inspiré. Dumont doit adorer danser la valse : vous auriez vu l'air gourmand qu'il avait quand il entamait chacune des pièces du programme ! On eut dit à chaque fois qu'il invitait une jolie cavalière à tourner, virer, virevolter et qu'il était ravi d'être le maître du ballet !

Le nouveau musée d'art et d'histoire rochefortais, une réhabilitation de très bon goût d'un bâtiment XVIIème dont on n'a conservé que la façade, hébergeait une exposition de sculptures et d'eaux fortes d'un certain Dennis Nona, un artiste aborigène au talent convaincant, que nous nous sommes promis de venir visiter plus en détail. Elle n'était pas encore ouverte, l'inauguration ayant eu lieu de 3 juin.

Le deuxième concert, donné aussi dans l'Atrium du musée Hèbre de Saint Clément était consacré à la musique des derviches tourneurs. Rien de fortuit dans ce choix : Pierre Loti aima, on le sait, Istanbul et particulièrement le quartier d'Eyüp, où subsiste la petite maison de bois sous les tonnelles de laquelle l'écrivain aimait à venir se reposer. Julien Masmondet, suivant la tendance qui consiste à exporter les festivals comme on exporte des produits de qualité, a projeté pour 2012 de monter un "Musiques au Pays de Pierre Loti" bis, dans ce quartier stambouliote. Il avait donc invité l'attaché culturel de l'ambassade de Turquie à Paris et le maire d'Eyüp, tout une délégation turque reçue dans le cadre d'un jumelage avec la ville de Rochefort, et programmé le trio Kudsi Erguner, du nom de son principal instrumentisme, maître incontesté de ney, sorte de flûte oblique d'origine fort ancienne ( on en a trouvé dans des tombes égyptiennes). Le ney turc, particulièrement long, environ 80 cm, comporte une embouchure qui permet de moduler les sons et donne une sonorité plus méditative, plus sprirituelle que celle de l'instrument arabe que vous avez peut-être entendu.

Le trio, ney, percussions diverses, discrètes et douces, et une sorte de luth dont l'interprète faisait vibrer le manche pour donner plus de relief à ses notes, interprétait des préludes et « semais » de la musique savante et de la musique soufi Ottomane correspondant à la période du séjour du Pierre Loti à Istanbul dans le Quartier d’Eyüb.

Le lendemain à l'île d'Aix, dans la cour de l'hôtel Napoléon, c'était un récital de violoncelle qui nous attendait. Florent Audibert, violoncelle solo de l'Opera de Rouen, a joué deux suites de Bach, une suite de Gaspar Cassado et le bis fétiche de Pablo Casals, le Chant des Oiseaux, petite pièce très courte particulièrement appropriée au lieu, où les instrumentistes sont toujours en compétition avec la gent ailée !

Je ne suis pas spécialiste mais il me semble que l'instrument de Florent Audibert était un violoncelle baroque, de fort belle facture. En tout cas l'interprète en tirait des effets remarquablement "justes" (je ne veux pas dire qu'il jouait sans fausse note, ce qui est une évidence, mais "juste"). 


Le concert était, hommage à la danse oblige, sous-tendu par un spectacle de danse contemporaine, chorégraphié et interprété par Guilhem Rouillon, dans un style sobre et épuré qui collait parfaitement aux partitions.

Julien Masmondet a, c'est évident, un talent particulier pour programmer des manifestations originales, cohérentes et dont le fil conducteur reste, sans conteste, Pierre Loti. Ce festival mérite qu'on en parle et qu'on salue son originalité, ce d'autant plus que son directeur, excellent musicien et audacieux dans ses choix, n'a pas l'écho qu'il mérite. Tout le monde n'a pas une agence de comm à disposition !!! Et, par les temps qui courent, la sanction est immédiate : tout passe par la comm et ses gourous. Quelle injustice ! Ce n'est malheureusement pas mon blog, trop modeste, qui lui fera la publicité dont il aurait besoin, mais les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, cela va mieux en le disant ... La qualité, le mérite d'une action culturelle en continu, ancrée sur la vie locale, autant de raretés auxquelles je suis heureuse de rendre hommage.

7 commentaires:

  1. Tu es sans doute réaliste Michelaise mais surtout trop modeste. Ton blog est une magnifique vitrine et une excellent publicité pour ce type de manifestations et il mériterait une plus grande "audition". Tu devrais d'ailleurs proposer tes "papiers" aux intéressés car tu sais toujours trouver les mots qu'il faut pour parler d'art et de musique et partager ta passion.
    Les noms de Schubert et de Chopin m'ont fait craquer. Je suis bien incapable de reconnaître le moindre morceau de ces grands compositeurs, mais lorsque j'écoute un morceau et que je suis séduite, c'est sans surprise que j'entends le nom d'un de ces deux géniaux musiciens. Ils me parlent...
    Bonne soirée à toi Michelaise !

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  2. Un très beau festival, le concert de violoncelle aurait plu à Tatiana...
    Quand j'ai débuté dans l'enseignement une de mes collègues était la petite fille de Pierre Loti, Murielle Pierre-Loti-Viaud. Elle n'avait jamais connu son illustre grand-père.

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  3. Bonjour, Michelaise.

    Quel festival !!!
    Et moi qui croyais bien connaitre Loti.
    En tout cas, j'ai beaucoup valsé avec un plaisir extrême.
    Ici et là.
    Les derviches tourneurs..Oui, étonnant.
    Merci pour tout cet ensemble.
    Merci toujours.
    Je t'embrasse.

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  4. Ta conclusion hélas est criante de vérité.
    J'ai tapé Julien Masmondet sur internet le premier lien s'affichant concernant Musiques au pays de Loti concerne l'année 2008!!

    Je trouve fort dommage tout de même ces deux festivals si proches géographiquement et se déroulant en même temps.

    Je vais bien dormir à Paris pourquoi vous n'iriez pas dormir à Rochefort!!!

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  5. Si tu savais Oxy, je suis absolument incapable de mettre un nom sur un morceau ! Je compte sur Alter pour cela, résultat des courses, je suis NULLE. Marrant je suis capable de reconnaitre un peintre avec une presque certitude mais un compositeur, c'est la cata... CE qui ne m'empêche nullement d'aimer.
    Herbert, je savais qu'un air de valse te plairait !! je souris encore au billet où tu nous avais invitées à valser avec toi, tu avais un de ces succès ce jour-là !!
    Evelyne, c'est vrai que Loti s'appelait Viaud... marrant comme le monde est petit finalement. En tout cas, le violoncelle reste un de mes instruments préférés. Le piano c'est pour Alter !
    Aloïs, Julien Masmondet est adorable mais, et c'est un de ses charmes, pas branché comm. C'est sympa mais contre productif. Mais bon, son Festival perdure et à force d'en parler, il en restera bien quelque chose...

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  6. Un festival qui m'aurait bien plu !!!

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  7. Oh je m'en doute Enitram, c'est un festival qui a des "choses à dire" et ça, en soi, c'est déjà un plaisir

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