Avec un E !! Et oui, Minkowski a même le génie des noms, car avouez qu'avec un nom pareil, il est promis à un brillant avenir ce nouveau Festival. Dont la tradition, instaurée par le maître de cérémonie, l'inventeur et organisateur du concept, est déjà en place : le festival dont tous les bis sont et seront, forcément, en ré majeur ! Ce qui nous a valu une petite intervention d'Alexandre Tharaud au moment de conclure son récital.
- Hier, j'étais encore à Paris, prêt à partir pour l'île de Ré quand je reçois un appel impératif et comminatoire de Marc : tu dois prévoir une pièce en ré majeur pour le bis. J'acquiesce, puis commence à chercher, d'abord calmement, puis de plus en plus fébrilement. Ut mineur, sol mineur, la bémol majeur... rien en ré majeur dans mes partitions !! Je n'allais pas vous faire l'affront de venir avec une pièce en ré mineur... J'en étais là quand, feuilletant la partition de Miroirs pour répéter "Une barque sur l'Océan", j'ai remarqué qu'Alborada del grocioso était en ré majeur ! Ouf ! Sauvé..."
C'est ainsi qu'il nous a joué du Ravel en rappel, après un concert qui fut un moment de pure grâce.
Mais il me faut commencer par le commencement. C'est jeudi soir qu'a eu lieu le lancement, somptueux, du nouveau navire de ce rétais de fraîche date, qui a eu l'idée généreuse d'offrir aux îliens (et aux autres) ce festival promis, c'est certain, à un brillant avenir. Salle des sports d'Ars en Ré, une superbe salle toute neuve aux murs parés de plaques d'aggloméré dont on craint a priori qu'ils étouffent un peu les sons, des chaises disposées en arc de cercle, des places sur les gradins, bref, l'ensemble a fière allure et l'affiche est alléchante. Cosi Fan Tutte en version de concert ! Sur scène, les musiciens du Louvre en formation réduite, le choeur de l'Abbaye aux Dames, de jeunes solistes à découvrir et, dans le rôle de don Alfonso, parfait en maître de cérémonie plein d'aisance et d'abattage, Laurent Naouri. A la barre, Marc Minkowski. Et vogue la barque aux zéphyrs enchanteurs.
La direction de Minkowski était délicieuse, délicate et ciselée, avec le talent mozartien qui caractérise le nouveau directeur artistique de Salzbourg. Les jeunes talents qui l'entouraient donnaient à cette version épurée du dramma giocoso de Mozart un côté alerte, à peine sorti de l'enfance et déjà si prometteur... On était parfaitement dans le ton, l'école des amants s'est révélée l'école des futurs divas ! Gaëlle Arquez interprétait une Dorabella un rien sexy, la voix précise et claire, le ténor Julien Behr campait un Ferrando tout en finesse, dont la puissance s'affirmera avec les années, le baryton Benoit Arnould étant sans doute la pièce la plus fragile de cette distribution inspirée. Distribution dont la pièce maîtresse était la soprano Julia Lezhneva, une jeune russe de 21 ans dont la voix est un pure merveille de finesse, aux inflexions ferventes et modulées à souhait. Un nom à retenir qui sera bientôt sur toutes les lèvres : une telle élégance dans le phrasé, une aisance jamais prise en défaut, une intelligence du rôle, et en prime, jolie comme un coeur !
Le lendemain, nous avons eu, dans la superbe salle des communautés de communes de Saint Martin, un concert Bach par Thibault Noally et Francesco Corti, respectivement premier violon et claveciniste des Musiciens du Louvre. Un moment d'une réelle qualité.
Puis, le soir, dans les jardins de l'hôtel de Clerjotte, un récital Ravel, Debussy, Scarlatti par le pianiste Alexandre Tharaud. Environné de moucherons, mais totalement immergé dans la musique il nous a offert une prestation d'une qualité irréprochable. Heureux de jouer, expressif, inspiré, tout était d'une perfection et d'une évidence surprenantes. Alter disait de lui "c'est un artiste intègre", je trouve que cela résume parfaitement sa façon de jouer. A mes côtés, Gérard jouissait de "son" Steinway, durci à l'extrême à la demande du pianiste (sans doute pour donner aux pièces de Scarlatti cette sonorité limpide et lumineuse qui nous a laissés sous le charme), et il était béat de bonheur. Quoi de plus valorisant pour un homme de l'art que d'entendre son instrument joué de cette façon ?
Le lendemain, avant de quitter l'île, nous avons assisté à une masterclass des élèves de la classe de chant du Conservatoire de Paris avec Rachel Yakar et Marc Minkowski. C'était absolument passionnant car nous avions trois approches du chant : celle, très technique d'un point de vue, de Rachel Yakar, bienveillante, précise et pleine d'humour, celle du chef d'orchestre, qui replace la voix dans son contexte musical et humain, et enfin celle du prof de chant qui connaît les limites et les points forts de ses élèves et qui sait comment les aider à contourner les chausse-trappes.
Parmi les élèves une jeune roumaine, dont je n'ai retenu que le prénom, Andréa, me semble promise à une carrière rapide. Elle a une voix mais aussi une présence qui laissent présager des lendemains qui chantent !!
Quant à nous, ravis de cette série inattendue de concerts de qualité, nous avons déjà prévu que, dorénavant, nos week-ends de l'Ascension se passeront sur l'île de Ré. Même si l'ambiance y est quelque peu agitée, entre pistes cyclables transformées en autoroute avec bouchons à l'envie, envolée des étiquettes et hôtels complets, l'aubaine que représente cette nouvelle manifestation est une chance que nous ne laisserons passer sous aucun prétexte !
Ah Michelaise, bonjour,
RépondreSupprimerje crois ne pas être la seule à avoir songé à vous durant ce week-end!
Je vous souhaite beaucoup d'éditions pour ce nouveau festival que vous avez bien servi.
Bonne semaine.
Miss Lemon.
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerUn enthousiasme sans fausse note très communicatif.
Un enthousiasme dans lequel tu m'enveloppes.
Et une présence forte.Mais pouvait-il en être autrement ?
Merci beaucoup, Michelaise, pour ce billet coloré et harmonieux.
Bonne journée.
Moi aussi, je l'ai beaucoup aimé, ce week-end... Et cette interprétation de Cosi fan Tutte version musique de chambre était merveilleuse !
RépondreSupprimerSi tu as envie d'y répondre, un tag t'attend sur mon blog...
Bisous
Ah ah Miss Lemon, tu sais que nous pourrons dire, dans 20 ans, quand ce Festival sera parmi les plus grands (je plaisante !!!) "nous étions à la première"... Mais bon, tu as raison c'était bon de participer...
RépondreSupprimerHerbert, l'île de Ré et Tharaud t'auraient vraiment plu, j'en suis certaine.
Mademoiselle Koka, ravie que tu aies apprécié, je vais de ce pas voir ce tag... pas fana sur le principe mais venant de toi, tout est tellement plus beau !!
J'ai entendu Alexandre Tharaud sur Radio-Classique ce week-end, il me semble bien qu'il parlait de ce festival là. Quelle chance d'avoir assisté à tous ses concerts, ils méritent bien quelques petits désagréments.
RépondreSupprimerOh même pas de désagréments Aifelle, je fais mon intéressante, c'était vraiment parfait et très praticable, ce n'est pas l'été, heureusement, et Marc Minkowski a volontairement choisi ce WE bien plus calme que juillet aout !!
RépondreSupprimerJ'en étais certaine que tout serait génial et le festival et la façon dont tu nous en parlerais.
RépondreSupprimerVendredi matin à la piscine au détour d'un bassin je croise une amie et lui demande ce qu'elle fait là au lieu d'âtre à l'Ile de Ré où elle a une maison
La maison est envahie par Aurélie (sa fille) et ses amis qui sont venus pour le festival!! me dit -elle
Sa fille est pianiste professionnelle
Elle redoutait un peu les douze sonates de Scarlatti et toi?
Ben j'avoue que la perspective de Scarlatti sur un grand C de concert, j'étais un peu inquiète. J'avais peur qu'il nous romantise la chose. Ce qui est devenu parfaitement insupportable. Mais Tharaud est un pianiste intelligent et l'accord très tendu, à une fois et demi la tension normale (qui est déjà de 18 tonnes) lui a permis un toucher clair, efficace, précis, et Scarlatti a été, aussi, un moment magique. Ebouriffant à mon sens. C'était du Steinway, cela ne prétendait pas imiter un clavecin, mais c'était ciselé. Pas de sons parasites... sauf un peu sur la fin (les 2 ou 3 derniers), je ne sais pas pourquoi, Tharaud s'est un peu trop lâché. Mais c'était un pêché véniel. Qu'en a pensé la fille de ton amie ? Si elle passe par là, je serais heureuse d'avoir son avis, sur Tharaud, Cosi et Thibaud Noally, excellent à mon sens. Aussi bien en tant que "continuo" qu'en soliste.
RépondreSupprimerBonsoir Michelaise. Tu as vraiment l'air de t'être régalée au cours de ces concerts et c'est un vrai plaisir de partager ta joie que l'on si bien transparaître sous tes mots.
RépondreSupprimerBonne fin de soirée à toi !
Je demande à sa mère,pas demain je n'irai pas à la piscine je serai au conseil constitutionnel mais vendredi et je te dirai cela
RépondreSupprimerSuper le Conseil, sois sage pour les photos !!
RépondreSupprimerOxy, c'était vraiment un super we et c'est vrai que j'ai plaisir à le raconter. Tu sais, je m'amuse car, ces jours-ci, dans les mots qui ont été tapé pour amèner vers mon site, je trouve Lezheneva, Noally, Minkowski : ce qui prouve qu'on cherche bien des infos sur Ré Majeure et que mon modeste article est lu par des gens que cela intéresse. On se demande toujours pourquoi on fait ces blogs et cela fait du bien de se dire que ce n'est pas totalement inutile.
Quel bonheur, ce week-end-musique, j´aurai aimé.
RépondreSupprimerMerci, tu sais si facilement nous approcher tes émotions vécues que nous l´avons vécu aussi... pourquoi pas...
Belle semaine.
Hi hi Alba, tu verras, toi aussi tu diras "j'y étais... euh ?? enfin il me semble bien que j'y étais !"
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