Il est de nombreuses activités cathartiques, dont la moindre n'est pas le rangement par le vide : trier, jeter, balancer, flanquer à la poubelle sont des occupations qui ont fait leurs preuves pour évacuer le stress. Il en est une autre tout aussi efficace mais qu'on ne peut pratiquer que si l'on a des arbres fruitiers ou des amis qui en ont, et qui plus est à la saison de la pleine maturation des fruits : c'est la confiture.
Confiturer présente toutes les caractéristiques requises de la méthode mise au point par le docteur Joseph Breuer "méthode qui consiste à faire tomber les barrières psychologiques du patient par hypnose
pour réveiller les souvenirs traumatiques enfouis, à l'origine de
troubles, générant ainsi une décharge émotionnelle à valeur libératrice,
l'abréacrtion". Le traitement commence par une plongée en hypnose du patient : l'équeutage, le dénoyautage, le pelage ou l'épépinage des fruits, par leur côté répétitif et dégoulinant provoquent une sorte d'état second qui n'est pas loin d'une transe hypnotique. Puis le médecin pose au patient des questions afin de lui faire revivre des événements douloureux ou traumatiques. L'air hagard que vous abordez forcément quand vous mettez en cuisson vos fruits, recouvrant un tas de sucre qui bouillonne et s'enfouit progressivement dans un jus coloré pour finir par y disparaitre, la cuillère tournée, en fixant la ligne bleue des Vosges ou le fond de la casserole, seulement attentif(ve) à éviter que la mixture accroche, favorisent un sentiment d'introspection qui fait remonter à la surface de votre esprit les états d'âme les plus enfouis, les plus secrets, les plus inattendus. Ils ont tendance à surnager comme cette écume qui se forme à la surface bouillonnante et à prendre des formes aussi exotiques qu'elle.
La dernière étape de la méthode cathartique consiste à obtenir du patient éveillé qu'il se remémore les propos tenus durant la transe, et il semble qu'alors la tension émotive ayant disparu, le souvenir traumatique s'estompe, voire disparait. Avouez que, lorsque vous avez pour la 5ème fois fait tomber la précieuse goutte de confit de fruits sur une assiette pour vérifier si la cuisson était suffisante, enfin satisfait(e) du résultat de ce test imparable, un immense soulagement vous prend. Il ne reste qu'à remplir vos pots sagement alignés en tachant de ne pas déborder. Activité douce et libératrice : on lèche discrètement les gouttes importunes, on essuie soigneusement le verre avant d'y coller les étoquettes artistiquement préparées à cet effet, et oups ! Le couvercle peut enfin être vissé, certain(e)s retournent le pot pour assurer un refroidissement libérateur et il ne reste qu'à empiler les bocaux sur une étagère en se récitant du Victor Hugo. Tout le stress est évacué, enfoui dans la marmelade, transformé comme elle en une belle gelée colorée qui ne demande qu'à prendre !
Mais le plus grand mérite de la confiture est son côté convivial et généreux. Comme je l'ai dit plus haut l'acte fondateur est, déjà, souvent un cadeau : le panier rempli à ras bord de fruit presque trop mûrs qu'on vient de vous offrir et que vous contemplez d'un air accablé. "Que vais-je pouvoir faire de tout ça ??" Des jus de fruits peut-être ? Une tarte, oui, mais il en a pour 12 tartes... Les manger tels quels ? J'en ai pour un mois... Bon, il faut s'y coller, ce sera des confitures. J'avoue que j'avais quant à moi, les plus grands doutes sur le résultat possible à partir des prunes rouges un peu sauvages et très acides que Madeleine (encore elle !) venait de m'apporter. Les mirabelles, là, pas de souci, ça fait une excellente confiture mais ces prunelles aigrelettes ? Pourtant je m'y suis mise courageusement, je n'allais tout de même pas les jeter, ainsi qu'elle me l'avait suggéré en me les donnant. Cela aurait été mépriser un cadeau, la plus grave des fautes n'est-ce pas. J'ai donc décidé d'en faire une gelée.
Internet consulté m'a fourni quelques idées, revues et corrigées par mon indiscipline légendaire : ce fut simple, j'ai mis tous les fruits dénoyautés dans un blender, j'y ai ajouté une pomme, du gingembre, du citron, et une bonne giclée de vanille liquide. Vroummmm... Puis une cuisson au jugé dont je vous ai déjà parlé ! Le résultat est surprenant : on dirait une excellente gelée de groseilles ! C'était si bon, que j'ai reproduit le même processus avec les mirabelles, et vogue la marmite !
Mais le côté thérapeutique des confitures ne s'arrête pas là : quand on les a terminées, on en donne. A celui qui vous a offert les fruits, aux amis à qui on rend visite durant l'été, à tous ceux qui vous en ont offert un jour. Car c'est le plus grand mérite des pots de marmelade : cela fait des cadeaux "c'est moi qui l'ai fait", facile et toujours bien accueillis. On ne vous a jamais dit que votre confiture était mauvaise, n'est-ce pas ?? Ou trop sucrée ou trop cuite, ou encore trop liquide !! Un pot de confiture, même raté, c'est toujours bon, c'est un petit morceau d'amitié partagé, c'est un peu de tendresse à déguster en tartines au petit déjeuner. C'est important de donner ses confitures, d'abord cela vous évite de manger pendant 6 mois la même mixture et surtout, cela crée une sorte de mutualisation des efforts, tu me files tes abricots, je t'envoie mes prunes, au moins les tartines seront variées !!
Avouez qu'avec tant de qualités, la posologie est simple : confiturez sans retenue, avec excès, soyez inspiré(e)s, innovez, faites classique, peu importe mais sortez vos marmites !!
Bravo Mic, aussi bien pour les confitures que pour ce beau billet, qui vers la fin m'a meme émue.
RépondreSupprimerJe persiste avec mes confitures de courgettes mais franchement je ne pense pas que ce soit un cadeau que celui de les offrir à des amis.
RépondreSupprimerA la façon dont je m'acharne c'est que je dois avoir beaucoup de stress à évacuer!
Hélas, j'en suis réduite à seulement trier et jeter à la poubelle en cas de stress. J'aime bien ta façon de faire des confitures, ma grand'mère était plus rigoureuse sur les mélanges !
RépondreSupprimerthe BLENDER, pourquoi n'y ai je pas pensé avant?????
RépondreSupprimerj'adore cette belle histoire de confitures tellement réaliste, mais cette année, je n'ai pas trop de courage, et lorsque j'aperçois les figues....... une année terrible encore, je vais ouvrir un commerce de FIGUES EN TOUT GENRE!
Ah Siu, c'était surtout pour faire sourire !!
RépondreSupprimerAloïs, c'est promis je rends hommage à ta confiture de courgettes d'ici quelques jours... c'est vrai que ton acharnement mérite le respect.
Monica, le blender je pense que c'est pour les fruits un peu trop liquides... et je me demandais si cela n'aurait pas été une bonne idée de rajouter quelques fruits entiers à la fin, pour le fun. Quant aux figues, avec du jambon c'est plus simple non ?
Aifelle, j'adore vraiment cuisiner mais à condition que ce soit simple et improvisé. Pour les proportions, les temps de cuisson etc, il faut que ça marche au feeling, sinon je me lasse.
En effet, quand je fais des confitures, je me sens bien, apaisée, contente.
RépondreSupprimerJ´ai hâte de lire ton billet sur ces tapisseries.
Le destin, Michelaise...
Cuillères en bois ou en alu? Casserole en fonte? Plaque électrique ou gaz des villes ... et des champs?
RépondreSupprimerQue voilà une sympathique thérapie, elle pourrait se faire en groupe avec plusieurs plaques de cuissons, plusieurs casseroles et cuillères de toute sorte.
De la pomme, du gingembre, quelle idée géniale.
Pour ce qui est de retourner les pots afin d'évacuer toute vapeur... avec un couvercle en "dur", pas avec la petite feuille transparente que j'adore mouiller délicatement afin qu'elle adhère au verre.
Cependant, il arrive que tu en oublies des pots au tréfonds du placard, et là depuis quelques mois qu'elles ont libérées leur saveur volatile tu peux te retrouver avec une sorte de pâte de "coin" immangeable qui peut te faire regretter ne serait ce que le dénoyautage.
Mais, une tartine grillée avec ta confiture de figue, quel plaisir 6 mois plus tard lorsque ton figuier est tout dénudé, se lamentant dans l’attente de sa future
fructification.
Cette année avec la grêle qui la secoué(des glaçons en forme d'oeuf) il n'y a plus un seul fruit. Adieu confiture de figue au clou de girofle...
Heureusement qu'il y a Trintignant!!!!!
Belle nuit avec des rêves en forme de poire (Satie bien sûr, ça fait bien!)
Martine de Sclos
J'applaudis des deux mains, et j'adore ta conclusion, vraiment ! C'est mon remède à moi, je l'ai assez répété, c'est à peu près la seule chose que j'aime faire en cuisine, et j'en distribue largement parce que mes placards sont déjà pleins :-)) Cette année j'ai innové (potiron/mandarines, c'est sur mon blog) mais j'ai aussi tout récemment fait dans le classique, abricot et cerises. Les prunes (aurons-nous des mirabelles cet été ??? c'est l'association "La cerise sur le panier" qui déterminera quel type de prunes nous aurons) arriveront fin août. Hummm !
RépondreSupprimerAh j'ai oublié de dire que comme pour Alba, c'est un excellent antistress de faire des confitures !
RépondreSupprimerJe sens qu'on va ruiner les spy avec notre anti-stress maison ! Depuis que j'ai écrit cet article j'ai déjà eu deux cadeaux confitures, auxquels j'ai pu répondre par un cadeau mirabelle, c'est vraiment la nouvelle convivialité. Odile potiron mandarine, je vais aller voir cela pourquoi pas ? Quant aux mirabelles, je ne sais s'il y en a eu beaucoup mais, en général quand on vous en donne, c'est que l'arbre a bien produit !
RépondreSupprimerMartine, cela te rend presque aussi lyrique de l'oeil de Léo sur GF !! C'est vrai que la petite feuille de papier qu'on mouille pour bien la faire adhérer, c'est chouette. Quant au fait que les confitures durcissent en vieillissant, c'est souvent d$u aux ajouts de pectine non ? car les confitures trop liquides restent trop liquides ! ça, c'est un aphorisme du matin pas chagrin du tout !!!
Alba, tu as dit le mot, ça apaise : le fait de tourner la cuillère, l'oeil dans le vide, forcément, les bonnes odeurs qui se répandent dans la maison, la jolie ordonnance des pots, bref, on est au calme.
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerQuand je pense que je n'aime pas les confitures...
Mais j'aime ton billet si savoureux.
Merci beaucoup.
Bonne journée.
J'attends d'être à Dinard et de retrouver son marché pour faire des confitures. Les filles vont s'y mettre.
RépondreSupprimerJe me souviens d'un été pluvieux passé à la campagne près de Gisors, où avec l'aide de Frédéric et de sa grand-mère qui possédait un très beau potager, nous avons fait des dizaines de pots de gelée de groseille.
Sa grand-mère avait racheté lors d'une vente aux enchères, d'énormes casseroles utilisées par les cuisiniers du France.
Elles sont toujours à la campagne.
Bonnes confitures.
Mon Dieu Docteur... Il y a si longtemps que je n'ai pas fait de confitures... le stress a dû s'accumuler depuis toutes ces années, que j'en frémis d'avance !
RépondreSupprimerAh si, l'année dernière, quelques kg de prunes de mon jardin ont été transformés... en compote ! Vite fait, bien fait, pas eu le temps de regarder la ligne bleue des Vosges.
Mais en lisant avec attention tes lignes si savoureusement cococtées, aux mots habilement liés par le sucre merveilleux de ton style très "liant", je me dis qu'un petit stage confiture ne me ferait pas de mal !
Biseeeeeeeeees de Christineeeee
Alors Evelyne pour la gelée de groseille on m'a prêté l'an dernier un truc spécial, à vapeur et tout et tout qui fait merveille !!! ça marche un peu comme un couscoussier !!
RépondreSupprimerCristineeee tu sais j'en fais très rarement mais les vertus de l'activité sont indéniables. Et tant pis pour ceux qui n'aiment pas les confitures, ou tant mieux pour les z'autres, z'en auront plus Herbert ...
Tout le monde rapplique ! C'est que cela doit être bon...Les photos mettent les papilles en haleine...
RépondreSupprimerPour moi les confitures sont aussi d'une très grande valeur thérapeutique. Mais c'est quand je les déguste ! Car trier, épépiner, peler, réduire, surveiller, ce n'est pas mon truc. Sauf pour ma confiture préférée: citres à l'orange. Environ 10 kg dans une grosse bassine en cuivre, et une journée sur la cuisinière à bois. L'hiver les réserves fondront comme neige au soleil...
Oh ! quelle jolie débauche de saveurs et .... de grande gourmandise ...le temps des confitures ..pivot d'une vraie qualité de vie , être nez et bouche dans ta cuisine au moment du mitonnage devait être bien agréable
RépondreSupprimerBon week-end
A++Sacha
petit truc de chambres d'hotes :
RépondreSupprimerlorsque la confiture est en BLOC, la mettre avec un peu d'eau au Micro ondes et le tour est joué....
Ton billet est délicieux. Je confiture depuis 40 ans environ, attention toujours dans une bassine en cuivre et je n'ai jamais eu l'occasion d'en offrir à un psy. Mais j'en donne volontiers, au dentiste ou au véto, aux passants, aux enfants, aux neveux, à l'hosto... Chaque fois le message est différent, chaque fois il y a un message. On me ramène les pots vides, je le prends comme un encouragement à poursuivre ! Et quand on refuse ma confiote, je le prends très très mal et je pars vider mes placards !
RépondreSupprimerAh ah Roberto, c'est sûr que j'ai plus de "succès" avec les confitures qu'avec le quatuor Raphaël ! mais c'est la vocation du blog de traiter "de tout un peu", et même de l'Italie un peu trop !!!
RépondreSupprimerSacha tu ne peux pas savoir comme je suis fière de ton comm, toi la pro... merci de ton passage !
Lulu, c'est vraiment la base de la convivialité la confiture à t'en croire !! tu ne pouvais que te manifester donc ! revenue de ton escapade...
Monica on essaiera ton truc car c'est toujours rageant les confitures trop prises...
Miam miam, que ne suis-je pas dans le sud de la France.
RépondreSupprimerCette année, j'ai manqué le championnat de France d'orpaillage. Une semaine avant la croisière ne me laissais pas le loisir de visiter la France. Que partie remise.
J'ai souri et même ri à la lecture de ton article...Michelaise.
RépondreSupprimerCa tombe bien, je m'y mets dans quelques jours, aux confitures...et pour l'instant, je suis dans le tri et le rangement...de papiers !
De quoi, donc, me "défouler" de toutes les façons !
Vive les confitures "cathartiques"!!!
ALors pas de doute Licorne, si après un tel traitement, tu te sens encore stressée, c'est que la tension était lourde, foi de psy-confiture...
RépondreSupprimerOh Bea dommage que tu n'aies pas orpaillé cette année, c'était sympa comme tout ce concours dont tu nous avais parlé...
Danielle aussi m'offre chaque été un pot de confitures de mûres et de mirabelles. Les mûres et les confitures ne viennent pas de Venise, mais de l'Indre où elle séjourne un mois aussi chaque été. J'ose à peine murmurer combien j'aimerais goûter un jour ta gelée de mirabelles... J'en pâlis devant mon écran!
RépondreSupprimerAh GF mais la chose me semble facile, Meschers n'est pas le bout du monde n'est-ce pas ??? Je plaisante mais j'imagine que les confitures de Danielle sont autrement plus "classiques" que les miennes, je n'ai aucune norme, ni même de tradition confiturière !! enfin j'essaie de ne pas oublier ton envie ...
RépondreSupprimerLa seule différence que j'observe entre ses confitures et les tiennes, c'est que tu mets de la vanille liquide là où elle met de la vanille en gousse. Mais je ne doute pas de la perfection de tes confitures et je mets ton message sur le compte de la modestie!
RépondreSupprimerVoilà maintenant que tu nous psychanalyses les confitures ! je n'avais ja:ais envisagé de voir les confitures sous cet angle-là ! J'adore faire des confitures, c'est toujours un immense plaisir de les faire seule ou avec l'aide de mon mari ... quant au petit morceau d'amitié partagée et à la tendresse à déguster, oui, mille fois oui !
RépondreSupprimerEn fait , ne passant les fruits au blender, ce n'est pas une gelée que tu as faite , mais une marmelade !
RépondreSupprimerOui Catherine, tu as raison sur le fond car pour faire une vraie gelée il faut un système de cuisson à la vapeur que je n'ai pas trouvé encore ! on m'en a prêté mais je n'arrive pas à l'acheter
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