samedi 16 juillet 2011

LA VIEILLE DAME INDIGNE

Article écrit depuis longtemps 
et dédié à nombre de celles qui me lisent et qui se reconnaitront
 ... Même si la photo ne leur ressemble guère ! à l'époque de René Allio on était vieille très tôt !

Fascinée par le film de René Allio ou par la chanson de Jean Ferrat, voire par les deux, maman avait décrété vers la cinquantaine qu'elle rêvait de devenir une "vieille dame indigne". Je ne comprenais pas trop ce qu'elle entendait par là et ne voyais guère l'intérêt de cette métamorphose, rêvant pour ma part plutôt d'être une "adorable petite mamie", de celles qu'on compare aux petites pommes ridées de nos clayettes et dont on vante la patience et la douceur, les gâteaux succulents et les broderies raffinées.

J'avoue avoir changé de style et compris depuis ce que cette récrimination sous-entendait ! Quant à mes images d'Épinal de la vieillesse, elles ont pris un coup dans l'aile dans un monde où l'on n'a plus le droit à la lenteur, où il faut se tenir au fait des évolutions de la high-tech en temps réel sous peine d'être vite dépassé, où il est de bon ton de rester sexy malgré les dégâts des ans et où, délire sécuritaire et prétention de tout maitriser se conjuguant, on doit "assurer" jusqu'à la fin.

Assurer... Parlons-en ! Quand nous étions jeunes, nous assurions en obéissant, sans rien remettre en cause, à des parents qui n'hésitaient pas faire preuve d'autoritarisme, ce dernier n'ayant ni mauvaise presse, ni mauvaise réputation. Nous étions des "enfants sages", nous fûmes des adolescents plus ou moins révoltés, mais toujours en restant dans les limites requises pour éviter les drames. Il fallait nous excuser, justifier nos manquements, bref rien de bien épanouissement pour l'ego.

Plus tard, jeunes adultes, nous avons tenté de faire notre métier de "parents nouvelles normes" en jonglant avec les valeurs que nous avaient inculqué nos parents dont nous avions soigneusement gommé les sanctions, et une attention démesurée aux états d'âme de nos tout-petits. Expliquer, justifier le pourquoi de nos décisions, faire comprendre, et ensuite et toujours, donner l'exemple. Car comment prêcher des valeurs sans en être les premiers adeptes.

Nous avons géré nos couples au mieux, convaincus qu'il fallait parler pour progresser, démêlant, débrouillant les innombrables chausse-trappes qui jalonnent une vie conjugale. Nous avons divorcé intelligemment, entre gens de bonne compagnie, maintenu notre couple vaillamment, fiers de la prouesse de la durée dans un univers où la cellule familiale est de plus en plus recomposée. Bref, là encore nous avons fait au mieux, avec force efforts de compréhension et d'ouverture d'esprit.

Il en est parmi nous qui ont accepté des responsabilités, au service des uns et des autres. Et l'ambiance les contraint à s'expliquer sans cesse, à justifier ce que les médias ou la rumeur publique nomment leurs erreurs, leurs faux-pas, alors qu'ils pensaient faire pour le mieux. De volontaires, ils se trouvent montrés du doigt, cloués au pilori et présentent leurs excuses !

Il finit, l'âge avançant, par nous venir une lassitude... surtout quand on est porté de bonnes intentions. Ce travail permanent de disculpation sous-entend finalement qu'on a passé sa vie à se sentir coupable et à tenter de démontrer qu'on ne l'était pas. C'est peut-être cette usure qui finit par engendrer l'effet "vieille dame indigne".

Se poser enfin face aux censeurs, sans complexes, ne plus se faire du souci et des idées noires parce qu'on vous critique ou que vous vous sentez incompris. Sans pour autant devenir péremptoire ou cassant, ni même forcément égoïste. Quoiqu'un peu d'égoïsme ne soit pas forcément dramatique en l'espèce. Continuer à agir selon ses valeurs, du moins qu'on peut, mais sans l'assortir de fleuves de démonstrations de bonne foi. Avoir, enfin, confiance en soi, et ne plus affronter des censeurs supposés omniscients en tremblant de ne pas être reconnu, légitimé. Cesser de s'excuser, de se justifier et d'avoir mauvaise conscience dès qu'on dit "non". Et surtout, ne plus être affecté par les piaillements de ceux qui prétendent nous juger, et, dans la foulée, nous condamner.





On se marie tôt à vingt ans
Et l'on n'attend pas des années
Pour faire trois ou quatre enfants
Qui vous occupent vos journées
Entre les courses la vaisselle
Entre ménage et déjeuner
Le monde peut battre de l'aile
On n'a pas le temps d'y penser

Faut-il pleurer, faut-il en rire
Fait-elle envie ou bien pitié
Je n'ai pas le coeur à le dire
On ne voit pas le temps passer

Une odeur de café qui fume
Et voilà tout son univers
Les enfants jouent, le mari fume
Les jours s'écoulent à l'envers
A peine voit-on ses enfants naître
Qu'il faut déjà les embrasser
Et l'on n'étend plus aux fenêtres
Qu'une jeunesse à repasser

11 commentaires:

  1. Bonsoir Michelaise. Je ne suis guère présente sur le net en ce moment mais je suis vraiment heureuse d'avoir lu cet article. Tu y énonces tant de vérités... C'est une belle leçon de tolérance que tu offres, avec les encouragements qu'il faut et, il est vrai que comme tant d'autres sans doute, je me sens très concernée.
    Nous avons de la chance que tu aies ce talent d'écriture et cette facilité apparente à analyser des situations que nous vivons au quotidien (ou presque)
    Merci :-)

    RépondreSupprimer
  2. Si je me reconnais ?
    enfin pas trop sur cette photo !
    et vlan, encore une larme, parti trop tôt ce Jean Ferrat......
    encore un joli billet, que je ne me lasse pas de lire...

    RépondreSupprimer
  3. On a presque perdu un grand frère quand il est parti Monica... la photo c'est juste une question d'époque, on "fait" jeune tellement plus longtemps... mais le coeur qui bascule vers plus de nonchalance, ça, il faut que cela nous arrive !! vite...
    Oxy, tu fais bien sûr partie des principales destinataires de ce billet !

    RépondreSupprimer
  4. Il y a aussi de vieux hommes indignes et je confirme que c'est très agréable !

    RépondreSupprimer
  5. Je me suis reconnue bien sur !

    D'ailleurs, j'ai commencé très jeune à être une vieille dame indigne, si tu as besoin de tuyaux...
    En attendant, et comme il se fait tard pour développer, je te mets cinq étoiles à ton billet.
    J'adore la chanson de Ferrat.
    Bises !

    RépondreSupprimer
  6. Franchement je ne me reconnais pas beaucoup!
    Certainement certaines expériences qui me font voir la vie autrement.
    Qui m'ont appris à savoir dire non,à passer pour mal élevée.
    A profiter de la vie et ne plus se sentir d'obligations du moins pour ceux et celles qui n'en valent pas la peine
    Mon naturel était entrain de me rattraper ...
    Je sais que tu ne vas pas croire un mot de ce que ce je suis entrain d'écrire.
    Toue simplement je fais un tri ce qui vaut la peine et ce qui ne vaut pas le peine et là tout est relatif

    RépondreSupprimer
  7. Bien vu, bien dit et bien écrit...
    Ferrat a marqué toute une génération et, apparemment, la transmission de beaucoup de ses chansons est faite.

    J'aimerais revoir le film d'Allio. A qui comparer ce réalisateur aujourd'hui ? Peut-être à un autre marseillais, Guédiguian. Ce dernier m'a déçu après Marius et Jeannette mais j'attends beaucoup des Neiges du Kilimandjaro qu'il a présenté à Cannes.
    A l'heure où beaucoup ont l'indignation sélective et orientée (Hessel a passé la semaine à Avignon sous les flashes des photographes) cette Vieille dame indigne nous rappelle, comme tu le soulignes, une certaine idée des valeurs à maintenir, à transmettre. Envers et contre toutes les modes de l'esprit, quant ce ne sont celles du corps...

    RépondreSupprimer
  8. Hi Hi Françoise, tu ne dis pas toujours non, parfois aussi, mêmes causes, mêmes effet, tu dis "oui" à Mimile et tu l'envoies casser ses essieux sur les marches de la cité de la Vierge Noire !! Et bien sûr, pourtant, je ne crois pas un mot de ce que tu écris car je te sais si "bien élevée" que c'en est un poème !! et ta bonne éducation n'est pas prête à ficher le camp, mais tu es "sur la bonne voie", en progrès, peut mieux faire !!
    Roberto, déçue aussi par le guédiguain d'après marius et jeannette, savais pas pour les nieges ! tu l'avais compris, l'indignation de ma vieille dame n'était pas celle de Hessel, bien au contraire, elle était celle des soumis et des porteurs de flambeau, qui, un jour, s'insurgent contre leur rôle par trop ingrat, et ont envie de vivre, mais sans égoïsme, sans aigreur, sans revendication, naturellement et en respectant les autres, tout en s'en faisant, enfin, respecter !!

    RépondreSupprimer
  9. Robert et Lulu, je suis certaine que vous entre dans la tentative de définition ci-dessus, merci pour les étoiles Lulu !!

    RépondreSupprimer
  10. Content de trouver là un hommage à Sylvie !!!

    RépondreSupprimer
  11. Vous avez raison Avignon, j'aurais dû préciser que l'actrice qui a vu, à 80 ans, sa carrière propulsée sur le devant de la scène, mérite notre admiration : Louise Sylvie a enfin connu le succès grâce à ce film

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...