vendredi 12 août 2011

LEGENDE MICHELAISE

Je vous parlais il y a peu du clocher de l'église et du château Bardon. Quoi de plus "exotique" que de vous conter maintenant, moitié vérité historique, mâtinée d'enquête policière, moitié invention pure, la légende de la grotte de Matata. J'ai rédigé ce billet à partir de "L'empoisonnement du prince de Condé (1588) Henri IV, Charlotte de la Trémoille et son page par René de La Bruyère, Paris, 1932" et de "Royan et la côte de Saintonge par J.R.Colle, La Rochelle 1958" qui relate la légende inventée par Paul Dyvorne à propos des grottes de Matata.

A la fin du XVIème siècle, Charlotte de la Trémoille, princesse de Condé, était propriétaire de Château Bardon, qui domine Meschers. Elle y venait de temps en temps avec un de ses pages, Permilhac de Belcastel.
Le 3 mars 1588, le prince Henri de Condé, son époux, chef des armées protestantes mourut subitement au château de Saint Jean d'Angély. Les médecins qui pratiquèrent l'autopsie conclurent à l'empoisonnement. Sa veuve fut accusée du forfait avec la complicité de son page et de son intendant Jean Ancelin du Brillaut. C'est d'ailleurs ce dernier qui, mis à la torture, accusé la seconde femme du disparu d'avoir attenté à la vie de son époux, avec la complicité du page, par haine personnelle et sous l'influence des agents de la ligue. Ils furent tous les trois condamnés à mort .  Charlotte avait 20 ans et les soupçons d’empoisonnement étaient fréquents dans l’entourage du roi !
Brillaut fut exécuté. Il retira d'ailleurs ses aveux avant l'exécution. La princesse, enceinte, fut mise en étroite surveillance et mis peu de temps après au monde celui qui devait être le père du Grand Condé. Graciée par Henri IV, qui reconnut la légitimité de l'enfant, innocentant ainsi l'accusée, du soupçon d'adultère, elle revint à la cour.

 Cette statue priante a été commandée par Henri II de Bourbon, prince de Condé (1588-1646), pour l'église du couvent de l'Ave Maria à Paris, par contrat passé avec le sculpteur le 13 décembre 1629. C'est à dire l'année de la mort de sa mère, Charlotte de la Tremoille. Elle surmontait la clôture d'une chapelle. La description primitive du tombeau est connue par un dessin de la collection Gaignières. Le monument funéraire sera détruit sous la Révolution. La statue, affectée au Musée des Monuments français en 1795, sera placée sur le cénotaphe de Claude Catherine de Clermont, duchesse de Retz. Elle ira rejoindre Galeries historiques de Versailles en 1834, sous le nom de Claude Catherine de Clermont. Mais il s'agit en fait du portrait de la princesse de Condé (extrait de Insecula)

Monsieur de La Bruyère, se livrant comme notre Lulu sorcière à l'examen attentif des pièces du procès conclut, après une étude approfondie des diagnostics respectifs des médecins, que le prince succomba à une péritonite résultant d'une ulcération duodénale-pylorique, mal soignée à une époque où les médecins ne connaissaient pas la pathologie et l'étiologie de cette maladie, qui ne fut découverte qu'en 1830. Cependant la conduite de la princesse et surtout la fuite de Permilhac laisse encore planer le doute.
Le page disparut et ne put être retrouvé. Et c'est à partir de là que naquit la légende michelaise. On prétend qu'après avoir séjourné quelques nuits dans les bois aux alentours de Saint Jean d'Angély, Permilhac vint se réfugier dans les grottes de Meschers, qu'il connaissait bien. Il y resta tapi longtemps. Un matin de mars, au lever du soleil, comme il passait près d'un moulin, le meunier le surprit et lui demande brusquement son nom. Il jeta, au hasard, un mot latin, matuta, c'est à dire l'aurore. Ce nom mal compris se serait transformé en Matata.


Il gagnait péniblement sa vie en vendant des crevettes. Comme on ne le voyait presque jamais, il passait pour sorcier. Le meunier de la falaise qui l'employait ne voulut plus de lui. Il se fit alors galochier et fabriqua des sabots de bois, seul dans sa grotte. Matata le sorcier vécu ainsi de nombreuses années. En 1632, il avait alors dépassé la soixantaine, eut lieu à Meschers une importante cérémonie. Le Seigneur du Château Bardon, qui venait de mourir, avait légué une cloche à l'église. L'histoire ne dit pas s'il s'agit de Jeanne Léone Marie Clotilde, mais toujours est-il que Permilhac, alias Matata, n'aurait pas assisté au baptême de la cloche, ce qui aggarava sa réputation de sorcier et il n'en fallut pas plus pour persuader la population qu'il était un suppôt du diable. Plus personne ne lui commanda de galoches.
Le brillant Permilhac était devenu un misérable vieillard qui allait, mendiant de ferme en ferme et parfois jusqu'au château où il avait connu des jours heureux. Il passait par le village des Roches où habitait une brave femme, la Cadette, qui passait pour hérétique. Les deux malheureux s'étaient liés d'amitié et se soutenaient dans leur misère réciproque.
Au mois de mai 1645, certains habitants de Meschers décidèrent de se débarrasser de ces deux "marginaux". Alors que la Cadette descendait l'escalier en colimaçon de la grotte pour apporter un peu de pain au vieillard, des excités accoururent et, après avoir détruit l'escalier, ils comblèrent la grotte de terre et de pierres. On dit que, le crime accompli, les bandits s'éloignèrent en bramant des chants d'exorcisme. Pendant les jours qui suivirent, le meunier de la falaise entendit des cris sourds, des appels désespérés puis des plaintes d'agonisants. Il n'ose rien faire et abandonna son moulin.


Il parait que, lorsqu'on fit les travaux d'aménagement de la grotte, on mit à jour en la déblayant des ossements humains : les restes, à n'en pas douter, de la bonne Cadette et de Permilhac de Belcastel !!!
Quant au Château Bardon, il fut vendu par Charlotte en 1595 à Gilles du Breuil du Théon, et les descendants de ce dernier l'ont conservé jusqu'en 1839. Le bâtiment actuel est postérieur au drame qui nous occupe puisqu'une aile fut élevée en 1615, l'autre en 1740. On ne le voit guère derrière les hauts murs qui le cernent et c'est une excellente source de légendes locales.

4 commentaires:

  1. Merci pour cette légende qui démontre, s'il était encore besoin de le prouver, que l'injustice et la cruauté sont les filles de la rumeur. Il s'est passé de terribles événements dans des lieux qui apparaissent aujourd'hui idylliques!
    Anne

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  2. Elle a donc accouché en prison si j'ai bien suivi?
    A l'époque il valait mieux ne pas se prénommer Charlotte,car il me semble bien que Henri II de Condé a lui aussi été emprisonné et qu'il a demandé à ce que sa femme prénommée Charlotte (décidément) le rejoigne et elle aussi accouchera en prison.
    Je dis bien il me semble

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  3. Est-ce vraiment une légende ? en tous cas tu es si convaincante qu'on y croit dur comme fer euh bronze en raison de la cloche !

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  4. Entre légende et réalité Robert et Anne, une partie est vraie l'autre est inventée !!
    Alors Aloïs, le Henri dont tu parles, le II, est justement le fils de Charlotte de la Trémoilles né en prison et légitimé par Henri IV qui a gracié sa mère, donc lui a "redonné" sa filiation légitime. Il a épousé Charlotte de Montmorency qu'Henri IV lui a "donnée" mais qu'il convoitait. Il comptait sur la complaisance de Henri II, qui ne l'entendait pas de cette oreille et qui est parti se réfugier à Bruxelles avec son épouse. Ensuite Henri IV est mort et Henri Boourbon a pas mal intigué. Il est en effet resté emprisonné plusieurs années à La Bastille (de 1616 à 1619). Leur fils Louis II (le Grand Condé) est né en 1621, donc ce n'est pas lui qui serait né en prison, si mes dates sont exactes, mais il y a une fille ainée, Anne Geneviève de Bourbon Condé qui est née en 1619. Si les dates de l'emprisonnement d'Henri II sont bonnes, elle a forcément été conçue en prison, donc, CQFD, Charlotte y a bien rejoint son époux ! Ouf !!! donc ton souvenir est bon...

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