Depuis que nous hantons les églises romanes, son nom nous poursuit, surtout dans le Languedoc ou le Roussillon où s’est développé l’essentiel de son activité. Le Maître de Cabestany, sans doute un atelier plus qu’un sculpteur individuel, a été identifié dans les années 30 à la suite de travaux d’agrandissement de l’église paroissiale de Cabestany. La découverte, incrustée dans un mur, d’un tympan en marbre blanc représentant des scènes de la vie de la Vierge d’une étonnante qualité de ciseau a amené les historiens de l’art à se pencher sur l’artiste qui avait réalisé cette œuvre et, après inventaire de ses caractéristiques et traits particuliers, à identifier d’autres œuvres qui lui furent attribuées sous le nom de Maître de Cabestany. Ces œuvres sont pour la plupart situées dans les actuels départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ainsi que dans le nord de la Catalogne et en Navarre. Mais quelle ne fut notre surprise plus tard d’apprendre lors d’une visite à Sant’Antimo en Toscane (Montalcino près de Sienne) que les lions stylophores du portail principal et un chapiteau lui avaient été attribués. Au total, 121 pièces sculptées ont ainsi pu être données au Maître ou à son atelier à travers toute l’Europe.
Cet artiste itinérant, catalan, italien ou tout simplement languedocien,
allait, avec son équipe, de chantier en chantier et laissait des œuvres sculptées,
plus ou moins importantes selon les commandes et dont le style inimitable
permet de les identifier avec une grande certitude. C’est ce qui nous a le plus
frappé car ayant eu l’occasion d’en admirer certaines, il nous est souvent
arrivé par la suite de nous dire « Tiens, cela ressemble à un « Cabestany » »
et de voir notre impression confirmée par les attributions officielles.
Le vigoureux tempérament de l’artiste, peu influencé par les modes contemporaines, sa «brutalité» et sa «sauvagerie» même, n’appartiennent qu’à lui et le caractérisent nettement. Les visages triangulaires aux yeux nettement affirmés, ovales et globuleux, soulignés au trépan, au nez à l’arête tranchante, les oreilles larges et décollées, les mains démesurément allongées, les proportions trapues dont il dote les corps des personnages, équivalent à une véritable signature. Sa façon de remplir l’espace qui était confié à son ciseau est un autre indice qui ne trompe pas. Certes son bestiaire et l’emploi du trépan sont empruntés à l’art roman du Roussillon, les acanthes des chapiteaux et les modillons à copeaux doivent tout à la sculpture toulousaine. On distingue même parfois, comme dans le sarcophage de St Sernin, une inspiration antique mais le style reste très personnalisé, et on reconnait la main de cet artiste avec certitude dès lors qu’on le connait un peu. Sa pierre décline une fantaisie, une liberté d’expression, une maîtrise des volumes et des jeux de rythme qui confèrent à son œuvre une puissance intemporelle et quasi universelle.
On suit sa trace en Navarre, on le retrouve à Barcelone, à Gérone, au
Boulou, à Cabestany, puis à Saint-Hilaire, près de Carcassonne, à Saint-Papoul,
près de Castelnaudary, à Lagrasse enfin, et donc, tout récemment en Toscane.
Cela permet aux historiens de penser qu’il ne s’agit pas d’un artiste
solitaire, mais bien plutôt d’un atelier. Il y a forcément eu un sculpteur
exceptionnel à la forte personnalité, mais entouré de nombreux compagnons et
apprentis. De plus, de jeunes sculpteurs formés sur un chantier ont pu partir
travailler sur un autre. Des phénomènes de diffusion, des relations d’influence
se seraient ainsi produit et épanouis d’autant plus fortement que la plupart
des œuvres attribuées au maître sont géographiquement proches.
L’inspirateur de cette école pourrait, selon les études récentes, être un moine, attaché à des équipes d’architectes et de bâtisseurs bénédictins, qui quittaient une abbaye pour aller en fonder une autre, comme le firent après eux les Cisterciens. Une théorie que tend à conforter la connaissance iconographique, biblique et artistique du maître de Cabestany, et sa familiarité avec le dogme religieux : par deux fois, par exemple, au Boulou et en Toscane, il représente le bain de l’enfant, un thème qui ne relève pas des Écritures, mais de textes apocryphes, ou sculpte Daniel dans la fosse aux lion, à Saint-Papoul, à Rieux en Minervois, et à Sant’Antimo, épisode de l’Ancien Testament souvent peu connu des simples tailleurs de pierre.
-
Oui Michelaise, et alors ?? Tu es allée en
Minervois ces derniers temps ?
-
Que nenni mes amis, mon dernier voyage là-bas date de
quelques automnes !!
-
En Castille ou en Navarre peut-être ?
-
Oh que non, vous savez que l’Espagne n’est pas trop
notre tasse de thé… non qu’on ne l’aime pas, mais à choisir, on lui préfère
toujours d’Italie.
-
Ah… c’est vrai. Alors tu es allée récemment à
Montalcino, en Toscane.
-
Oh, je le voudrais bien mais voilà une paye que nous n’avons
pas fait de virée en Toscane, il me semble que les filles avaient une dizaine d’années
lors de notre dernier séjour siennois.
-
Mais alors Michelaise, qu’est-ce qui te prend avec ton
Maître de Cabestany, tu fais la savante, tu pontifies, tu prends des poses ??
-
… mais non ! J’ai décidé aujourd’hui de faire du
chiffre.
-
Voyons, tu rêves, avec un obscur sculpteur roman ?
-
Mais non, avec Cabestany. Vous savez combien le matin,
surtout sous ma douche, j’ai des hallucinations auditives. Et ce matin, voilà t’y
pas que j’entends parler du maître de Cabestany. Mon oreille s’échauffe, mon
attention s’éveille, et le temps que je réalise, j’en suis à un charmant
couplet sur un futur mariage, donc chacun sait qu’il sera invalide mais dont
tous se réjouissent hautement car il est supposé faire avancer nos mœurs. Là, j’avoue
que je ne sais pas ce qu’il faut en penser ou en dire, mais pour un « t »
de trop, l’affaire est trop juteuse, je me dis que cela vaut bien un billet
qui, j’en suis certaine, aura plus de visiteurs que mes articles de bric et de
broc !! De lecteurs, rien ne peut me l’assurer, mais je vous tiens au
courant, je sens que je vais battre des records, même la mique sarladaise va
être supplantée !
En Toscane, dis-tu, eh bien on va noter le nom de Montalcino et l'encadrer en rouge, car ni de ton maître sculpteur, ni de cette localité, je n'en avais entendu parler!!! Pour le reste, je partage ton avis sur l'Espagne! Et pour faire grimper ton audimat, je crie : "Vive les mariés"!!!
RépondreSupprimerD'actualité car en ce moment, et ce jour surtout, il y en a un autre qui se prend pour le Maître et qui depuis les régionales ne sait plus que faire pour exister...Sourire...
RépondreSupprimerMoi, qui ne suis pas de très près l'actualité, j'ai pensé : "tiens, Michelaise va parler d'un village de mon "pays", super !"
RépondreSupprimerPar ailleurs, je ne connaissais pas le Maître de Cabestany et ses oeuvres merveilleuses.
Bises et bon dimanche.
Norma
Alors, t'as fait du chiffre ?
RépondreSupprimerBises du matin ensoleillé.
A bientôt.
Oh ma pauvre Danielle, Cabestany a fait flop, pas terrible le compteur !!!!
RépondreSupprimerBonsoir Michealaise. Très occupée les jours derniers j'ai perdu le fil des blogs et de l'actualité...
RépondreSupprimerEn tout cas, quelles que soient tes motivations pour écrire cet article, j'avoue m'être régalée. C'est très intéressant et je suis heureuse d'avoir fait la connaissance de ce maître Cabestany. Je trouve ça remarquable d'avoir su créer des personnages aux traits inhabituels et d'avoir ainsi inscrit sa "marque de fabrique" pour la postérité.
Bises et bonne soirée. Bonne semaine aussi :-)
Bouh !!! Tu vois faut pas essayer de comprendre, il faut faire comme on a envie :-)))
RépondreSupprimerBises du soir.
Tu as raison Oxy ce qui est passionnant dans le maitre de Cabestany c'est "d'avoir su créer des personnages aux traits inhabituels et d'avoir ainsi inscrit sa "marque de fabrique" pour la postérité."
RépondreSupprimerEh eh Danielle que oui, vaut mieux pas s'inquiéter des effets statistiques, à moins d'être vraiment doué !! Les effets "retour" ou lecture sont imprevisibles, sauf à faire métier de se vendre ! Par exemple jaroussky est 10 fois plus lu que Cabestany !!! Ouf tout de même, et même si mon billet n'est pas tendre...
Le maître de Cabestany ????
RépondreSupprimerLes effets statistiques ????
Le mariage à Cabestany ????
On en apprend toujours chez toi et c'est le principal !
je vais faire tourner le compteur plus 3 ans après la publication de cet article. Je reviens d'un voyage "sur les traces de Cabestany" en Languedoc-Roussillon et Catalogne. nous avions étudié le Maître en histoire de l'art cette année. Avant ça, jamais entendu parlé de ce maître. Maintenant, je pense que je saurais reconnaître la main du maître mais aussi des marbriers roussillonnais qui lui sont antérieurs ( d'après mon prof" et dont il se serait nourri.
RépondreSupprimerVous ne pouvez pas savoir ce que votre commentaire me fait plaisir, c'est drôlement agréable de savoir qu'on est lu, surtout par quelqu'un que le sujet intéresse vraiment !! Merci de l'avoir écrit ...
SupprimerJ'ajoute, mais vous l'aviez sans doute trouvé, que le mariage auquel je faisais allusion était celui "inventé" avant la récente loi par le maire de Cabestany... tout va si vite qu'on ne sait plus trop, trois ans plus tard, à quoi je faisais allusion ! Quant à mon article, il n'a, bien sûr, pas fait le buzz !!!!
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