Après l’Odéon, le Roméo et Juliette d’Olivier Py est parti en tournée. Un Shakespeare à La Rochelle, cela ne se rate pas, d’autant que Py nous a, parfois, agréablement surpris. Certes l’argumentaire aurait dû nous alarmer : quand un metteur en scène prétend dépoussiérer, rajeunir, réinventer une pièce qui a fait ses preuves, et ce, depuis des siècles, il conviendrait d’être méfiant. Mais Roméo et Juliette se prête volontiers à une grande liberté de mise en scène tant son histoire est éternelle et, partant, turbulente, juvénile, contrastée… alors allons pour la réinvention.
Py, qui prétend qu’on connait mal la pièce, a
pris les choses très au sérieux et a commencé par la retraduire. Qu’il ait
préféré qualifier un jeune homme de « fils de pute » au lieu du plus
édulcoré mot de « faquin » (au demeurant délicieux à entendre !!),
pourquoi pas : on sait que la langue de Shakespeare était verte,
vigoureuse et, dans certaines scènes, ne s’embarrassait guère d’hypocrisie
sociale. Mais qu’à force de libertés on ne reconnaisse quasi pas ce qui fait la
poésie, l’inventivité, la richesse de ce texte finit par être exaspérant.
Mais là n’est pas le pire. Passe encore le décor :
Py affectionne les machineries type échafaudage que des assistants besogneux
trimbalent sans arrêt d’un coin à l’autre de la scène : cela tient du tic
ou de la manie, mais on peut le supporter. Qu’ils transportent avec autant de
constance des tables dépareillées, les alignant et les mélangeant, les allumant
de quelques vagues lampions, relève de la même affectation, très tendance, de décors
minimalistes. Mais on ne peut s’empêcher d’avoir une vague inquiétude en voyant
dès l’entrée un pianiste vêtu d'une tenue militaire, des palmiers postiches et un rideau
de néons blancs au fond d'un plateau quasiment nu. On se dit qu’il ne faut pas
avoir d’a priori et l’on se morigène pour plus d’ouverture d’esprit. La pièce
peut commencer.
Et là, c’est confus, brouillon, terriblement
gratuit, même si monsieur Py prétend avoir une vision originale de la pièce. Il
entend nous démontrer que « s’ils s’aiment, ces deux amants sublimes,
c’est parce que leur amour est impossible. Ce n’est pas malgré le monde, la
société, les préjugés, l’hostilité entre leurs deux familles ou leurs propres
penchants qu’éclate le coup de foudre – c’est bien plutôt à cause de tous ces
obstacles ».
Pourquoi pas, mais de là à en faire des pantins désarticulés
et surtout sans âme, qui s’agitent avec un tel entêtement qu’on ne voit plus
que leurs cabrioles au détriment du texte, il y a un pas trop aisément franchi
par Py. Qu’il ait voulu débarrasser la pièce de son romantisme jugé par trop banal,
cela se comprend aisément même si, bien joué et mis en scène avec goût, cette allégorie
archétypale de l’amour contrarié et tragique conserve, quoi qu’il arrive, un
charme infini. Mais de là à se vautrer dans un expressionnisme effréné, qui
gomme tout sentiment, qui barbote dans le cru et le vulgaire, qui surtout dépouille
le texte de Shakespeare de ce qui fait son enchantement, cela n’a plus aucun
intérêt. Sauf à prétendre que le public est trop sot pour supporter du beau
texte et les envolées lyriques de l’auteur élisabéthain, rien ne justifie de
nous donner à entendre cette bouillie sonore. Mal dite même si les acteurs font
ce qu’ils peuvent : les bruits annexes, les déplacements de décor, les essoufflements
qui les prennent tant ils sautent et s’évertuent à escalader tables et boîtes,
finissent par brouiller durablement l’audition. Au point qu’on s’ennuie et que,
faute de pouvoir s’endormir, on n’a qu’une hâte : en finir avec toute
cette agitation.
Mais le pire est, qu’à force de craindre de tomber dans le romantisme et le sentimental, Py finit par obscurcir le discours. Et je me suis dit plusieurs fois que si je n’avais déjà entendu Roméo et Juliette, j’aurais eu du mal à suivre et à comprendre. Les événements nous sont balancés dans la figure de façon tellement dépouillée qu’on ne sait plus où l’on en est, et cette mise en scène totalement dénuée d’émotion se révèle vite indigeste. Si Shakespeare se montrait volontiers paillard et drôle, sa pièce est cohérente, construite, savante dans sa progression dramatique. Avec Py, rien de tout cela : étourdis par sa mise en scène crue et scabreuse, on ne croit plus du tout aux sentiments des amants. On ne croit plus à plus rien d'ailleurs, tant notre attention se disperse. D'autant que certains acteurs jouent plusieurs rôles. Ce qui manque singulièrement de crédibilité, surtout quand les hommes endossent des personnages féminins.
Mais par dessus tout, je défie quiconque n’a pas lu ni
entendu la pièce auparavant de comprendre que Juliette aime Roméo, et que ce
dernier l’idéalise, l’adule, la rêve et l’invente… L’âpreté du langage, la
violence des protagonistes, leurs outrances gestuelles, l'affirmation forcenée d'un réalisme exacerbé n’apportent
rien à la pièce et en détruisent insensiblement, mais sûrement, le charme.
Il
est de bon ton de crier au miracle, de saluer l’inventivité de Py, mais je suis
désolée, j’étais venue voir Shakespeare et ce méticuleux travail de déconstruction pour
réappropriation à son profit exclusif m’a fortement déplu. Il n’avait qu’à
écrire une pièce dans laquelle il aurait, "dans le genre de", réinventé l’histoire
des amants de Vérone. D'autres l'ont fait, et avec talent ! Car il est plus qu'évident que ce qu'il nous raconte, cette agitation incessante, cet amour violence, cette façon de tout mettre sur le même plan, de zapper d'un sentiment à l'autre, d'une situation à l'autre, c'est un peu de notre civilisation qu'il expose. Et, en tant que tel, ce n'est pas sans intérêt, mais ce n'est plus tout à fait du Shakespeare. Nous avons fui à l’entracte, lassés par les facéties
gratuites des acteurs, les caricatures un peu veules, les facilités de bas
étage du metteur en scène et surtout par l’absence totale d’émotion d'un texte qui, d’ordinaire,
prend aux tripes !
Aliénor est passionnée par Shakespeare depuis quelques années.
RépondreSupprimerPour lui faire plaisir je suis allée au théâtre de l'Odéon en septembre pour prendre des places pour Roméo et Juliette. Au moment de payer la jeune fille m'a demandée l'âge d'Aliénor et m'a suggérée de renoncer à cette pièce qu'elle m'a décrite comme "trash"...j'ai répondu "gore" ? elle m'a redit non "trash".
Tu confirmes par ton billet.
Merci Mic' de nous avertir ! Et que c'est bien dit !
RépondreSupprimerJe suppose que Py prend très au sérieux ses futures fonctions de directeur du Festival d'Avignon. Comment succéder en effet à nos deux têtes pensantes actuelles sans donner dans l'abscon et le faux poil gratter ? Quand on a vu les mes mises en scène de Jan Fabre pour le théâtre ou d'Olivier Dubois pour la danse on ne peut assurer la continuité qu'en suivant le filon à la mode: irrespect de l'oeuvre et public (mais, flagellé, celui-ci à Avignon en redemande), jeux de scène déroutants de futilité et inutilité, décalage total entre le texte et les acteurs (que certains osent rapprocher de la "distanciation" que Brecht mettait parfois dans ses pièces), irruption probable du gogue glauque...Bref c'est bien parti pour nous tailler un joli succès chez nos amis les bobos toujours en manque de ce qui peut choquer, non les bourgeois, ils en sont, mais le public qui croit encore que le théâtre peut être une source d'enrichissement, de culture et de plaisir partagé...Hortense et Vincent nos deux emplumés qui vont encore sévir en 2012 doivent se trémousser d'aise: leur succession est assurée !
Et bien l'hiver peut être froid voici un monsieur Py habillé pour la saison !
RépondreSupprimermerci pour ce billet très éclairant sur cette pièce...
Bonne journée
Josette
Bon Evelyne, tu m'as incitée à me poser des problèmes de sémantique car j'avoue que j'avais tendance à entendre les deux mots (entendre seulement car j'ai du mal à les utiliser !!) à peu près de la même façon. Koka, consultée, m'a déjà moultes fois expliqué la différence mais j'avoue être un peu obtuse !!
RépondreSupprimerDonc (et Wikipedia m'a semblé une source suffisante !) :
Trash est un substantif anglais qui signifie corbeille à papier. Utilisé en tant qu'adjectif dans le langage courant, il qualifie une action ou un ouvrage, voire un personnage, physiquement sale, répugnant ou moralement malsain.
Le gore est un genre cinématographique et littéraire dérivé de l'horreur. Par extension, le mot gore est employé comme adjectif pour qualifier quelque chose qui est sanglant et violent.
Pas de doute la jeune femme qui te vendait les places avait bien le sens de la nuance, c'est plus trash que gore. Au total, pour ton Aliénor, je ne sais pas si cela aurait été très enthousiasmant. Le public rochelais était, le soir où nous y étions, composé en grande partie de jeunes amenés par les lycées. Et ils s'amusaient ferme des "saillies" de langage introduites par Py dans la traduction : c'est pour cela que je dis que c'est "veule car, de toute évidence, il s'agissait de plaire à un public jeune. De collégiens disait Alter... à mon sens, passé le collège c'est même plus drôle car ce qui faisait rire c'était l'impression de braver des interdits ! Donc vocabulaire cru, mais bon, même les jeunes filles bien élevées le connaissent ce vocabulaire, pas de quoi les choquer. Par contre, cette absence totale de sentiment, pour une pièce qui est en tellement remplie que souvent elle sombre dans l'excès inverse, le romantisme exacerbé, c'était décevant. Et elle aurait eu une vision un peu réductrice de Roméo et Juliette à travers cette lecture très personnelle de la pièce.
Roberto, c'est clair que le public, même "flagellé... à Avignon en redemande". Et si tu cherches des critiques de la pièce revue et corrigée par Py, tu verras qu'il est de bon ton de s'extasier sur son inventivité et sur sa hardiesse. Supposées d'ailleurs, car ce qu'il fait n'a rien de bien novateur et est, à mon sens, essentiellement complaisant. Il s'agit de plaire en choquant ou en faisant pousser de petits cris d'excitation factice et ça, c'est facile ! ça marche à tous les coups. Faire, avec des textes de qualité, des intrigues intéressantes, du "beau" qui plaise à tous, c'est beaucoup plus difficile. On va voir Ruy Blas mis en scène par Schiaretti dans quelques temps et là, je suis presque sûre qu'on aura ce qu'on peut appeler "un classicisme assumé", qui respectera Hugo, le texte, l'intrigue et le public !!! Tout en étant inventif.
RépondreSupprimerCeci étant, certains metteurs en scène prennent des poses, et le public, qui n'en peut mais et qui ne veut pas paraitre ignare, adoooooooooooore. Même si, souvent, il admet qu'il s'est ennuyé, voire qu'il a trouvé cela "étrange, original, bizarre". C'est dans la norme des tendances de tous temps, ce n'est pas propre à notre époque. Disons que Py est intelligent et que ce qu'il montre, c'est justement notre époque, dans tout ce qu'elle a de désespérant. Et cela, ça m'a heurtée, car j'aurais admis ce propos mais pas sous couvert de Shakespeare. "D'après Shakespeare" oui, mais "de" non.
Tu connais mon enthousiasme pour le In et ce n'est pas la nomination de Py qui va l'améliorer !!!
Josette tu as raison, moi qui me targue de ne pas être "méchante" dans mes billets, j'avoue que là, j'ai laissé libre cours à ma mauvaise humeur. Mais sans complexe car Py n'a pas besoin de mon soutien pour remplir ses salles et être propulsé vers de hautes destinées (la direction du Festival d'Avignon, ça fait une belle promotion tout de même). Quant je parle d'une petite troupe, d'une distribution modeste j'essaie de ne pas massacrer même si je n'ai pas aimé. Mais là, mon billet maussade n'est qu'une goutte d'eau dans un concert de louange parfaitement consensuel !! Il faut dire que mes commentaires sont encore pires que le billet, mais je n'aime pas quand on abime Shakespeare pour SE faire plaisir.
RépondreSupprimeralors?
RépondreSupprimerBon sens ou déraison?
Boh Monica, il faut savoir raison garder et monsieur Py s'est un peu éclaté !! enfin d'après mon bon sens !!!
RépondreSupprimerC'est toujours difficile de réagir à un spectacle que l'on a soi-même pas vu. Mais je trouve ton papier très nuancé et le ton de ta critique d'une très grande justesse. On voit que tu as vraiment tout fait pour donner sa chance à ce spectacle et que tu es partie quand la coupe était pleine! Les mots grossiers ne m'auraient pas gêné non plus, pour la simple et bonne raison que la langue de Shakespeare comme tu dis en est pleine, les personnages travestis non plus car c'est l'essence du baroque et à l'époque de Shakespeare, la plupart des personnages féminins étaient joués par des hommes, mais ce qui m'aurait débecté je crois, c'est cet expressionnisme effréné que tu décris dans un sens, et cet aplatissement du texte dans un autre, cette façon de tirer à hue et à dia Shakespeare et d'en faire une bouillie!
RépondreSupprimerAlors ça GF, on dirait franchement que tu as vu le spectacle ! c'est en effet "cette façon de tirer à hue et à dia Shakespeare et d'en faire une bouillie" qui m'a déçue et fait fuir !! expressionnisme effréné et aplatissement du texte comme tu le dis si bien !!! merci d'avoir si bien compris ce que je voulais exprimé, ça fait du bien car parfois on s'aperçoit qu'on s'est mal exprimé !!!!
RépondreSupprimerMerci pour ton billet Michelaise, la "pub" était alléchante mais même si cette troupe s'arrête près de chez nous, nous n'irons pas ! Ta description n'en donne vraiment pas envie ! Nous garderons cette éventuelle soirée pour un spectacle plus intéressant !!
RépondreSupprimerBises.
Dommage pas vrai Astheval parce que, quoi qu'on dise, Roméo et Juliette on a toujours envie de le voir et de le revoir. Ton ordi va mieux ?? et toi, moins surbookée ?
RépondreSupprimerCette version de Roméo et Juliette, mise en scène par Olivier Py suscite bon nombre de réactions, toutes très divergentes. Certains adorent, d'autres détestent. C'est pourquoi je voudrais ajouter un commentaire positif à cet article, pour équilibrer les avis sur cette pièce. Je n'ai pas pris en compte les commentaires (positifs ou négatifs) faits à propos de cette pièce pour acheter mon billet. Et je ne regrette pas. Je respecte les avis de tous, chacun est libre d’aimer ou pas. Néanmoins, j’ai plus de mal avec les critiques faites en ayant vu que la moitié de la pièce. Effectivement, la première partie ne fait pas dans la dentelle, il y a beaucoup de plaisanteries salaces. Je pense que pour voir cette pièce, il faut se débarrasser de tout a priori (sa réputation de pièce romantique, les critiques négatives faites sur cette pièce). Olivier Py est dans le vrai lorsqu’il dit que tout le monde connaît (croit connaître) l’histoire sans la connaître.
RépondreSupprimerPar ailleurs, beaucoup de critiques s’en prennent à la traduction d’Olivier Py, soit. Mais que ceux qui n’ont pas lu la pièce en anglais et sont incapables de traduire un anglais du 17e siècle (j’ignore si c’est votre cas Michelaise) s’abstiennent de tout commentaire à ce sujet.
Enfin, je ne suis pas non plus d’accord lorsque Olivier Py affirme que les amants s’aiment parce que c’est impossible. Mais c’est son interprétation, j’en ai une autre, nous sommes libre d’avoir notre propre interprétation à ce sujet sans que ça ne change quoi que ce soit à l’histoire.
Et pour insister sur le fait qu’il est important que chacun se fasse son propre avis sur cette pièce, j’ai pour ma part été impressionnée par la performance des acteurs, je n’ai eu aucun soucis à comprendre la pièce bien que plusieurs acteurs jouent plusieurs rôles (peut-être parce que, prévenue à l’avance, j’y ai prêté plus attention). Pour les rôles féminins joués par des hommes, nous savons tous que c’était le cas à l’époque de Shakespeare puisque les femmes n’avaient pas le droit de jouer. Enfin, j’ai ressenti l’émotion, l’amour de Juliette pour Roméo… Je pense déjà que leurs actes (mariages, suicides…) parlent d’eux même, et personnellement, l’émotion se faisait facilement ressentir sans avoir besoin de sombrer dans un pathos inondé de larmes et de cris de douleur.
Enfin, je tiens à préciser que pour me décider à acheter mes billets, j’ai oublié toutes les critiques que j’avais lu sur cette pièce, puis visionné deux pièces d’Olivier Py : Les enfants de Saturne que je n’ai pas aimé, mais dont les explications de l’auteur m’ont intéressées ; et Illusions comiques, que j’ai beaucoup aimé. J’ai pris le risque d’acheter ma place et j’ai passé une excellente soirée, avant et après entracte, car oui, je fais ma critique en ayant vu la pièce dans sa totalité. Et je trouve dommage de renoncer à voir la pièce à partir d’une seule critique faite sur un blog.
Absolument ravie d'avoir un commentaire qui me donne la contradiction Mélanie !! Votre point de vue, très bien argumenté, est complet et convaincant. Pas question d'empêcher quiconque d'aller voir Py, vous avez raison. Et c'est vrai que notre fuite à l'entracte ne fait pas de nous des références ! Je suis enchantée que les lecteurs du billet aient, grâce à vous, une autre opinion, et ils décideront au vu du spectacle !!! C'est ainsi que la critique "vit" !!
SupprimerQu'on critique un spectacle, je veux bien. Je ne suis d'ailleurs pas une inconditionnelle de cette mise en scène. Mais alors qu'on le traîne dans la boue ainsi sans avoir fait l'effort de comprendre la démarche du metteur en scène, ça me met sur les nerfs. Premier exemple, vous écrivez : "certains acteurs jouent plusieurs rôles. Ce qui manque singulièrement de crédibilité, surtout quand les hommes endossent des personnages féminins." Il est pourtant évident que faire jouer plusieurs rôles à un même comédien n'est pas anodin et crée du sens, en l'occurrence le fait que Quentin Faure soit Tybalt et Lady Capulet me semble souligner un lien évident entre eux. Avez vous lu Roméo et Juliette? Si tel est le cas rappelez vous de Lady Capulet : elle ne jure que par son neveu. Elle est bien plus bouleversée par cette mort-là que par celle de sa propre fille, et elle se fiche d'ailleurs royalement de ce que Capulet son mari peut bien faire de Juliette, la marier à Paris ou la mettre à la porte, elle se soumet. En revanche, quand il s'agit de crier vengeance pour Tybalt, on l'entend déjà beaucoup plus. Vous en tirerez les conclusions que vous voulez, pensez qu'elle l'aurait voulu pour fils ou bien allez imaginer un inceste fantasmé ou consommé, le parti pris se tient. Quant au fait qu'Olivier Py travestir un homme en femme dans la mise en scène d'une oeuvre de l'époque élisabéthaine, et bien je ne peut que vous renvoyer directement d'une part à la loi en vigueur en Angleterre du temps de Shakespeare, d'autre part à la biographie et à l'oeuvre du metteur en scène. Pour ce qui est de la scénographie, la construction et la déconstruction permanente des structures est je trouve éloquente également : les deux protagonistes sont pris dans un tourbillon qu'il leur est impossible d’arrêter, ils luttent contre le mouvement perpétuel qui les mène à leur perte et déploient une énergie folle pour être ensembles malgré tout. Leurs rencontres sont furtives, le monde autour deux se déconstruit et change avant même qu'ils ait eu le temps de se repartir chacun de leur coté. Quant à la scène ou Roméo, Mercutio et Benvolio miment des actes sexuels, vous pouvez relire le texte. Les allusions à une joyeuse enculade si vous me passez l'expression, sont bien là. Personnellement, ça ne me choque pas, même si je conçoit que l'on puisse en rougir. J'ai même bien rit. Et l'on a là la vision de deux mondes bien séparés : celui de Roméo, qui sort comme bon lui semble et qui est lui, sexuellement très libre (personne n'ira reprocher à un jeune homme de bonne famille d'avoir engrossée une bonne), et ce qu'il profite ou non de cette liberté. D'autre part, celui de Juliette, enfermée, jamais sans un chaperon, et avec nulle autre notion du sexe que ce qu'elle peut avoir apprit de sa mère (de chastes allusions à la grossesse et à l'état de mère et épouse) et de sa nourrice, qui sont déjà nettement plus graveleuses, mais pas tellement plus nettes quand à l'acte lui-même. Et inutile de dire que les gestes explicites, elle n'y songerait même pas.
RépondreSupprimerAlors voilà notre couple : un gamin aux amours littéraires et grandioses, toutefois pas en reste pour ce qui est des vulgarités conviviales; et une jeune fille forte, passionnée, animée d'une formidable puissance de vie, qui ne connait rien de l'amour mais qui donne tout pour le ressentir lorsqu'il arrive. Des deux amants, c'est Juliette qui sait ce qu'elle veut.
Voilà pourquoi le spectacle de Py me semble intéressant.
Lise, qui prépare deux options de théâtre pour le bac et ne va pas s'arrêter là.
P.S. Publier une critique de spectacle si incendiaire alors qu'on à pas même fait l'effort d'assister à l'intégralité de la pièce, voilà qui est très irrespectueux pour tous les artistes qui y ont participé.