Quand mes ancêtres italiens, venant de Gaeta, arrivèrent à Marseille, les hommes trouvèrent à s'employer sur les chantiers navals alors nombreux dans cette région. Et les femmes trouvèrent de petits appoints dans des activités commerciales de proximité. C'est ainsi que mon arrière grand-mère, pendant qu'elle envoyait ses filles vendre du poisson, tenait une petite épicerie au Vallon des Auffes. Le site s'est encombré de hautes barres d'immeubles tout à fait disgracieuses qui en gâchent l'authenticité, mais le premier plan est singulièrement inchangé et il me plait d'imaginer que la boutique de ma bisaïeule était installée dans une de ces maisons entourant le fond de la rade.
Toujours est-il que la brave femme vendait, comme tout épicerie qui se respecte, tout une collection de produits alimentaires dont ... des olives cassées. Un cousin me racontait qu'à l'époque où des olives, qu'elle achetait à des producteurs locaux, elle réunissait de gré ou de force toute la famille qui, immigration oblige, était nombreuse, et tout ce petit monde cassait, cassait, pour confectionner ensuite des tonneaux et des tonneaux de fruits à la valeur ajoutée certaine ! Le cousin ayant un olivier, il a pensé à demander à ma grand-mère, peu de temps avant qu'elle meure, la recette familiale et il me l'a l'autre jour confiée afin que je la teste à mon tour.
On ramasse les olives quand elles sont assez grosses, mais encore vertes et fermes, pas mûres car sinon elles sont trop huileuses. Armé d'un petit maillet de bois (en fait ça c'est la recette, mais nous avons utilisé un verre à fond épais) on frappe les fruits d'un coup sec afin de les éclater proprement, sans les écraser. Et on les jette immédiatement dans un grand baquet d'eau pour éviter que la blessure noircisse.
Quand cette opération est terminée, on commence la désamérisation qui, avec les olives cassées est plus rapide qu'avec les entières et qui, selon ma recette, dure 9 jours. Chaque jour, voire deux fois par jour, on change l'eau du baquet en prenant soin de ne pas exposer les olives à l'air !
Le dernier jour on prépare la saumure : dans de l'eau salée à 8 à 10% (entre 80 et 100g de sel par litre d'eau) on immerge les ingrédients qui parfumeront les olives : zeste d'orange non traitée, quelques gousses d'ail, thym, quelques feuilles de laurier, du fenouil, des grains de poivre, des grains de coriandre. On fait bouillir cette préparation environ 15 minutes et on verse le mélange préalablement refroidi sur les olives qu'on a tassées dans un bocal. Il peut être utile de protéger les dernières olives par ces fameux ingrédients car le souci est d'éviter que les olives surnagent et, de fait, noircissent. Il ne faut pas rêver, la cassure s'assombrit forcément mais cela n'enlève rien au parfum de la préparation qui sera consommable environ un mois plus tard. C'est délicieusement parfumé et vraiment savoureux. N'hésitez pas à goûter pour savoir si c'est prêt. J'ai, quant à moi, conservé le bocal au frigo, ayant eu par le passé des ennuis avec des saumures mal dosées.
Ne sachant pas trop ce qu'allait donner cette mixture je n'en ai fait qu'un bocal, laissant les autres olives sur l'arbre afin qu'elles mûrissent. Ce qu'elles n'ont pas manqué de faire, et copieusement, car le mois de septembre a été très chaud et particulièrement propice à la maturation. Il était donc temps avant-hier, de ramasser notre précieuse récolte pour l'amener au moulin à huile dont je vous ai déjà parlé !
Une jolie balade puisqu'il se trouve sur l'île de Ré, mais que ne ferait-on pas pour faire presser "son" huile ? Et là, l'initiateur du seul moulin à huile d'olive de la région, est totalement dépassé par son succès. Quand nous sommes entrés dans le magasin, armés de notre petit panier, c'était la queue (un jeudi à 17h30 !!) et quand nous sommes ressortis, il y avait encore plus de monde ! L'année a été tellement bonne, et l'idée tellement bien accueillie par les propriétaires de plus en plus nombreux d'oliviers, que le Moulin du Puits Salé est dépassé par son succès.
A longueur de journée, il réceptionne les olives, marque les cageots afin que chacun soit assuré d'avoir "son" huile, le magasin est encombré de caisses qui s'entassent quasi jusqu'au plafond. Et ensuite, il presse, met en bouteille, étiquette au nom de chacun et enfin livre les précieux flacons aux clients ravis. Et il parait que l'activité prend, d'année en année, de plus en plus d'importance ! Qu'on ne nous dise pas que le réchauffement du climat est une invention !!! Et qu'Aloïs me pardonne l'emprunt qui a inspiré mon titre, plus dédicace que plagiat !!
Bravo pour ces olives cassées. Je n’ai pas eu le temps cette année de préparer lis óulivo cachado. La recette que tu donnes est exactement la recette traditionnelle et tu fais bien de préciser l’importance d’éviter de faire surnager les olives. C’est un peu tôt pour oliver me semble-t-il. Autrefois on attendait décembre et janvier : le rendement et le fruité sont meilleurs. Mais ici aussi les gens (les citadins venus à la campagne et qui se retrouvent avec quelques arbres) sont impatients. L’arrivée sur le marché de micro-moulins (généralement fabriqués en Italie) permet ces presses à faible quantité. Mais, au-delà du plaisir, un peu snob tout de même d’avoir «son huile» il vaut mieux éviter d’acheter dans ces moulins où les apports sont très disparates, avec des durées de chômage différentes et des mélanges de fruits de qualité très diverses…Belle évocation de ton épicerie familiale. Je signale, car c’est peu connu, la crise de la filière de l’huile d’olive en Provence et Languedoc au grand désespoir des agriculteurs, viticulteurs notamment qui ont planté en pensant se reconvertir. Seules quelques appellations s’en sortent…
RépondreSupprimerJe me suis perdue en route...j'étais encore à Marseille auprès de ta famille.
RépondreSupprimerJ'étais étonnée de me retrouver sur l'île de Ré...pas une région d'huile d'olives !!!
Mais c'est un vrai travail que cette préparation des olives Michelaise...!
RépondreSupprimerEt est-ce un poisson d'avril que tu nous proposes là ;-) (ou un poisson de novembre ?) ?
As-tu dans ton jardin un olivier capable de t'offrir tant de petits fruits...?
Maintenant je me dois de te poser une question... N'ayant pas d'olives ici en Normandie, je ne vois que les baies d'églantine pour servir de simulacre d'olives... ;-)))
Penses-tu qu'il est raisonnable et envisageable d'en faire de l'huile???
Sincèrement, j'ai bien peur de n'obtenir que du poil à gratter... ;-)
J'ai beaucoup aimé ce que tu dis du temps de ton arrière grand-mère... et j'espère que tu seras heureuse du résultat de ta conserve d'olives.... Un bel hommage à cette aïeule.
Bon dimanche Michelaise
Une découverte pour moi cette récolte des olives dans cette région.
RépondreSupprimerIl est vrai que le climat y est si doux; je capte au passage votre recette d'olives cassées mais cela sera pour l'an prochain puisque vertes depuis longtemps les olives ne sont plus.
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerLe sel et les olives...
Quel beau billet à la fraîche senteur.
Des souvenirs émergés et des olives qui valent leur pesant d'or.
Merci beaucoup.
Allons bon des mini pressoirs !! En tout as le moulin du puits salé garantit que ce sont tes olives qui se retrouvent dans la bouteille : une dame, présente dans la boutique devant moi, mettait cette individualisation en doute (disant d'ailleurs que cela lui importait peu) : la patronne s'est fâchée tout rouge en disant qu'ils se donnaient un mal infini pour respecter leur engagement et qu'elle refusait qu'on mette en doute leur honnêteté.
RépondreSupprimerEn tout cas, alors qu'il y a deux ans nous avons "olivé" fin décembre, le 31 précisément, cette année notre récolte était presque trop tardive : voilà plus d'un mois en effet que, sans impatience aucune, le moulin de l'île de Ré presse des olives vraiment TRES mûres !! Il semble que ce soit propre à la région où le mois de septembre a été singulièrement propice à la maturation des olives. Et oui Enitram, on trouve de plus en plus d'olives ici, et Oxy, ce n'est pas un poisson d'avril : notre moulin, qui avait lancé cette activité "pour le fun", c'est à dire pour quelques parisiens en mal d'exotisme, ne fournit plus, c'est vrai. On a planté des milliers d'oliviers et la demande en pressage ne cesse de croître !
Alors Oxy qui sait, tu en auras peut-être bientôt en Normandie aussi.
Et c'est ainsi, réchauffement aidant, que l'île de Ré devient Evelyne, une région à huile d'olive ! On en a trop our les faire en saumure, sauf à s'en écoeurer.
En tout cas, et c'est un des avantages de la recette des olives cassées, prêtes beaucoup plus vite, on a déjà goûté la mixture et, contrairement à ce que je craignais, c'est absolument délicieux, c'est pour cela que je l'ai donnée d'ailleurs !!
Grand merci! Je prends note de la recette des olives cassées, pour l'année prochaine, si la taille de l'olivier convient: Un oiseau en vol doit, parait-il, pouvoir le traverser...
RépondreSupprimerEt oui Anne une hirondelle doit pouvoir le traverser, mais tu remarques qu'Alter lui l'escalade ! Et joyeusement encore !
RépondreSupprimerLe réchauffement climatique est donc en marche si les oliviers produisent en Charente et que les olives sont mûres dès octobre ! Je suis surpris de voir que la variété Aglandau (dite aussi Verdale de Carpentras) est cultivée chez vous (vu sur le site du Puits Salé). Ici les moulins ne font de presse individuelle qu'à partir de 400 kg. 100 kg pour certains. Je ne connais pas, par ici, de ces micro-moulins dont on m'a parlé (il y en aurait un dans le 13) et qui équiperait donc le Puits Salé. Je comprends l'interrogation dubitative de la personne dont tu parles. Mais après tout pourquoi pas un "petit moulin" car un "grand moulin" ne stockerait pas les olives sur le parquet d'un magasin. Le prix de la trituration doit être élevé, en conséquence. Ce dimanche le marché de l'Isle comptait encore quelques marchands d'huile d'olive...venant tout droit d'Espagne ce que bien sûr le client ignore...
RépondreSupprimerCe serait touchant de retrouver la photo de l'épicerie du Vallon des Auffes. A rechercher du côté de la photothèque des archives de la ville ?
Euh..suis distrait, l'aglandau est celui du Moulin Arizzi dont le Puits Salé vends la production . Les prix sont assez renversants chez Arizzi ! Qui par ailleurs nomme "tapenade" une crème d'olive. Mèfi !
RépondreSupprimerNos grands parents, parents faisaient des conserves, notre chèra amie Aloïs aussi, vous faites de l´huile avec vos olives.
RépondreSupprimerJe vous admire.
je me rappelle un mariage à Valencia Espagne, au lieu d´avoir un petit sac de dragées près de nos verres, nous avions une petite bouteille d´huile d´olive de la récolte des parents du marié.
Le monde évolue.
Mais toujours de petits gestes qui touchent.
Alba, l'idée est adorable, mais je crains que notre production ne suffise pas à la reproduire pour l'an prochain, lorsque Koka épousera son tendre et cher !!! je suis sûre qu'elle aurait aimé !
RépondreSupprimerJe cherche mon commentaire et je ne le trouve pas mais par contre tu y réponds ???? Justement je te disais que je n'en reviens pas de cette récolte !!!! Incroyable !!!
RépondreSupprimerJe suis curieuse de connaître la saveur de l'huile girondine, y en a t il en vente quelque part ?
Saperlipopette Enitram qu'ai-je encore trifouillé ? aurais-je effacé ton comm après l'avoir lu et alors que j'y ai répondu ? ce dont je ne réponds guère, c'est de mes erreurs de manip !!
RépondreSupprimerEn tout cas, je sais que le moulin du Puits salé fabrique sa propre huile car ils ont des oliviers (qui avaient beaucoup souffert de Wynthia, il avait fallu dessaler les champs où ils étaient plantés car la mer avait tout envahi) mais on ne le trouve pas sur leur site. Et sur place me diras-tu ? il régnait quand nous y sommes allés une telle panique d'arrivées d'olives, que les rayons de l'épicerie fine étaient inaccessibles. Par ailleurs, ils vendent de l'huile Arizzi qui n'a pas l'heur de plaire à Roberto (voir commentaire plus haut) qui, crois m'en, est un spécialiste !!! Exit Arizzi !!
Nous avons, quant à nous, acheté une bouteille d'huile des Alpilles, producteur Olivier Penel à Fontvieille, qui me semble très appétissante mais nous ne l'avons pas encore goûtée. Par contre, je me promets lorsque je récupèrerai "mon" huile de m'enquérir de celle qu'ils produisent eux-mêmes !!!
Bonjour,
RépondreSupprimerUne petite visite sur ton blog qui m'a l'air bien riche de beaucoup de sujets. Je suis toujours touchée de faire perdurer les traditions de nos anciens. Dans ce monde où l'on consomme tout vite, il me semble que nous devons aussi de montrer un chemin différent aux nouvelles générations. Merci pour ce bel article. Ton huile doit avoir ce parfum si particulier du fait maison.
J'ai un p'tit olivier sur la terrasse avec des olives un peu petites mais hélas pas de moulin à huile et pas de savoir-faire non plus (sourire!!). amitiés salines.
Merci de ta visite Malou... pas de complexe, je n'avais jamais fait d'olives cassées jusqu'à cette année et c'est la recette de mon arrière grand-mère qui m'a incitée à me lancer. J'étais très méfiante, persuadée que j'allais tout mettre à la poubelle. Et pourtant, ce fut réussi. Alors l'an prochain n'hésite pas, lance toi, surtout si ton olivier est petit, tu auras trop eu d'olives pour faire de l'huile. Tente les olives cassées. Cueille-les quand elles sont encore vertes, assez grosses mais pas encore mûres : donc juste avant qu'elles ne commencent à noircir. Fais bien attention de les jeter dans l'eau juste cassés. Et désamérise bien pendant au moins 9 jours : pleins d'entrain, nous changions l'eau deux fois par jour ! Le reste est facile, n'hésite pas à me demander d'autres informations si tu as des doutes !
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