Petit matin brumeux sur l’estuaire : sur le bac qui
nous conduit vers le Médoc, la corne de brume résonne avec régularité. Un
monstre intemporel, jailli du brouillard, se glisse lentement sur le pont
arrière, toutes lames brandies. Au Verdon, la file de véhicules libérés du RORO
s’élance sur la route rectiligne, entre champs désolés et landes grises.
Le
nord du Médoc n’a pas grand charme mais les buées du petit jour vaporeux lui donnent
un certain mystère. Direction Pauillac pour une virée chez notre boucher
préféré, dans le petit village voisin de Bages.
Là, une affiche nous accroche : Antoni Tàpies « La réalité comme art ». Le château Lynch Bages rend hommage au catalan bientôt nonagénaire dont l’œuvre nous est moins connue que le nom. Bonne occasion pour le découvrir. Pas facile d’accès ce peintre minimaliste qui travaille avec des matériaux pauvres, des bouts de ficelle et du sable collé. Dans l’entrée et le salon d’accueil, quelques gouaches et crayon sur papier, que nous regardons le plus attentivement possible mais sans trop de conviction.
Là, une affiche nous accroche : Antoni Tàpies « La réalité comme art ». Le château Lynch Bages rend hommage au catalan bientôt nonagénaire dont l’œuvre nous est moins connue que le nom. Bonne occasion pour le découvrir. Pas facile d’accès ce peintre minimaliste qui travaille avec des matériaux pauvres, des bouts de ficelle et du sable collé. Dans l’entrée et le salon d’accueil, quelques gouaches et crayon sur papier, que nous regardons le plus attentivement possible mais sans trop de conviction.
Plus loin, dans un chai aux foudres impressionnants, deux « collages » dont on s’approche avec circonspection, puis on recule, on regarde le titre, et on grogne « ouais ?» ...sans se révéler capables d’une analyse plus fine. Sans doute y a-t-il à comprendre mais cela nous échappe manifestement.
Puis, on monte dans un espace d’exposition qui se trouve dans une sorte de musée des techniques de la vendange. Et là, c’est le choc. La mise en espace des grandes toiles brutes de Tàpies dans cet univers de cordes et de pressoirs a quelque chose de saisissant.
Le peintre devient compréhensible : tous ces instruments de torture du raisin, figés à l’état sculptural, éclairent les toiles hurlantes du peintre de Barcelone. Des corps déchiquetés, des croix omniprésentes, des déchirures, des membres éclatés, on prend en pleine face toute cette violence d’un passé qui ne s’éteint pas dans la mémoire de celui qui a vécu la guerre civile et ses cruautés.
Présentées dans l’air un peu humide de ce grenier au plancher ajouré, faiblement éclairé par ce petit matin brouillasseux, les œuvres de Tàpies ont un petit air de Piranèse. Roues, engrenages, poulies, le tout figé, comme mort, font échos aux inquiétudes du peintre : comment vit-on après les déchainements des horreurs du siècle qui vient de s’achever ? Siècle de fer qui s’offre ici à notre réflexion déconcertée.
Une parfaite adéquation entre l’art et son cadre, le symbole du vin et de la vigne, sacrifice, sang versé, pulpe écrasée, vie sauvée par le sacrifice, tout cela donne à lire les grandes toiles de l’espagnol sous un jour grave, et qui force la réflexion et la méditation.
Mardi 7 février 2012 : Le peintre et sculpteur catalan Antoni Tapies est
décédé lundi 6 février 20101 à Barcelone à l'âge de 88 ans.
Tapies, l'un des plus grand noms de l'art
abstrait contemporain en Europe, était connu pour ses toiles et ses
compositions étonnantes parfois réalisées avec des matériaux de
récupération.
L'oeuvre d'Antoni Tapies, artiste
autodidacte, lauréat de nombreux prix et récompenses, a été associée dès
ses débuts à d'autres grands noms de l'art du XXe siècle, comme l'autre
grand peintre catalan Joan Miro, et au mouvement surréaliste.
L'artiste est mort après une courte maladie, selon le quotidien La Vanguardia.
Le journal El Mundo a salué "le dernier grand artiste du XXe siècle".
Tapies, qui a créé au cours de sa carrière
plus de 8.000 oeuvres, exposées dans les principaux musées d'art
contemporain du monde, était fidèle aux matériaux pauvres : ficelle, fil
de fer, paille et terre.
J'aime beaucoup Tapiès.
RépondreSupprimerQuant à tes photos de l'estuaire, elles créent une ambiance féérique, comme je te l'ai déjà dit je crois, "exotique" pour moi...
la béotienne que je suis reste dubitative devant les oeuvres de ce peintre, c'est promis je vais regarder attentivement son oeuvre.
RépondreSupprimerBonne soirée (josette)
Belle adéquation en effet. Mais que fait là cette large culotte (?) qu'Alter n'ose regarder ? Je vais à Barcelone dans qq jours et j'espère pouvoir enfin (la dernière fois que je m'y suis rendu elle était fermée pour travaux) visiter la Fondation Tapiès. Tous ces lieux qui tu nous fais découvrir sont bien tentants. Culture, nature (et ici viti-viniculture) font bon ménage dans votre belle région...
RépondreSupprimerComme toi j'étais resté un peu circonspect en visitant une expo Tapies à Bilbao puis petit à petit j'ai était séduit : c'est puissant, sombre, très espagnol et on pense aux dernières toiles de Goya.
RépondreSupprimerComme toi Robert, j'étais simplement prête à essayer de comprendre mais un peu méfiante. Pour moi aussi Josette Tàpies c'était un nom , et j'avoue que je n'ai pas vraiment aimé... mais c'est puissant, impressionnant et j'étais très fière car, hier, devant une galerie j'ai identifié toute seule un Tàpies. Donc j'ai dû comprendre un peu !!!
RépondreSupprimerEn fait, la mise en place, l'installation, donnaient à cette exposition un relief, un sens, une ambiance, et cela nous a permis de surmonter l'abord difficile de ce peintre pas du tout complaisant. Roberto, Norma, vous êtes plus familiers que nous de l'art contemporain et vous avez l'air d'apprécier vraiment !
Roberto, tu ajoutes à tout cela les fameuses brumes locales qui sont très fortes en cette saison... quant au vin, il faudra vraiment qu'on t'encourage à l'aimer !!
Merci pour votre article qui décrit bien le sens des oeuvres si fortes et poignantes de ce grand artiste. J'aime beaucoup Tapiès et ses oeuvres, exposées dans ce lieu, prennent une résonance particulière.
RépondreSupprimerAnne
Bonsoir Michelaise. J'avoue ne pas être sensible à ce style. Seule ton analyse de ces toiles peut apporter à mon sens un intérêt pour ce travail.
RépondreSupprimerEn revanche, j'aime beaucoup tes photos. L'ambiance brumeuse du début et ce côté sombre du chai sont absolument superbes !
Je ne sais pas expliquer pourquoi Tapiès m'émeut. Aimer sa peinture c'est un peu comme entrer dans l'écriture, d'abord complexe et hermétique, puis lumineuse et si expressive de Char. On le compare souvent à Hartung, auquel le musée de Sérignan (Hérault) a rendu un bel hommage il y a quelques mois, mais Hans me paraît froid et distancié quand Antoni est tout chargé de "méditerranéeitude".
RépondreSupprimerMic': je ne serai pas trop dépaysé question vins: mes ancêtres, du côté du Montello (Veneto) cultivaient, s'ils le pouvaient, le Merlot et le Cabernet.
Si c'est à Bages que tu achètes le fameux grenier du Médoc, il faut inscrire ce lieu au patrimoine mondial de l'humanité!
RépondreSupprimerLynch Bagès. Un nom qui m'a toujours fait rêver...Tapiès, je le connais un peu. D'où? Quand? Je ne saurais le dire. Une douleur digne qui m'avait touchée. Ton "reportage" est très beau, dans ce cadre épuré lourd des rituels viticoles. Les instruments de torture de la vigne. J'adore.
RépondreSupprimerAvez-vous déjà pris le bac depuis Blaye? Ça vaut le coup. Mieux s'il fait beau.
Je ne sais pas pourquoi je reste insensible à ces peintures mais je ne comprends pas sans doute le message et je n'ai pas encore toutes les clés. Mais ton analyse me donne une base pour y réfléchir.
RépondreSupprimerUne belle harmonie dans tes photos.
RépondreSupprimer