jeudi 17 mai 2012

FONTE CIANE : écrivains en vardouille !



Voilà bien une circonstance dans laquelle les ebooks, ou comme dirait nettement plus élégamment notre amie Marie-Josée, les liseuses, sont utiles. Vous y chargez avant de partir tous les ouvrages nécessaires à votre périple, gratuits s'ils sont assez anciens, et, sur place, il ne vous reste plus qu'à suivre les impressions de vos illustres prédécesseurs. Vous pouvez emporter sans alourdir votre bagage, le "Voyage en Sicile" de Dominique Vivant-Denon de 1788 (extrait ci-dessus), celui fait entre 1820 et 1821 par Auguste de Sayve, celui de l'illustre (??) Félix Bourquelot, et qui date de 1848, celui de du Vicomte Marie-Théodore Bussierre, de 1837, voire, et c'est déjà nettement plus marrant, les Impressions de Voyage de Dumas, dans le Capitaine Arena, le Speronare et le Corricolo. Il ne vous reste plus qu'à convoquer vos guides au fur et à mesure que la curiosité se fait sentir !! Même s'ils ont un peu tendance à se répéter, comme si l'usage du copié-collé avait déjà été de mise au XIXème siècle !!









Pas de doute, pour nous raconter la légende de la Fonte Ciane, et son environnement magique, Dumas est nettement plus marrant que les autres ! Il conclut plaisamment : "Heureux temps où les bergers épousaient des princesses ! Et quelles princesses encore !!".


Le lieu est toujours aussi envoûtant. Pour le trouver, il faut s'accrocher, au téléphone, à la carte et au GPS !! Mais la promenade en barque suit toujours le même chemin, des eaux limpides de l'embouchure de l'Anapo, dans laquelle les poissons sautent comme de petits dauphins, en passant par l'entrée du port de Syracuse qui s'élargit complaisamment au loin, pour s'acheminer ensuite vers un bras riche en roseaux, frênes séculaires et eucalyptus chevelus. On fait demi-tour au niveau d'une écluse au-delà de laquelle s'étend une véritable forêt de papyrus, dont j'ignorais qu'ils soient si rares en nos eaux. Pour en avoir vu dans des jardins ou dans des bassins, je n'avais pas réalisé qu'ils ne poussaient pas à l'état naturel dans nos contrées : les italiens sont fiers de cette luxuriance qu'ils essaient de protéger, les précautions écologiques n'étant pas forcément leur point fort ! Mais la Fonte Ciane reste luxuriante et je laisse, pour finir, la parole à Maupassant, qui vint en Sicile en 1885 et qui décrit le lieu avec plus de sensibilité que tous. Avouez qu'il est étrange de marcher ainsi sur les traces de tous ceux qui vous ont précédés et de lire toutes ces descriptions (il y en a bien d'autres encore car c'est l'endroit le plus "anecdotique" du circuit) qui, peu ou prou, décrivent une nature inchangée...


On traverse le golfe d'un bord à l'autre et on aperçoit, sur la rive plate et nue, l'embouchure d'une très petite rivière, presque un ruisseau, où le bateau s'engage.
Le courant est fort et dur à remonter. Tantôt on rame, tantôt on se sert de la gaffe pour glisser sur l'eau qui court, rapide, entre deux berges couvertes de fleurs jaunes, petites, éclatantes, deux berges d'or.

Voici des roseaux que nous froissons en passant, qui se penchent et se relèvent, puis, le pied dans l'eau, des iris bleus, d'un bleu violent, sur qui voltigent d'innombrables libellules aux ailes de verre, nacrées et frémissantes, grandes comme des oiseaux-mouches. Maintenant, sur les deux talus qui nous emprisonnent, poussent des chardons géants et des liserons démesurés, enlaçant ensemble les plantes de la terre et les roseaux du ruisseau.
Sous nous, au fond de l'eau, c'est une forêt de grandes herbes onduleuses qui remuent, flottent, semblent nager dans le courant qui les agite.
Puis l'Anapo se sépare de l'antique Cyané, son tributaire. Nous allons toujours à coups de perche entre les berges. Le ruisseau serpente avec de charmants points de vue de perspectives fleuries et coquettes. Une île apparaît enfin, pleine d'arbustes étranges. Les tiges frêles et triangulaires, hautes de neuf à douze pieds, portent à leur sommet des touffes rondes de fils verts, longs, minces et souples comme des cheveux. On dirait des têtes humaines devenues plantes, jetées dans l'eau sacrée de la source par un des dieux païens qui vivaient là jadis. C'est le papyrus antique.
Les paysans, d'ailleurs, appellent ce roseau : parruca.
En voici d'autres plus loin, un bois entier. Ils frémissent, murmurent, se penchent, mêlent leurs fronts poilus, les heurtent, semblent parler de choses inconnues et lointaines.
N'est-il pas étrange que l'arbuste vénérable qui nous apporta la pensée des morts, qui fut le gardien du génie humain, ait, sur son corps infime d'arbrisseau, une grosse crinière épaisse et flottante, ainsi que celle des poètes ?
Nous revenons à Syracuse alors que le soleil se couche ; et nous regardons, dans la rade, un paquebot qui vient d'arriver et qui, ce soir même, nous emportera vers l'Afrique.
Maupassant

6 commentaires:

  1. Je ne lasse pas de lire les récits de voyage de Dumas (le Corricolo quel bonheur...)
    Et Maupassant
    Ah ! ils savaient écrire au XIXème,-))
    bon WE (josette)

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    1. Pas de doute Josette ces deux-là sont les plus agréables à lire dans le style récit de voyage

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  2. J'ai du mal avec la liseuse et puis je dois être complètement débile mais je n'ai pas encore compris comment fonctionnait Calibre,ceci dit je n'ai pas beaucoup cherché non plus .
    Je reste attachée aux livres que j'emporte sur lesquels je peux annoter, dans lequel je glisse des bouts de papier griffonnés ;je suis tellement maladroite lorsque je comptabilise le nombre de fois où je tombe mon livre je te laisse imaginer l'état de la liseuse
    J'ai beaucoup aimé Cette brume de la mer me caressait comme un bonheur.
    J'espère que tu avais emporté le merveilleux Temples Grecs Maisons des Dieux

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    1. Calibre c'est surtout pour gérer ta bibli au mieux, si tu t'y intéresses, tu n'auras aucun souci il est vraiment intuitif et pratique
      Pour le reste c'est pratique dans certaines circonstances, et j'apprécie quant à moi d'avoir toujours un bouquin à lire quand il me faut attendre... sans parler du problème des valises ryanair !!! on peut la tomber, elle est solide !

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  3. Moi j'ai remarqué les beaux papyrus "antiques"! Chouette le petit pont de bois pour traverser les marais... et la liseuse, j'y pense et puis j'oublie, pas encore essayée. Comme le dit Aloïs, j'aime trop les livres... Pour voyager, peut-être ?

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    1. Oui Enitram pour voyager léger, pour les queues un peu trop longues, bref pour toutes les circonstances où il est bon d'avoir un livre sous la main sans l'avoir trainé lourdement

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