FONTDOUCE : LE FESTIVAL

Bien loin de moi l'idée de vous faire visiter la superbe abbaye de Fontdouce que j'ai déjà eu l'occasion de vous présenter lors d'un récent Festival et surtout dont elle vous a ardemment parlé lors de sa petite escapade charentaise, en juin dernier. Le lieu est absolument délicieux et la nouvelle salle de concert se prête parfaitement à l'usage qui en est fait : elle accueille en effet avec bonheur tous les concerts classiques du Festival de l'Abbaye. Un festival original que celui organisé à Fontdouce : 6 jours de concerts, à raison de 2 par jour. Trois jours classiques suivis de trois journées de jazz !

Dimanche 5 août c'était une journée autour du piano, occasion de retrouver des artistes que nous avons déjà entendus à maintes reprises. 

A 18h30 un récital de piano de Guillaume COPPOLA, un artiste qui monte et que nous avons justement découvert chez Gérard, à l'occasion d'un concert privé qui nous a laissé un excellent souvenir. Il a joué Chopin et Granados, des danses dont il nous a parlé avec un bel enthousiasme mais qui ne sont pas une partition majeure. Arlette, qui était avec nous, nous disait qu'il était allé rendre visite à France Clidat peu de temps avant son décès et qu'elle lui avait demandé de jouer pour lui, sans doute un des derniers "récital" qu'elle ait entendus.

A 21h30 de nouveau un récital de piano, cette fois par un artiste consacré : Jean-Philippe COLLARD, pour un programme "Préludes". Ceux de Claude DEBUSSY et  ceux de Frédéric CHOPIN. Terriblement desservi par un piano assez calamiteux (vous auriez vu la tête de monsieur Collard quand il joua la dernière note, très aiguë, d'un de préludes de Debussy, interrogatif et surpris !! je n'ai pas joué ça moi !!) et un projecteur lui assurant un micro-climat torride, il nous a pourtant offert un immense moment de musique. Sublime dans Debussy, plus inégal dans Chopin mais là encore avec de purs moments de magie (les conditions "atmosphériques" expliquaient une certaine fatigue), il nous a emportés sans jamais se départir de l'élégante décontraction qui le caractérise. Un gentleman du piano qui possède sur le bout des doigts, déclinées avec toutes les nuances de son immense sensibilité artistique, toutes les nuances du répertoire. 
A propos de piano, nous n'avons pas pu nous empêcher d'évoquer le concert d'Adam Laloum, l'autre soir à Saintes. Là, il jouait un piano "Domaine de Pétignac". Gérard, qui depuis son stage chez Steinway* est devenu un expert de l'accord alors qu'il était simplement un perfectionniste, n'a même pas eu le temps de nous dire bonsoir tant il était dans ses cordes ! C'est vous dire si "la bête", entendez son dernier Steinway, était "au service" du pianiste enthousiasmant qu'est Laloum. Vous vous rappelez peut-être ma mobilisation pour les "victoires de la musique" !! Un poète, un dentelier (c'est quoi ça ??? ben le masculin de dentelière !!!), un garçon qui donne aux partitions une nouvelle première vie, un souffle qui sont, toujours, ébouriffants. Mais, et c'est là mon propos, je crains que ces excellents interprètes n'aient à souffrir de piano mal agencés, dont les cordes grasseillent, dont l'harmonique est détestable et qui bousillent leur engagement. Jean-Philippe Collard n'en a eu que plus de mérite de nous offrir ce concert de très belle qualité. 

Lundi 6 août le thème était "Musique ancienne". Et, étonnant phénomène, le public était totalement différent de celui de la veille, et, proximité de Saintes oblige, nettement plus fourni.
A 18h30, l'Ensemble EVENTO, de jeunes belges qui se sont spécialisés dans le répertoire ancien, nous ont interprété  des oeuvres de PERGOLESI et de MONTEVERDI. 

Après le traditionnel pique-nique sous les frondaisons accueillantes du parc, Jordi SAVALL et Andrew LAWRENCE KING nous ont offert un duo harpe et viole celtiques. Œuvres issues du répertoire celtique classique ainsi que des airs traditionnels irlandais et écossais dont l’origine se perd dans la nuit des temps, les musiciens ont alterné des airs de tradition orale et des airs de "compositeurs", parfois découvert par Savall lui-même, comme ce manuscrit de Manchester dont il nous a joué quelques pièces sur une basse de viole dont il avait croisé les cordes pour leur donner une sonorité de cornemuse. 

Grâce à ses recherches approfondies dans des manuscrits originaux, Jordi Savall fait renaître les beautés étranges de la musique irlandaise et écossaise du XVIIème au XIXème siècle.

Quelques anecdotes ont ponctué la soirée, histoire de nous rendre plus compréhensible cette culture. Un concert haut en couleur, fort agréable et qui a rencontré un grand succès.

La troisième journée, mardi 7 août, s'est recentrée autour du piano. A 18h30, récital de Philippe GIUSIANO lauréat du Concours Chopin de Varsovie en 1995, jouait, fort à tort les vedettes américaines. Il a un tel talent, un tel phrasé, une si belle sensibilité musicale qu'il aurait dû, sans conteste, être LA vedette de ces trois journées. Il a joué Mozart avec une intelligence dont peu de pianistes "classiques" (entendez "romantiques") sont capables, il n'est pour s'en convaincre que d'écouter l'opinion de Philippe Cassard à ce sujet, opinion qui recoupe largement la nôtre : pour un pianiste, bien jouer Mozart, c'est la quadrature du cercle, l'épreuve suprême !* Dans Chopin, pour lequel il fait figure d'incontournable, il fait chanter le clavier sans excès de sentimentalisme, il est simple et savant à la fois. C'est un grand moment. Quant à Rachmaninov, qu'il a mis avec succès à son répertoire, il l'aborde avec une virtuosité qui le rend totalement limpide.

Le concert du soir était consacré à Debussy, Ravel, Schubert et Chopin, servis pas Vanessa Wagner, qui nous a, en outre, présenté une sonate de Cécile Chaminade, hommage d'autant plus intéressant qu'elle a présenté cette compositrice peu connue, que nous avions découverte à Ouessant il y a deux ans, grâce aux conférences de Feriel Kadour.

Et pour finir, la vue du parc de l'Abbaye de Fontdouce, les trois soirs... si l'on joue aux "différences" que remarque-t-on ??? Le vallon sauvage, choisi par les moines du XIIème siècle pour y installer leur monastère, se peuple de soir en soir !! Vide le 5 août, car il avait plu et que le traiteur avait été installé à l'intérieur, on y avait dressé le 6 les tivolis du pique-nique champêtre... Et le 7 ?? Qu'est-ce que cette grande scène plantée à droite du pré ? Tout simplement l'installation pour les concerts des jours suivants car, après trois jours de musique dite "classique", Fontdouce acceuille trois autres journées, sur le même principe, concerts à 18h et à 21h, mais de jazz cette fois-ci. Une collaboration avec la famille Doriz du Caveau de la Huchette, une autre famille investie dans la mise en valeur et l'animation d'un site historique. Rhoda Scott, Manu di Bango, Joey Morant, Richard Galliano, entre autres, feront le bonheur des amateurs de blues, de jazz et de swing jusqu'à vendredi. Fontdouce est vraiment un festival où il fait bon venir !!

* Philippe Cassard qui, dans la rediffusion du Matin des Musiciens d'aujourd'hui déclare avoir tordu le nez sur 20 versions mozartiennes (de grands, parfois de très grands) avant de trouver la bonne !!!