jeudi 1 novembre 2012

BON ANNIVERSAIRE TONTON !!

Tonton, à 75 ans d'intervalle !! En haut, tenant farouchement la main de sa grand-mère, en bas en train de galoper dans les bois du Haut Pilat, vers Saint Romain les Atheux.

J'ai un oncle, qu'il soit salué par ce billet, qui a l'insigne malchance, si l'on s'en tient au "bon sens commun", d'être né un 1er novembre...

Bon Anniversaire Tonton !!! 

Nous savons tous pourtant que cette fête, justement dénommée Toussaint, n'a rien de triste puisqu'elle célèbre, dans la joie et dans l'allégresse, tous les saints du Paradis, non seulement ceux que l’Église a canonisés, mais encore tous ceux qui "ont été sanctifiés par l’exercice de la charité, l’accueil de la miséricorde et le don de la grâce divine". Autant dire en quelque sorte tous les Justes. Ce n'est que le lendemain, 2 novembre qu'on célèbre les défunts. C'est l'Abbé Odilon de Cluny qui eut l’idée, pour ne pas assombrir la joie de la Toussaint, de consacrer la journée du lendemain à la mémoire des disparus. L’Église parle en la matière de commémoraison et non de commémoration, terme liturgique fort ancien, et de nos jours peu utilisé, et qui comprend, histoire de moins attrister les fidèles, le mot "oraison".


La Toussaint pour nous, c'est devenu une période de vacances scolaires fort appréciée des voyagistes et autres commerciaux de la chose touristique : il fait encore beau, souvent, les journées ne sont pas trop courtes et l'on vous vend des week-ends, des semaines et des escapades à tout va. Nos jeunes ne savent plus ce qu'on en fait sauf à avoir les moyens de s'offrir quelqu'évasion ensoleillée, et ce d'autant que notre nouveau gouvernement nous a joyeusement rallongé la sauce. Pas moins de 15 jours, pour bien rompre l'élan qu'on avait réussi à impulser à nos troupes toutes fraiches sorties de la longue période des vacances d'été et ayant repris le collier avec les bonnes résolutions d'usage. 


Mais mon propos n'est pas de râler contre des jours de vacances dont, je l'avoue, je suis ravie de profiter aussi. Seulement de m'inquiéter de l'indifférence dans laquelle se déroule pour les jeunes générations cette fête qui était, il y a peu encore, un des plus fort week-end de migration sur le territoire, la tradition voulant qu'on "aille sur les tombes", c'est à dire dans sa famille, rendre hommage à ceux qui nous avaient précédés.


Il était de bon ton, dans les années 68, de vilipender cette sournoise hypocrisie bourgeoise et/ou catholique qui consistait à ne rendre visite aux défunts qu'une fois l'an et encore, en service commandé. Il était du coup plus facile de laisser la corvée à nos mères et grands-mères, chargées de manier la pelle et le balai, d'acheter une cargaison de chrysanthèmes et de les trimbaler sur les dalles froides et sombres que nous évitions comme la peste. Pensez, la mort, ses cortèges de larmes et son côté un peu kitch, très peu pour nous !


Puis les grands-mères et les mères sont mortes (avez vous remarqué au passage, que la mémoire familiale passe et passera longtemps par les femmes ?) et il a bien fallu s'y coller. Pas que ça nous amuse vraiment, nous qui avons pourtant pour habitude, quand nous faisons du tourisme, d'aller inspecter le cimetière pour y mieux sentir l'air du lieu. Mais la tombe familiale, point trop n'en faut ! Et pourtant, nous voilà à notre tour petits balayeurs de feuilles mortes, redressant une tige, arrachant une mauvaise herbe, dissertant avec beaucoup de sérieux sur l'harmonie des teintes de fleurs choisies, le risque de gel qui mettra à mal les jolis boutons qui ne demandent qu'à s'épanouir...


"J'ai donné" trop tôt et j'avoue que je le fais toujours avec la même hargne, même si, le deuil faisant ton travail, je ne me révolte plus devant les noms gravés en déplorant la brièveté de leur parcours terrestre. Je me contente de me dire qu'heureusement que j'en ai vraiment profité pendant qu'ils étaient encore vivants, que je les ai vus et aimés de près, pas très bien parfois mais toujours présente à leurs côtés, que j'ai eu la chance de ne pas les voir se dégrader, se déliter comme le font parfois les grands vieillards. En un mot, que j'ai su prendre d'eux ce qu'ils avaient de riche et de beau à m'offrir et garder un souvenir plein de tendresse et d'une vague rancune de m'avoir quittée si vite.


Les illustrations de l'article sont des vues du cimetière de Venise, halte obligée mais souvent trop formelle, sur le chemin de Murano-Burano. Nous allons souvent à Venise en cette saison, et le détour par San Michele est chaque fois un moment de paix, voire de réflexion, car le fleurissement des tombes y prend une allure festive qui manque à notre esprit français. La familiarité avec la mort, la nécessaire visite à ceux qui sont "partis", l'affrontement courageux, parfois difficile mais toujours salutaire, de la réalité de notre finitude, sont autant de pratiques sociétales qui nous manquent et qui, parfois, nous rendent plus fragiles dans les épreuves. Ma grand-mère, italienne, traitait avec "ses" morts comme avec des vivants et cela lui a donné, lorsque la fin de son parcours terrestre s'est annoncé, une force et une sérénité tout à fait surprenantes. Elle était en terrain connu et n'avait pas peur de franchir le Styx !

4 commentaires:

  1. Ta réflexion est tellement d'actualité et elle rejoint le billet que j'avais proposé l'an dernier.Lorsque je suis venue m'installer dans la maison que j'occupe encore aujourd'hui, je n'avais pas réalisé la proximité du cimetière...c'est quand j'ai vu passer le premier enterrement que j'ai réalisé...et en ce temps-là c 'était encore impressionnant.Le 1er novembre , notre rue mise en sans unique forcément était prise d 'assaut par les voitures, les piétons..et cela durait toute la journée,c 'était un spectacle en soi bien que le mot soit inapproprié.J'invitais ma grand-mère et nous regardions...tout en réfléchissant au sens de la journée et en évoquant des souvenirs..les années ont passé...aujourd'hui , la rue est toujours bien nettoyée et mise à sens unique mais plus d'encombrement...les gens sont partis en vacances..tout simplement..sans doute sont-ils passés plus tôt...peut être viendront-ils après..qui sait?Ce 1er novembre 2012 fut une journée froide et pluvieuse et il n'y eut pas de "spectacle"...ce fut une journée ordinaire et c'est bien triste...
    Je suis passée à san Michele le 17 octobre, il faisait très beau, j'aime bien y aller, c'est une halte sereine qui me conforte dans l'idée que s'il ne faut pas oublier ceux qui ont fait partie de notre vie, il faut surtout beaucoup aimer "les vivants" avant que...
    PS.15 jours de congé, vous êtes vraiment gâtés!Chez nous, une semaine...

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    1. Oui c'est tout à fait cela Danielle, le 1er novembre se meurt !! et les traditions, pas forcément très marrantes mais pourtant nécessaires, se carapatent ! On le fait, comme nous, avant ou après, voire on finit par ne plus le faire du tout, au motif, fort évident, que les morts n'ont cure de nos fleurs ! Mais ces fleurs, symbole, mémoire, pensée, hommage, sont autant de gestes qui ne devraient pas se perdre... La Toussaint, une journée ordinaire dans les cimetières et une journée chargée dans les lieux touristiques, bon, ainsi va le monde mais ce n'est pas un gage de réussite humaine !!

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  2. Je suis tout à fait d'accord avec toi en ce qui concerne les congés, c'est bien c'est sûr mais encore faut-il pouvoir en profiter et je me demande si trop de congés ne tue pas le plaisir.
    Il est vrai que par la force des choses j'y suis toute l'année donc je ne dois certainement pas pouvoir comprendre.
    Les cimetières sont toujours très beaux après la Toussaint, colorés, propres, presque gais. Je "fréquente" beaucoup les cimetières dans mes balades, d'abord pour m'imprégner de l'atmosphère de la ville où du village que je traverse, essayer d'en retrouver la mémoire, et surtout pour le statuaire.
    Mais quelle désolation 15 jours ou 3 semaines après lorsque le soleil et le gel ont fait leurs œuvres destructrices et que pour 11 mois plus personne ne viendra.
    Devoir (c'est bien le mot ou plutôt le verbe) de mémoire certes mais bien furtif et de moins en moins entretenu.
    Hier en lisant le billet d'Anne une phrase de Cocteau s'est imposée à moi.
    " Le vrai tombeau des morts c'est le cœur des vivants".
    Alors tous les jours de l'année, je fleuris mon cœur et à la Toussaint j'oublie le cimetière. Mes pas m'y conduisent quelques temps après. Bien sûr les cimetières d'ici sont heureusement presque aussi festifs que ceux d'Italie, nous avons déjà cette "chance".
    Merci pour ce joli billet.
    Grosses bises et joli vendredi.

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    1. Je partage avec toi Mireille, le besoin d'aller faire un tour au cimetière quand je visite un lieu, avec cette impression qu'en ayant salué les disparus on connait un peu mieux les vivants : noms des familles, enfants morts en bas âge, disposition dans le cimetière, ostentation ou discrétion des tombes... bref, cela dit un peu de l'esprit du lieu !

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