mercredi 9 janvier 2013

GRAND PALAIS : HOPPER



Quand j'ai voulu offrir à Koka pour son petit Noël une carte Sésame, cette demoiselle, pardon, jeune dame, m'a vertement répliqué "ah non, "on" n'aime pas les expos du Grand Palais"... j'ai trouvé la donzelle un peu minaudière et me suis demandé ce qui valait à l'organisme ces foudres sans appel. Peut-être, me suis-je dit depuis, la propension à faire des événements à partir de sujets qui ne le méritent guère. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti en sortant de visiter "Edward Hopper". Pas de doute, les publicitaires ont bien fait leur boulot et l'exposition fait le plein. Impossible de se procurer une entrée, sauf au "marché noir", car c'est ainsi qu'on peut qualifier les vendeurs de EBay qui proposent des places allant jusqu'à 120 euros les deux !! Enchères à l'appui... On pouvait aussi sauter sur les 18000 places supplémentaires offertes à la vente au début des vacances, ou encore, s'offrir la fameuse carte Sésame, ce que je fis. Car j'avais très envie de la voir cette exposition, séduite par les reproductions flatteuses de ces icônes d'une Amérique moderne, aux villes hantées de figures solitaires, intriguée par l'ambiance irréelle de ces scènes hyper-réalistes, touchée par cette vision crue et sans fard des rapports humains et d'une intimité suggérée mais glaciale.


On prête volontiers au peintre des intentions que, manifestement, il n'avait pas, critique sociale, réflexion sur la solitude de nos civilisations modernes, une sorte de Paul Auster du pinceau. Mais rapidement le doute vous effleure : sommes-nous en face d'un excellent illustrateur, très doué par les couvertures de romans, plutôt intellectuels, les magnets et autres calendriers ou boîtes de bonbons, qui a su couvrir la surface de ses toiles de ces motifs bien construits, ou Hopper est-il un vrai peintre ? Nous ne sommes manifestement pas les seuls à nous être posé la question, témoin l'émission d'Alain Finkielkraut sur Culture il y a peu. Et, particulièrement quand on voit le succès des produits dérivés à la sortie, le doute s'instaure, malgré les affirmations forcément enthousiastes du commissaire de l'exposition.


Ce dernier, grand orchestrateur du succès commercial de la manifestation, a répondu par avance à ces objections en affirmant sa volonté d'inscrire le peintre dans la "grande histoire" de la peinture : il re-situe  Hopper parmi les plus grands : Pissaro, Marquet, Valloton, Degas sont présentés comme ses parrains en art. Il les aurait admirés lors de son séjour parisien et s'en serait inspiré. Voire... Mais le patronage est prestigieux et l'on admire, le parcours vaut au moins pour cela, l'exceptionnelle toile du Musée de Pau par Degas : un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans. 



Et dire qu'après son exposition par la société des amis des arts de Pau, où elle figurait pour 5 000 francs, sans avoir trouvé preneur, Degas fut très heureux qu'un ami obtint que Charles Lecoeur, conservateur du musée de capitale béarnaise lui en offrit 2 000 francs pour l'installer dans son musée. Il faut dire que ce pauvre Degas avait réalisé cette toile pour des collectionneurs anglais qui l'avaient refusée et elle lui restait sur les bras. Du coup, Degas ravi de l'aubaine écrit à Lecoeur « Je ne dois pas attendre plus longtemps. Je dois vous remercier bien vivement de l’honneur que vous me faites. Il faut aussi avouer que c’est la première fois que cela m’arrive qu’un musée me distingue et que cet officiel me surprend et me flatte assez fort. » Un chef d’œuvre pourtant que cette toile*, une symphonie de teintes d'une délicatesse étonnante, et de plus, un document d'un grand intérêt sociologique : elle dépeint les débuts du commerce né de la révolution industrielle et en tant que telle, représente un témoignage de première importance. Le cadrage, un peu en contre-plongée et très photographique, nous fait pénétrer (au sens propre, le spectateur vient juste de franchir une porte dont le chambranle est discrètement évoqué sur la gauche du tableau) dans une immense pièce lumineuse et encombrée où s'activent 15 personnages. Tous sont identifiés et je vous recommande l'excellent billet de Vincent sur Aid Art qui décrit la toile dans ses moindres détails.



Ce qui est le plus séduisant dans cette composition c'est essentiellement la couleur : la pièce baigne dans une luminosité presque aveuglante, le soleil brille à flot à l'extérieur et les grandes baies le laissent largement envahir ce bureau qui fourmille comme une ruche. Le blanc domine, il est partout : dans le journal qui marque centre stratégique de la composition, aux chemises des hommes, fermement encadrées du noir profond de leurs habits ou de leurs chapeaux, aux encadrements des verrières qui éclairent le fond de la pièce, dans les dossiers, les papiers, les documents...



...et aussi, et surtout dans cette masse floconneuse de coton que les acheteurs saisissent à pleines mains pour en apprécier la qualité. La partie basse du tableau est teintée d'un ocre jaune qui fait écho à cette lumière envahissante, presque dorée. La composition enfin, est close par cette teinte céladon, douce et parfaitement équilibrée, qui fait un contrepoint parfait aux teintes ensoleillées.



Ce vert très délicat, presque céladon, s'étale largement sur les murs de la pièce et est repris en échos élégants de-ci, de-là : sur le pantalon de l'homme affalé qui lit le Times Picayune, dans les registres posés sur le comptoir de droite, et aussi sur les murs de la pièce voisine, visibles au travers des baies à guillotine, largement ouvertes. 


Et dans cet ensemble baigné d'une suave harmonie, le coup de génie réside dans les quelques touches de bleu, lavande, posées à droite du tableau : un papier tout juste déplié mais qui parait vierge sur le gros livre de comptes ...


... et, dans la corbeille à papier, juste à coté d'une feuille très jaune qui en fait chanter la couleur ciel, ce qui fut sans doute l'enveloppe de cette missive mystérieuse, presque féminine dans un univers très masculin. 


Une dernière touche de bleu vient structurer cet ensemble d'un total équilibre chromatique, c'est le pantalon presque trop azuréen du personnage au chapeau melon, et en pardessus mastic qui se tient, les mains dans le dos, au fond du bureau, l'air inquisiteur. Et dire que cette toile "tout à fait spirituelle et devant laquelle on passerait des journées"** a eu tant de mal à trouver preneur !!



Et voilà que, quant à moi, je me suis égarée : autant vous dire que Hopper ne m'a pas fait forte impression. J'ai trouvé ses toiles vides, non pas d'un vide existentiel, qui prêterait à réfléchir, mais plutôt d'une ennuyeuse vacuité artistique. D'agréables illustrations, certes, parfois inventives, parfois astucieuses, mais sans plus. On constate qu'après avoir réalisé sa suite d'estampes, il devient un peu meilleur dessinateur, mais sur la fin de sa vie, on sent que sa technique se relâche, au profit d'exécutions rapides, sans doute provoquées par une cote grandissante. Sa texture est lourde, empâtée et aller jusqu'à prétendre, comme l'invité de Finkielkraut que si elles étaient bien peintes, les toiles de Hopper perdraient de leur intérêt, relève, à mon sens, d'un snobisme forcené et de bien mauvais aloi.


Quant à l'ambiance dépressive de ses toiles, elle est, certes, un marqueur indubitable, et aussi un trait de civilisation qui nous interpelle fortement. Il ne faut toutefois pas en exagérer la portée. L'hypothèse selon laquelle la semi-surdité de l'artiste l'aurait rendu un peu asocial, ou au moins mal à l'aise en compagnie, semble être finalement la meilleure explication au côté silencieux, abyssalement solitaire et triste de ces toiles. Des fables modernes qui ont finalement bien peu à raconter et qui s’accommodent trop bien de la reproduction. Au total, une excellente opération commerciale, les commissaires d'exposition ayant de plus en plus souvent tendance à faire monter la sauce pour créer le buzz.


NOTES

* Zola, qui n'était pas toujours très indulgent, massacrait pourtant joyeusement le peintre : « Ce peintre est très épris de modernité, de la vie intérieure et de la vie de tous les jours. L’ennui, c’est qu’il gâte tout lorsqu’il s’agit de mettre la dernière touche à une œuvre. Ses meilleurs tableaux sont des esquisses. En parachevant son dessin devient flou et lamentable. Il peint des tableaux comme ... le polytype d’un journal illustré. » (Zola, 1876, Le messager de l’Europe)


** Selon Armand Silvestre

L'exposition Edward Hopper, une des grandes réussites marketing de l'année 2012, se terminera le 28 janvier 2013 au Grand Palais

19 commentaires:

  1. je "rebondis" pour parler comme aujourd'hui sur le fait d'attribuer des intentions aux artistes, hier assistant à une conférence sur "les enfants du cinéma" de François-Guillaume Lorrain, et parlant de la guerre des boutons d’Yves Robert, il disait que ce film était un film montrant l'intelligence et le développement intellectuel des enfants face à la bêtise des adultes...primaires, (j'ai oublié le terme qu'il employait, j'ai vu ce film il y a longtemps...comme un film de divertissement, je fais partie des "primaires" de même un développement sur le comportement des adultes dans "jeux interdits" film de 1951, une attitude choquante certes mais à replacer dans l'époque...
    bonne soirée Michalaise

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    1. En effet Josette, on a tendance à vouloir en faire dire plus aux artistes qu'ils ne l'ont eux-mêmes pensé : la relecture "intellectualisée" des oeuvres donne parfois des "pédanteries" de première !! Je tiens le fait qu'on a un peu forcé la dose en ce qui concerne Hopper d'une spécialiste de littérature "sociale" américaine des années 50 qui dit que Hopper est loin de cet état d'esprit là. Je ne suis quant à moi pas apte à en juger ! Mais elle semblait fort affirmative, me disant qu'on lui en attribue bien plus qu'il n'a voulu en dire.

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  2. Bonjour Michelaise. Je n'ai jamais été attirée par le style de Hopper et ne ferai donc pas des pieds et des mains pour visiter cette expo (dont les tarifs d'entrée me semblent tout simplement "extra-terrestres")
    Par contre j'ai beaucoup aimé la découverte de ce tableau de Degas que tu nous as présenté avec tant de fins détails.
    C'était passionnant !
    Très bonne fin de semaine à toi

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    1. Le tarif dont je parle, ce sont des billets revendus sur Ebay, sinon c'est un prix "normal"
      Hier soir, Alter lisant mon article me disait "mais tu ne parles pas de Hopper, tu n'en as que pour Degas" !! en effet, c'est un peu une provocation de ma part, et en voulant replacer Hopper dans la lignée des "grands" le commissaire de l'exposition nous a offert une salle de "maitres" qui, eux, méritent le détour !! d'où cette longue description du Degas, qui est dans un musée de province (Pau) et qui est une pure merveille : des teintes !!!

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  3. Je n'ai pas pu la voir cette expo, mais en te lisant, cela ne me donne pas de regrets, je vais me contenter de tes comptes-rendus et des oeuvres vues sur le net!

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    1. Ce n'est que mon avis Eimelle, et tu liras sans doute bientôt un commentaire assassin de GF qui, lui, a beaucoup aimé !! Mais, en ce qui me concerne, en ce qui nous concerne car Alter a eu la même réaction que moi, nous sommes largement restés sur notre faim.

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  4. Oui, j'aurais tendance à dire moi aussi que ce n'est pas un billet sur Hopper, mais sur le tableau de Pau de Degas. J'ai éprouvé, pour ma part, une impression toute contraire à la tienne, cette expo m'a enthousiasmé au plus haut point, je ne connaissais pratiquement rien de Hopper, et j'y suis allé au dernier moment, pour faire plaisir à une amie qui me suppliait de la faire entrer gratuitement, car il n'y avait plus de places réservables et qu'il était hors de question qu'elle fasse la queue pendant deux heures dans le froid. Je ne vais pas discuter avec toi de savoir s'il s'agit ou non d'un grand peintre, j'ai mon idée là-dessus et toi la tienne, nos positions sont irréductibles et comme le dit la sagesse, de gustibus non est disputandum... en revanche, là où je ne suis pas d'accord avec toi, c'est la manière dont tu t'y prends pour discréditer cette exposition, en la qualifiant d'"excellente opération commerciale" et en te désolant, après d'autres, des produits dérivés tirés de l'exposition. Je pense que si la recette du succès commercial existait, tous les commissaires d'exposition la reproduirait et il n'y aurait sur terre que des exposition à succès. Or avec Hopper, rien n'était gagné d'avance et on ne peut que féliciter les commissaires d'avoir su rassembler et faire venir des USA autant de toiles et de les avoir présenter au public parisien, lequel ne s'y est pas trompé! On ne va quand même pas se désoler qu'une exposition marche, surtout quand il s'agit d'un peintre comme Hopper, peu connu du grand public... Je vais te titiller encore, mais Raphaël avec ses deux putti assis au pied de la Madone Sixtine a engendré en 5 siècles plus de produits dérivés que tout ce que Hopper a suscité au cours de cette exposition (il y a une article d'Arasse très intéressant sur le sujet que je pourrai t'envoyer si ça te dit!). La publicité est aussi vieille que le monde et le succès de cette exposition parisienne ne se réduit pas, selon moi, un argumentaire efficace et bien rôdé (ça voudrait dire que les gens sont des abrutis finis et qu'ils tombent dans le panneau de la publicité... personnellement, j'ai une vision plus charitable du public). Faisons le pari que si cette exposition marche du tonnerre de Dieu, c'est aussi (voire surtout) parce que nous sommes en présence d'un peintre de grand talent auquel le public a voulu cette fois rendre un hommage appuyé et mérité!

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    1. Pas besoin d'être un abruti fini pour tomber dans le panneau de la stimulation du buzz !! Je ne me surestime pas mais je sais qu'un argumentaire bien fait me "donne envie" et je crois que c'est très efficace sur nous tous... que de choses ne fait-on pas à l'heure actuelle, qui ensuite nous déçoivent un peu, moyennement, beaucoup, parce que simplement on a été bien stimulé !!
      Ceci étant tu as raison en parlant de goûts et de couleurs et si mon goût me portait naturellement vers l'oeuvre reproduite, que je trouvais très séduisante, celle "en chair et en os" (je veux dire en toile palpable, au moins avec les yeux) m'a déçue.
      Quant aux anges de Raphaël quoiqu'on fasse, les reproductions n'ont pas la qualité des originaux, alors que, justement, Hopper se prête fort bien à la reproduction, c'est cela dont je voulais parler : et non du nombre de produits dérivés. Les produits dérivés Hopper sont particulièrement attirants justement !

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  5. Tous mes voeux, Michelaise.
    Très heureuse de lire ton commentaire sur Hopper. Peut-être que, à Paris, serais-je allée voir l'expo, pour juger par moi même. Car les reproductions me laissaient assez perplexe, alors qu'on ne parlait que de ce "grand peintre".
    Donc pas de regrets. Et puis je n'aime pas ces grand' messes où se pressent les gens, et où il est quasiment impossible de se poser tranquillement devant un tableau.
    Bonne soirée à toi.

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    1. Alors là, c'est clair, se poser tranquillement devant un tableau n'était pas envisageable : il régnait devant les toiles une de ces cohues, qui, il faut bien l'avouer, n'en facilitaient pas l'accès.
      Et puis, quelque part, mon billet est là pour consoler "ceux qui n'en étaient pas" (de la cohue !) !!!

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  6. De Hopper, je ne connaissais que "Les oiseaux de nuit" (nous en avons une photo à la maison), avant que Jean ne m'offre un livre sur son oeuvre, à Noël.
    J'avoue que j'aime bien, sans qu'il soit pour autant mon "peintre préféré".
    Quant au côté marketing de l'expo parisienne, cela ne m'étonne qu'à moitié...

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    1. Ah là là, Norma, s'il me fallait dire quel est "mon peintre préféré", je crois que je passerai par une longue période de doute, de crise, d'hésitation et de frustration !!
      Pour le côté marketing, GF n'a pas tort, ce genre d'exercice comporte forcément une part de risque car rien ne dit que le public va suivre mais qu'il ait suivi est la preuve que le jeu en valait la chandelle ! On en parle ... mais j'ai croisé beaucoup de gens déçus, aussi, preuve que l'enthousiasme n'est pas forcément toujours au rendez-vous.

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  7. J'aime beaucoup l'univers de Hopper, ses lumières, ses visages, son évocation de l'Amérique à une certaine époque. Le rapport au cinéma - ah, la maison de "Psychose"! - a plutôt du charme, non ? J'ajoute que, si le marché de l'art n'a pas force de loi dans le domaine artistique mais économique, comme vous le démontrez, il peut exister des concordances (les galeristes, les collectionneurs, les conservateurs, ne se trompent pas toujours...). Bref, je vous envie d'avoir vu cette exposition et je vous remercie de votre compte-rendu sincère.
    Bonne soirée, Michelaise!

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    1. Heureusement qu'il existe des concordances Anne, et les galeristes, collectionneurs, conservateurs et ... pardon de l'ajouter, spéculateurs, font parfois mouche, et c'est tant mieux ! C'est rassurant.
      Quant au fait d'en parler, sans acrimonie mais sans l'enthousiasme de rigueur, cela me semblait nécessaire dans le concert de louanges et pour rassurer ceux qui se sont sentis frustrés de n'y avoir point accès. Cela m'a permis de dénoncer aussi les vendeurs sur Ebay qui monnayent à prix d'or des entrées au motif que c'est complet !

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  8. Superbe expo !

    J'ai bien aimé votre critique, elle est directe et sensée quoique je ne la partage pas. Je suis trés sensible aux toiles d'Hopper, à sa technique, sa lumiére, ses couleurs et ses thémes. L'expo m'a "remué l'âme" pourrais-je dire, et là, seul auparavant Chagall m'avait procuré la même émotion.
    par contre bien sûr Degas peint trés trés bien, trés belle technique avec force détails mais bon; pas d'originalité, il faut l'avouer, juste un témoignage de son époque, et encore: pensez-vous que la scéne du bureau de coton soit réelle, on m'a dit que tous ces personnages n'étaient bien sûr pas au même moment dans la piéce, mais à des heures différentes de la journée et que Degas serait resté à chaque heure spécifique de chaque jour pour croquer chacunes de ces personnes. merci de me confirmer ?

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    1. Phiff je suis contente de vous lire, d'autant que vous aimez Hopper et que vous me concédez le droit de n'avoir pas vibré comme vous !! Bienvenu donc.
      Oui, vous avez tout à fait raison, Degas n'a pas peint un moment précis mais une succession de moments et d'observations.
      Il n’est pas question, dans cette toile qu’on pourrait qualifier, à la manière ancienne, de « toile de genre », de réalisme photographique. Même si le cadrage, avec un point de vue légèrement surplombant, est de type photographique (Degas pratiquait la photo), l’ensemble est très travaillé et ne prétend nullement être un instantané. D’ailleurs Degas a « accumulé » dans un espace relativement restreint, même si une perspective oblique tend à « tricher » pour en agrandir l’effet, 14 personnes ! Autant dire qu’il lui fallait une sacrée inventivité pour que cette petite foule ne soit pas contrainte dans un si petit espace. Et sa « mise en scène » ingénieuse est aussi, très intellectualisée. Ce qu’il veut ce n’est pas un rendu précis du bureau, à une heure donnée de la journée (donc avec tous ces personnages effectivement présents) mais un compte-rendu visuel, sensible, presque palpable de l’activité du lieu. Et il y parvient de façon étourdissante en jouant sur les postures des uns et des autres. Regardez l’attitude des personnages, l’inclinaison des corps, les ancrages dans l’espace de chacun d’entre eux : c’est cette combinaison qui donne mouvement et réalisme à un ensemble (rappelons nous que Degas était un spécialiste aussi des champs de courses !!) qui n’est pas viable dès lors qu’on prétendrait en faire une réalité !! Trop de monde !! Cette mise en place, qui n’est pas peinte « sur le motif » est basée sur la mémoire visuelle de l’artiste : Degas a retranscrit en atelier les impressions de fourmillement de vie qu’il avait ressenties dans les locaux de la Nouvelle Orléans. Mieux, les différents protagonistes semblent ne pas avoir conscience de la présence du peintre, ce qui accentue l’impression de vérité. Donc pas de doute, Degas a vraiment passé du temps dans le bureau, il a observé, il a emmagasiné des images, des sensations et, ensuite, sans forcément peindre une scène « réelle », où tous les personnnages auraient été dans ce bureau ensemble, il nous a « rendu » sa perception de l’espace, de l’activité, du temps (le soleil qui gicle à travers les croisées !!), une atmosphère un peu fébrile mais feutrée, sans agitation superflue mais très affairée. Et c’est justement tout le talent de Degas que de nous rendre une ambiance sans pour autant faire poser ses personnages, et sans, non plus, copier le réel. Son bureau est très réaliste mais pas réel !

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  9. Eh bien moi j'ai beaucoup aimé cette exposition et le côté marketing je m'en fiche complètement on est assez grand pour ne pas se laisser influencer il me semble .
    Et il n'y a pas eu davantage d'opération marketing pour cette expo que pour n'importe quelle autre organisée par les RMN
    Un opus Notes & Articles de Hopper est très intéressant .
    Cet opus comprend un chapitre dans lequel Hopper répond à C H Sawyer lequel lui demandait d'expliquer la peinture avec des mots
    "...Pour moi forme couleur et dessin ne sont que des moyens au service d'une fin,les outils avec lesquels je travaille,et ils ne m'intéressent pas beaucoup en eux-mêmes.Je suis avant tout attentif au vaste domaine de l'expérience et des émotions dont ne peuvent rendre compte ni la littérature ni un art purement formaliste...La peinture qui ne se préoccupe que d'accords chromatiques d'équilibres graphiques m'est totalement étrangère...Ces espaces "hors cadre"conditionnent toujours l'espace même très limité que le peintre vise à représenter ,bien que je sois persuadé que tous les artistes n'en ont pas conscience..."
    J'aime Hopper tout comme j'aime Hammershoi pour lequel on s’interroge descendant de Vermeer ou précurseur de Hopper ?
    Je te conseille d'écouter cette émission et de lire le livre de Cueff ,dans lequel il aborde "le déjà vu" des tableaux de Hopper

    Ce film de Arte est je trouve très bien fait

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    1. Merci Françoise pour toutes ces informations et tous ces liens qui complètent utilement le billet ! Et je suis ravie que l'exposition t'ait plu ! D'autant que, grâce à tes entrées "spéciales" tu as dû pouvoir la voir dans de meilleures conditions que le vulgum pecus !!!

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    2. Je n'ai pas fait la queue c'est tout mais je n'ai pas eu une visite privée !!!!

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