mardi 29 janvier 2013

QUELQUES TOILES



Réalisé par Miguel Gomes 
Avec Teresa Madruga, Laura Soveral, Ana Moreira ...


J'aurais tendance à dire "Attention chef d’œuvre", mais si j'en juge par les bâillements de ma voisine, auxquels répondaient en contrepoint parfait ceux de celle d'Alter, il me faut vous mettre en garde : cet avis ne se prétend nullement universel !
Ce film portugais, quel bonheur que cette langue, est d'une classe et d'une esthétique irréprochables. Après un bref prologue, deux parties. La première, contemporaine, peint avec réalisme et une vraie finesse trois femmes au caractère bien trempé. Leur solitude est palpable et leur difficulté à se "rencontrer" fort bien saisie. Il y a une vraie tendresse, un véritable humanisme dans le portrait de ces voisines de palier dont l'une sera l'héroïne de la deuxième partie. Car elle meurt, trop tard pour revoir celui qui va, en voix off, nous raconter ensuite son histoire, leur histoire.
Le trait de génie du réalisateur est de n'avoir point sacrifié à la convention "couleur pour le présent, noir et blanc pour le passé". Tout le film est en noir et blanc et cela crée une confusion bienvenue, on ne peut pas oublier le passé, quelque volonté qu'on ait de le faire.




Miguel Gomes a choisi, pour cette deuxième partie, de la présenter en images muettes, la voix du vieil amant nous racontant sans emphase leur folle passion. Cette sobriété sied au récit qui, sans cela, paraîtrait mièvre. Le charme de la langue portugaise, une bande son parfaite donnent à cette narration un côté envoûtant, presque captivant, subtilement souligné par le fait que le metteur en scène a choisi de conserver tous les bruitages, une goutte d'eau, une voiture qui démarre, le vent dans les blés, les chants tribaux... on entend tout de la scène qu'on voit, sauf les paroles des protagonistes. Les mots se sont effacés, seuls les visages restent. Grâce à cet plan de montage, on sait, dès le départ, que, pour les amants, tout est perdu. Mais l'histoire n'est pas fade, car l'on sait aussi que l'héroïne était une joueuse, et qu'elle perd, elle perd toujours, malgré ses rêves qui lui dictaient la voix du bonheur, rêves mensongers ou factices.




Les images sont absolument superbes. Le noir et blanc est utilisé dans toutes ses nuances, dans toute sa palette, esthétique, triste et nostalgique. C'est bourré de trouvailles, d'images qui se superposent, créent la surprise, s'enchainent et nous ravissent. Le film, tourné en 16mm, a donc une dimension écran modeste, 4/3, on n'en a plus l'habitude, et c'est très adapté au récit.
C'est un film sur l'amour, bien sûr, passionnel, dévastateur et destructeur. Mais il parle aussi de la solitude, de la vieillesse, de la folie de la jeunesse, de l'Afrique, de la décolonisation... C'est très raffiné, très délicat et, quoique d'une beauté formelle époustouflante, pas affecté ni gratuit. Juste prenant. Vous pouvez rester totalement hermétique à la poésie de ce film, certains ont détesté la première partie, pourtant nécessaire et éclairante. Mais si vous adhérez au propos de l'auteur, vous passerez deux heures en apesanteur. La saudade à l'état pur, en images !



Réalisé par Joe Wright 
Avec Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson ...



Tourner le roman de Tolstoï, filmé en 27, 35, 48, 75 et tant d'autres fois, relève de la gageure. Comment faire original sur une histoire que tout le monde connait, fut-ce par ouïe-dire, et dont il existe tant d’adaptations cinématographiques. Le réalisateur a décidé de raconter son film dans un théâtre où les différents décors s’enchaineraient à la façon d'un labyrinthe et où l'on passe de l'un à l'autre en récréant un espace, par définition factice et restreint. Comme sont factices les relations dans cette société hypocrite et pharisienne. L'idée est bonne, et cela donne à tout le début du film une ambiance très chorégraphiée qui renouvelle agréablement la lecture de Tolstoï. Cette idée de base est fort bien maîtrisée et les successions de décors qui permettent de passer de l'intérieur à l'extérieur, de suivre un personnage d'un endroit à l'autre sans le lâcher de la caméra, sont toujours inventives.




Le scénariste a fait le choix de ne conserver du livre que l'histoire d'amour, laissant de côté toutes les autres problématiques. Il en résulte, à mon sens, des dialogues d'une assez grande pauvreté, mais bon, ne soyons pas bégueules et vautrons-nous dans le romantisme. Et là, nous en avons pour notre argent : une débauche de costumes, des kilomètres de tissus brillants, somptueux, scintillants, des toilettes à couper le souffle, l'équipe d'habillage de ce film a dû en voir de toutes les couleurs pour gérer tout cela. Mais, malgré le joli minois de Keira Knightley, l'allure très respectable de Jude Law et une débauche hollywoodienne de moyens, je me suis vite ennuyée. C'est long, les scènes se succèdent, on a envie que ce soit la dernière, mais non, encore une. La bande-son, romantique en diable mais répétitive à en devenir rengaine, n'est pas gênante mais elle affadit le propos. Bref, si vous avez deux heures et demie à tuer, et pas une passion pour Tolstoï, si vous avez envie de vous esbaudir sur une collection de bijoux digne d'un musée de la joaillerie, si les robes de bal vous font rêver, allez-y !! Sinon, bof ...



Joyce DiDonato interprète le rôle-titre de la rebelle Marie, Reine d’Ecosse. La soprano sud-africaine, Elza Van Den Heever, fait ses débuts sur la scène du Met dans le rôle de la redoutable rivale, la Reine Elizabeth I. Maurizio Benini dirige une distribution exceptionnelle qui comprend également Francesco Meli dans le rôle du comte de Leicester, Joshua Hopkins dans celui de Lord Cecil, et Matthew Rose dans celui de Talbot.


Ma troisième toile est un opéra. Projeté dans le cadre des retransmissions du Metropolitan Opera de New York, ce fut, comme toujours, une superbe soirée. Magnifiquement installés dans des fauteuils d'un confort incomparable (ah les sièges d'opéra, quelle galère), bénéficiant d'une vision totale de la scène, du jeu des acteurs, et de la moindre de leurs inflexions, abreuvés de champagne à l'entracte, profitant d'un son très convenable, voire de grande qualité, nous aimons nous embarquer vers NY une ou deux fois par mois. Si vous aimez l'opéra, cherchez bien, il y a forcément un "MET" pas loin de chez vous. La formule plait, marche et se déveloope. L'amélioration sensible des prises de vue, nettement plus riches qu'elles ne l'étaient les années passées, perfectionne encore cet "opéra du pauvre" qui fait nos délices.




Quand, en prime, on bénéficie dans le rôle titre de Joyce DiDonato, c'est le bonheur absolu. Que cette femme est belle, et l'écouter est une vraie gourmandise pour l'oreille. Elle est impressionnante de puissance, ardente, mais aussi feutrée, émouvante, humaine. Sa voix, pleine de nuances vocales et dramatiques, monte, enfle, file, s'épanouit et nous transporte. En effet, non seulement sa technique vocale est parfaite, mais elle joue admirablement. Mais non, je n'en fais pas trop, Joyce DiDonato est en passe de devenir, aux États Unis, une prima donna assoluta, et elle le mérite ! Son visage mobile, expressif, tour à tour charmeur et inquiet la rend lumineuse et aérienne, et l'on est pris par la magie de son timbre.
Si l'on ajoute que toute la distribution était de qualité, que la direction de Benini était, comme toujours, au cordeau, et que la mise en scène de David McVicar très belle et d'un goût parfait (ce qui n'est pas toujours le cas au Met où c'est parfois un peu "ringard") vous comprenez mon enthousiasme. D'autant que je connaissais pas cet opéra de Donizetti, récemment ( euh... dans les années 70 !!) remis au plan et que je l'ai découvert avec un réel plaisir.



Alors, bien sûr, vous ne pourrez plus entendre Marie Stuart cette année, car les séances, en direct, (cela ajoute un petit plus, fut-il psychologique), sont uniques. Mais laissez-vous tenter par les retransmissions du Met, vous y reviendrez.


8 commentaires:

  1. Je suis arrivée trop tard aujourd'hui pour la séance de Tabou à la place j'ai vu Jours de pêche en Patagonie,bof,bof,bof
    Anna Karénine je n'ai pas aimé du tout ,je n'ai pas apprécié cette "mise en scène" cette "odeur de décors à plein nez"

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    1. Il y avait des idées originales dans Anna, mais c'était en effet très artificiel. Jours de Pêche en vue

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  2. J'ai beaucoup aimé ce film poétique, quel plaisir de voir un film si photographique! Le destin souvent ne tient qu'à un fil !
    Marie Stuart ! Tu as dû te régaler ! Je vais surveiller les sorties !
    Anna Karenine ne me tente pas trop mais...
    J'ai suivi tes trois séances sur l'art moderne mais les toiles ne m'ont pas emballée sauf l'intrus !!!!

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    1. Si déjà cela ne tente pas trop, cela va te paraître vraiment longuet ! quant à l'art abstrait, cela ne plait pas toujours, en effet et rien que de très normal à cela

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  3. Je vais donc faire mon choix maintenant. Merci Michelaise.

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    1. Pas mal de bonnes toiles en ce moment Alba, bon ciné...

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  4. TABOU
    L ANALYSE EST AUSSI TALENTUEUSE QUE LE FILM

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