mercredi 20 février 2013

LE PROPHÈTE DE SOUILLAC : l'écrin


Je vous l'accorde, pas facile de savoir où se trouve Michelaise, un jour à Rome, le lendemain sur le port de Meschers, un petit tour par Paris, la voici maintenant en Quercy. Vous l'avez compris, ces billets sont surtout l'occasion de cultiver le souvenir et, parfois, de développer un peu plus longuement des émotions ou des découvertes. Et côté émotion, la superbe abbatiale de Souillac mérite qu'on en parle longuement.
Ce qui frappe quand on la découvre lors d'une première visite, c'est l'ampleur de son abside, digne des plus beaux développements architecturaux qu'on croise ici et là quand on visite notre belle France. C'est à Saint Géraud, comte d'Aurillac qui laissa à sa mort, au début du Xème siècle (environ 909), la moitié de ses biens aux moines dont il était l'abbé, qu'on doit la première installation de cet établissement, qui prit très vite une très grande ampleur. Les biens légués prospérèrent rapidement sous la bonne gestion des religieux et une colonie de moines vint s'installer au confluent de la Borrèze et de la Dordogne, pour y établir un monastère : on parle en ces lieux dès 930 d'une cella, consacrée à Notre-Dame de l'Assomption, dont le doyen portait le titre de "premier religieux d'Aurillac". 




Géraud de Saint Céré prend la charge de la communauté en 962 et y fait sans doute construire la première installation, de taille modeste. C’est cet ouvrage qui sera agrandi au XIème siècle et recevra un transept et une tour occidentale. La nouvelle discipline imposée aux moines donne confiance à la population, celle-ci bénéficiant par ailleurs de la prospérité économique qu'apportent les religieux. Et, pendant le même temps, les pèlerins se dirigeant vers Saint Jacques de Compostelle sont de plus en plus nombreux. La construction d'un bâtiment plus important s'impose. Ses maçonneries anciennes disparaîtront ensuite complètement sous les reprises du XIIème siècle mais la tour qui s'élève encore au flan de l'église remonte à cette origine carolingienne. Ce qui en fait sans doute un des vestiges monastiques les plus anciens de la région. Au cours des travaux de consolidation menés au milieu du siècle dernier sur la tour, on découvrit un cimetière, établi sous le seuil d'accès, ainsi que l'amorce de deux murs préromans, correspondant sans doute au premier sanctuaire carolingien établi en ces lieux. La tour était selon tout vraisemblance un clocher porche, tenant lieu de narthex, et fut ensuite surélevée vers le XIVème siècle. Dans la tour, selon la formule classique, se superposaient deux salles : celle du bas servant d'entrée et, en haut, une chapelle supérieure consacrée aux archanges (Saint-Michel). A sa suite, ainsi que les amorces découvertes au moment des travaux le laissent supposer, s'étendait une longue nef détruite lors de la construction de l'abbaye actuelle.

En effet, l’ouvrage devint vite exigu et fragile, avec ses charpentes apparentes qui se chargent des dépôts graisseux laissés par la fumée des cierges. Le risque d'incendie, voire "la mode" et l'inspiration véhiculée par les maitres d 'œuvre qui parcouraient les chantiers, donna aux moines le désir de reconstruire, et de doter leur nouvelle église de voûtes, plus belles et plus sûres. On ne conserva des bâtiments anciens que la tour, qui nous permet d'admirer ici un survivance vraiment antique de la première installation religieuse en ces lieux.

On voit sur le côté droit de la photo, la tour carolingienne qui flanque encore l'entrée.
Les plans proviennent de l'excellent article de Philippe Gavet, ici.

L'érection de l'église de Souillac semble avoir suivi de près celle de Cahors, et l'on retrouve, dans le plan, des indices de l'inspiration du maître d’œuvre. Bien que de dimensions plus réduites que la cathédrale cadurcienne, l'abbatiale présente la même nef avec une double travée, de hautes piles servant de socle aux arcades et surtout, une série de coupoles sur pendentifs qui montrent que le modèle avait impressionné l'architecte. Mais l'homme de l'art ne se livra pas ici à une copie servile, et, mieux, il allégea le modèle, tout en gardant une grande pureté et une parfaite sobriété à l'ensemble.

Envie de visiter l'église de Souillac en vision panoramique ?? Cliquez ici.


La lumière, largement épandue dans le vaisseau, semble gonfler les coupoles et les verticales qui scandent les murs de la nef donnent un sentiment d'ouverture vers le ciel. Après deux travées carrées, la croisée du transept attire le pèlerin vers le sanctuaire. La lumière s'y fait pénombre et, autour d'une sorte de déambulatoire surélevé, s'ouvrent les chapelles rayonnantes du chevet. Celles-là mêmes qui ont attiré le visiteur à pénétrer dans le sanctuaire puisqu'elles sont, à l'extérieur, parfaitement dégagées et d'une ampleur remarquable. Très bénédictine !!!


 
Une décoration digne d'attention se déploie autour du sanctuaire : bases des colonnes à double moulure, chapiteaux aux fenêtres et aux arcades déclinent palmes, feuilles d'eau, oiseaux affrontés et même quelques beaux sujets symboliques : comme un hibou attaqué par des colombes ou un guetteur émergeant des feuillages.  Les hommes s'y font dévorer par des monstres doux et débonnaires, les végétaux se tordent en volutes décoratives du plus bel effet.


Quelques scènes historiées viennent même compléter cet élégant ensemble, comme un Daniel flattant deux énormes lions, deux jeunes garçons aux prises avec des monstres qui ressemblent vaguement à des ours ou, surtout, une délicate Annonciation.


Admirez le pudique mouvement de recul et de crainte de la Vierge qui, pourtant, tend vers l'Ange une dextre confiante et largement ouverte. Elle incline modestement la tête pour entendre le message de Gabriel. Ce dernier, les ailes encore palpitantes et tout juste arrivé sur le chapiteau - son pied droit semble presque déraper dans l'atterrissage forcé qu'il vient d'effectuer - jubile littéralement à la bonne nouvelle qu'il apporte à la jeune femme. Il brandit sa croix, bénit abondamment et sourit largement, tout son manteau flottant avec grâce autour de lui !

Pourtant ce n'est pas cet ensemble décoratif de grande classe, ni cette architecture lumineuse et sereine qui font la réputation artistique de Souillac... ni même les sarcophages découverts dans les fouilles de 1948, dont l'un présente de superbes fragments d'un chancel carolingien. Souillac est célèbre pour un autre ensemble sculptural de première qualité, presque caché au revers de sa façade, visible pour qui, en entrant, se retourne vers l'entrée... et que je vous présenterai dans un prochain article.



4 commentaires:

  1. La tour carrée de ta deuxième photo est dans la lignée des tours de guet et de défense mises en place par l'abbaye d'Aurillac comme celles de Saint Simon,Naucelles....
    Ce fut un sujet de dispute avec le Gentilhomme il voulait que notre union soit célébrée à Souillac et moi à Loubressac
    Ce que femme veut .....

    RépondreSupprimer
  2. Vous aviez raison tous les deux pour le choix du lieu !! il eut fallu donc, vous marier deux fois !!

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  3. Réponses
    1. Merci Noune ... toi la bretonne, je me demande si tu connais le Quercy ?? magnifique en effet !

      Supprimer

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