vendredi 8 mars 2013

NOUS Y ÉTIONS ....

... sans le savoir, et surtout sans le vouloir !! Nous nous étions dit : " Une zone à éviter si l'on ne veut pas périr étouffés ces jours-ci, ce sera le Vatican".
Logique, arrivant à Rome le 28 février, jour annoncé de la fin du pontificat de Benoit XVI, il était préférable d'éviter la place Saint Pierre et ses fastes de dernière minute. Et puis... ça c'est Rome... un pas entraînant l'autre, on se retrouve souvent là où l'on n'avait pas prévu d'être...


Il faut dire que nous avons succombé au charme indéniable et toujours neuf du ponte Sant'Angelo. Comment snober, quand on passe à côté, le coucher de soleil sur le Tibre et ses lumières ensorceleuses sur les 10 statues du "Bernin"* et consorts ?? 

  • Ange à la colonne d'Antonio Raggi, avec l'inscription « mon trône était une colonne de nuée » (« tronus meus in columna », Siracide 24:4)
  • Ange au fouet de Lazzaro Morelli, avec l'inscription « je suis prêt au châtiment » (« in flagella paratus sum », psaume 38:18)
  • Ange à la couronne d'épines, copie du Bernin par Paolo Naldini, avec l'inscription « dans mon angoisse, tandis que l'épine s'enfonce » (« in aerumna mea dum configitur spina », psaume 31:4)
  • Ange portant le voile de sainte Véronique de Cosimo Fancelli, avec l'inscription « regarde la face de ton Oint » (« respice faciem Christi tui », psaume 84:9)
  • Ange portant un vêtement et des dés de Paolo Naldini, avec l'inscription « ils tirent au sort ma tunique » (« super vestimentum meum miserunt sortem », psaume 22:19)
  • Ange portant des clous de Girolamo Lucenti, avec l'inscription « ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé » (« aspicient ad me quem confixerunt », Zacharie 12:10)
  • Ange à la croix d'Ercole Ferrata, avec l'inscription « l'insigne du pouvoir est sur son épaule » (« cujus principatus super humerum eius », Isaïe 9:16)

  • Ange portant le titulus INRI, copie du Bernin et de son fils Paolo par Giulio Cartari, avec l'inscription « Dieu a régné par le bois [de la croix] » (« regnavit a ligno deus », de l'hymne Vexilla regis de Venance Fortunat, citation fautive du psaume 96:10)
  • Ange à l'éponge de vinaigre d'Antonio Giorgetti, avec l'inscription « ils m'abreuvent de vinaigre » (« potaverunt me aceto », psaume 69:22)

  • Ange à la lance de Domenico Guidi, avec l'inscription « tu as blessé mon cœur » (« vulnerasti cor meum », Cantique des Cantiques 4:9)

Voilà comment, de fil en aiguille et d'ange en ange, nous nous sommes trouvés à deux pas de l'église Saint Pierre. Nous étions à contre-courant : une foule compacte remontait vers le Tibre, et, manifestement, il venait de se passer quelque chose. Pourtant, la dernière audience papale avait eu lieu la veille, et nous ne savions pas qu'en ce 28 février 2013, 17h, une dernière "action de communication" avait été organisée par la Cité du Vatican.

 Partout des tribunes brillant de mille feux, des micros, des trépieds, des caméras, la moindre terrasse prise d'assaut et sans doute louée à prix d'or, et des gens parlant, gesticulant, interrogeant, répondant ... on s'est demandé s'ils allaient rester là, leur téléobjectif braqué sur Saint Pierre, jusqu'à l'apparition de la fumée blanche !


La place se vidait peu à peu au fur et à mesure que nous avancions, et à notre arrivée, à part des hordes de journalistes très agités, interviewant tout ce qui portait soutane, elle était presque d'un calme plat. Cela nous a permis, chose quasi impossible en temps normal, d'accèder sans faire la moindre queue à la basilique Saint Pierre, de la (re) visiter dans les moindres détails, de s'esbaudir sur la Pietà de Michel-Ange sans la moindre concurrence et de quitter les lieux éblouis par les fastes vaticans, visités dans un calme extraordinaire, sans avoir subi la moindre presse ! Comme quoi, il faut se méfier des idées préconçues.


La première fenêtre sur la droite de la façade du palais surplombant la place Saint-Pierre, celle de la chambre du pape à moins que ce ne soit cette de son bureau privé d'où, chaque dimanche et jour de solennité, il récite l'Angélus avec les pèlerins, était encore éclairée. Quelques bonnes sœurs la contemplaient avec émotion, le nez en l'air, pendant qu'à l'intérieur, des pèlerins agenouillés devant le nouvel autel dédié à Jean Paul II priaient avec ferveur pour que l'Église ne se noie pas dans les ratiocinations qui pourraient menacer le futur conclave.

Le taxi que nous avons pris ensuite, pour regagner notre appartement, nous a pris, allez savoir pourquoi (!!), pour des journalistes. Il s'est étonné de notre ignorance et nous a annoncé nostalgiquement qu'à 20h, Benoit XVI ne serait définitivement plus pape : il venait de quitter le Vatican en hélicoptère, terminant son pontificat par une inhabituelle opération de communication, assaisonnée d'un dernier tweet (mais si, je sais ce que c'est !! enfin à peu près...). Cette mise en scène a, nous dit-on, été orchestrée par un ancien journaliste de Fox News recruté par le Vatican comme conseiller en communication. Il parait que l'hélico après avoir quitté le Vatican a survolé le Colisée avant de rejoindre Castel Gandolfo, où le pape adressa à la foule ravie son dernier salut !

Dans la chapelle funéraire de San Lorenzo in Lucida, 4 bustes émergent de cadres de marbre, et l'éblouissant contraste entre le talent de Bernin et le côté besogneux des 3 autres vaut, à lui seul, le détour ! Un des trois est exécuté avec une certaine aisance pour un élève du Bernin, et on le repère tout de suite.

Le lendemain, assistant à une fin de messe à San Lorenzo in Lucida (il s'agissait là encore d'admirer une statue du Bernin, et la messe étant en cours, nous avons sagement attendu la fin pour aller voir le buste du physicien Gabriele Fonseca... entouré de faire-valoir qui démontraient, s'il en était besoin la virtuosité du maître), nous avons eu droit, au moment des intentions, à une première !! Pour les non pratiquants, j'explique : durant la messe, on prononce ce qu'il est convenu d'appeler "la prière universelle". Et cette prière commence par une intention dédiée aux piliers de l’Église Catholique : on prie donc, logiquement, pour le Pape "en cours", les Évêques, les missions, les vocations, etc... Et quand on n'a plus de pape ? Et bien on prie pour ""Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite"... Une particularité qui ne va pas durer très longtemps, si tant est que les cardinaux arrivent à se réunir bientôt en Conclave !

Modeste manifestation devant le siège du Parti Démocrate, d'un mouvement qui réclame un "vrai" maire et qui veut "relancer" Rome, en faire une capitale européenne et qu'elle soit gouvernée "proprement"

Et voilà !! nous étions dans une ville sans pape et sans gouvernement !! Les italiens se sentent un peu bizarres en ce moment ! Et certains même ont suggéré, en désespoir de cause, qu'on propose à Joseph Ratzinger le poste de premier ministre. 


Il faut dire qu'entre Beppe Grillo qui a passé le week-end à gambader devant les journalistes, aux alentours de sa villa de Marina di Bibbona, encapuchonné sous un bonnet à pompons orné d'énormes lunettes noires le faisant ressembler à une mouche martienne et le très "honorable" Berlusconi qui vient d'écoper d'un an de prison, il y a de quoi être inquiets pour l'avenir du pays. Alors savoir que Benoît XVI se promène dans les jardins de Castel Gandolfo portant soutane, parka, écharpe et même une casquette avec visière, le tout blanc ... et élucider gravement le problème de la couleur de ses chaussures (marron ou rouges ?) finalement, ça rassure !!



* En fait, les deux seules statues "du" Bernin qui ornent le pont (l’Ange à la couronne d’épines et l’Ange portant le titulus INRI) sont des copies des originaux qui, jugés trop beaux pour être exposés aux intempéries, ont été mis à l’abri très tôt dans l'église Sant’Andrea delle Fratte.
Par contre le Pont lui-même a été conçu par le Bernin. C'est Clément IX qui en a ordonné les travaux à la fin des années 1660 et il lui en a confié la maîtrise d'œuvre. Le Bernin propose, pour faire profiter les passants de la vue sur l'eau, une balustrade ouverte, solution alors innovante à Rome pour les ponts en pierre. Le centre du pont est encore constitué par les arcades du pont romain, renforcées par des contreforts, pour leur permettre de mieux résister au courant en cas de crue. C'est encore au Bernin qu'on doit l’iconographie du pont, transformé en chemin de croix symbolique en ornant le parapet de dix statues d'anges portant les instruments de la Passion.


2 commentaires:

  1. Vous êtes vraiment tombés au "bon" moment pour l'immersion dans l'actualité romaine!

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    1. Oui, Alter était très impressionné par ce vide, pas de premier ministre, pas de pape... j'avoue quant à moi n'en avoir eu qu'une conscience limitée !! Mais j'ai traduit son sentiment dans ce billet !

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