dimanche 14 juillet 2013

21397ème JOUR

Ma photo préférée : 1952, il n'a pas encore 24 ans et il fait son stage de l'Ecole des Mines à Saint Etienne : c'est là qu'il va rencontrer maman.

Savez-vous ce qui m'affecte le plus dans la nécessaire prise de recul de mes filles qui, devenues adultes, ont forcément leur vie et mille préoccupations autres que de venir faire des câlins à leur maman ?? C'est l'idée que, l'ayant vécu moi-même, ou plus exactement en ayant été privée, un jour tardif elles éprouveront le besoin de retrouver leurs racines, les repères naïfs de leur enfance et les refuges simplets d'une vie envolée. Car j'ai, comme elles, été prise, dès l'enfance envolée, de cette furie de bouffer la vie, qui vous fait trouver toute activité nettement plus urgente que de dire à ses parents qu'on les aime. On s'agite, on s'active, on se démultiplie ... pour construire sa cellule, sa vie, son nouvel horizon, ses propres rêves. Et le temps passe, si vite qu'on n'en est plus comptable.

Maroc décembre 1953 : il a 25 ans et vient juste de se marier

En ce qui me concerne, je le disais, j'ai été brutalement, et fort tôt, privée de ce retour au nid enfantin. Mes deux parents m'ont "lâchée" trop jeune et, quelque "rancœur" que je leur en ai tenu, ils sont partis sans crier gare et sans espoir de rattrapage des occasions perdues. Ils n'ont joué que fort momentanément leur rôle de grands-parents et ont surtout abandonné celui de parents dès la fleur de l'âge, et ce, sans l'ombre d'un remord apparent !!

J'avais commencé ce bizarre calcul en comptant sur mes petits doigts, mais j'avoue que l'affaire était compliquée : j'ai alors eu recours au "tableur magique" qui en soustrayant deux dates vous donne très exactement le nombre de jours qui les séparent ! Papa avait donc vécu 21 397 jours quand il a quitté cette terre, et j'ai, moi aussi, en ce jour du 14 juillet 2013, vécu 21 397 jours !! Une autre façon de compter le temps, qui n'a rien de bien amusant je vous l'accorde... c'est tellement peu 21 397 jours finalement...

C'est d'ailleurs ce qui vous vaut le billet du jour : j'ai en effet aujourd'hui l'âge exact qu'avait papa le jour où il est mort. Étrange façon de compter et drôle d'anniversaire me direz-vous, mais c'est une prise de conscience qui vous fiche l'âme en déroute et l'esprit en débâcle. Maman était quant à elle un peu plus âgée quand elle est partie mais tant de choses n'avaient pas été dites, tant de moments n'avaient pas été vécus que rien ne pourra plus jamais m'apporter. C'est la première blessure dont on n'a strictement aucune conscience quand on est jeune. Encore que ... le jour où j'ai appris que maman était morte, ma première réflexion a été stupide "Et voilà, je l'avais bien dit que cela arriverait un jour", le tout proféré sur un ton accusateur, comme si cette évidence, soudain réalisée, était une provocation qui m'était faite.

Décembre 1957 : 4 ans sont passé, respectable père de famille, sa moustache le pose, et il est déjà très dégarni. L'embonpoint le guette. 

On se retrouve alors gros-jean comme devant, dépouillé, sans qu'on l'ait anticipé, des réponses aux questions qu'on n'a pas eu le temps de poser (pas pris le temps, devrais-je dire), incapable d'éclaircir tel petit mystère familial qui restera à jamais sans solution, car les principaux témoins ont disparu. On cherche des traces, et on ne retrouve que le vide, au mieux une lettre isolée, quelques mots obscurs, bref, on ne saura jamais.

1968 : il a beau rentrer le ventre, sa stature est imposante, telle qu'il restera jusqu'à la fin

On n'a pas eu le temps non plus de "redonner vie à ses parents"... Je m'explique : quand on est enfant, les parents, c'est LA référence, l'HORIZON, le refuge, le repère. Ils savent, ils imposent, ils décident, c'est rassurant et constructif, et on les prend tels quels, monolithiques et sans état d'âme déchirants ! Puis on devient ado et là, l'image se délite, on réalise que ces rocs sont humains, faillibles et fragiles. Parfois, même si je ne l'ai pas trop fait, on se rebelle, on les déboulonne, on se trouve tout décontenancé devant ces idoles renversées. Il faut du temps pour réapprendre à les apprécier, et surtout pour découvrir la diversité de leur richesse humaine. Il faut devenir soi-même adulte et faillible pour avoir envie de connaitre leur histoire, leurs passions, leurs enthousiasmes, leur caractère au-delà de celui qu'ils nous ont proposé quand ils étaient le "modèle" destiné à nous faire grandir. Et quand ils vous ont quitté trop tôt, c'est tout un pan de leur personnalité qui vous échappe à jamais, ils restent figés dans votre souvenir dans ce rôle un peu sclérosant de PARENTS.

Mais il arrive aussi que vos parents vieillissent, et finalement, expérience vécue actuellement avec ma belle-mère, je me demande si ce n'est pas encore pire comme perspective de n'avoir plus à offrir à vos enfants, quand les ans vous désagrègent, qu'une ombre de ce qu'on a été. Je rejoins ici maman qui refusait avec une vigueur extrême une telle perspective, et je finis par être, moi aussi, inquiète d'offrir à mes filles des retrouvailles tardives avec une personne diminuée physiquement (passe) mais surtout intellectuellement. Je redoute la vieillesse, comme nous tous, pour ce qu'elle comporte, parfois, de souffrances, mais surtout parce qu'elle se traduit encore, même si on a largement repoussé les limites, une perte d'autonomie et d’agilité d'esprit.

1980 : immuable depuis 20 ans, bon vivant et, sous des aspects sévères, tellement bienveillant. Je viens tout juste de le re-découvrir !

Oh je sais, la nouvelle norme, en la matière, est aux octogénaires pétant le feu, aux mamies au cheveu rouge et à la taille fine et aux papis sportifs. Tant et si bien qu'elle en fait se rebeller certains : tous ces fringants seniors qui font la une des couvertures de magazines, qui sourient sur les panneaux publicitaires et envahissent les écrans peuvent être perçu comme une évolution positive de l'état d'esprit à l'égard de la vieillesse. Mais cette vision relève plus d'un souci dévastateur de jeunisme : c'est devenu un devoir de paraître jeune à tout âge, et le lifting est presque une obligation de bienséance sociale. Et puis cela fait les affaires des charlatans de tous poils : entre les produits cosmétiques anti-âge et ceux destinés à combler les rides, à repulper la peau, à lui redonner tonicité et éclat, la petite pilule qui permet de rester sexuellement actif, les compléments alimentaires qui permettent de lutter contre le vieillissement des muscles ou du cerveau et la DHEA (hormone anti-vieillesse) on n'a que l'embarras du choix pour enrichir les marchands de rêve. Et surtout on n'a plus aucune excuse de paraître tout simplement son âge. L'invitation optimiste "restez jeune" s'est transformée en injonction : « Soyez dynamiques, compétents, performants, mobiles, ouverts au monde et aux nouvelles expériences ! »

Car seule est acceptée une certaine forme de vieillesse. Celle qui est représentée par les plus jeunes des personnes âgées, les quinquagénaires et les sexagénaires. C'est à eux que l’on se réfère quand on parle de « seniors », ou plutôt de "boomers", en bonne santé, disposant de revenus (encore) confortables et de plus, consommateurs actifs ! Ô combien !!

Janvier et mars 1987 : les dernières photos, en haut avec Koka, en bas avec Mandarine. Sur son visage c'est le bonheur à l'état pur !  

Et devant une personne vraiment âgée, il est de bon ton de s'attendrir en la trouvant si "gentille", ou mieux encore si dynamique, ou susceptible de s'enthousiasmer, qui sait même, capable de tomber amoureuse. Mais au nom de quoi a-t-on oublié qu'elle était ainsi à 20 ans, et à 40 encore et qu'elle est toujours aussi fraîche dans sa tête ? Ces attendrissements sont insultants, comme s'il était exceptionnel ou rare, quand on est vieux, d'avoir des sentiments, des désirs, des plaisirs ? Différents souvent de ceux de l'âge tendre mais aussi forts, aussi humains et tellement plus précieux. Cessons de bêtifier devant les anciens et laissons de côté cet ostracisme béat qui nous fait les considérer comme des humains à part, en marge. Essayons de trouver un juste équilibre entre envie pour les sexagénaires argentés et en pleine forme qui offrent une image d’Épinal d'un troisième âge doré et rejet pour les marques trop claires d'un délabrement physique et intellectuel inévitables. Cessons de demander à nos vieux de se grimer en jeunes et réapprenons, calmement, qu'ils ont le droit d'être moches, lents, fragiles et, parfois, balbutiants. Un vrai droit au respect et à la différence. Qui commence par accepter de prendre son temps quand on stagne derrière une voiture hésitante et roulant au pas, par ne pas fulminer quand on est, à la caisse, derrière une personne âgée qui a besoin de parler avec la caissière, qui met un temps infini à compter ses piécettes et éprouve un mal de chien de ranger ses achats dans son sac de courses. Et tout cela avec naturel, sans pitié et surtout sans condescendance, en se disant qu'on fait la BA du jour. Tout simplement parce que les critères de performances à l'âge d'or ne sont plus la rapidité et la fermeté !


Je me suis, comme souvent, bien éloignée de mon propos initial et mon "21 397ème" jour se transforme en "manifeste pour le droit à vieillir" dignement, en continuant à être traité en toute égalité par nos semblables. Michelaise moralise encore, dirait Alter ! Et il aurait raison.... Toujours est-il que papa, en tirant sa révérence trop tôt, s'est évité bien des ennuis et bien des angoisses.

A mes filles et à mon père

28 commentaires:

  1. Ne connaissant pas la tablette magique mon calcul est très approximatif et "tourne" autour de 27000 jours... tu as raison en euros ça ne fait pas grand chose... une bonne familiale milieu de gamme française bien sur parce que les allemandes c'est plus cher... mais parait-il plus solide et mieux revendue... tu vois malgré ma vieillesse j'ai tout compris !!!!
    Nos parents, on sais bien l'âge venant qu'on va les perdre mais pas encore, plus tard, puis un jour on se retrouve tête de liste et comme toi on regrette de n'avoir pas assez parlé assez aimé ? non de mon temps c'était si évidant qu'on en parlait pas.
    La vieillesse ? à 74 ans elle est surtout dans les genoux, aussi dans les épaules, sans oublier le mal de dos... c'est casse pied tout ça mais au réveil on est rassuré on a mal on est donc vivant.
    La tête ? elle coince aux cervicales et cherche les clefs et les noms mais elle sait toujours sentir le parfum d'une rose, gouter les arômes d'un grand vin, admirer une belle silhouette qui passe... en fait elle a toujours vingt ans... mais un peu moins souvent !!!!

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    1. Que du bon sens Robert dans ton commentaire, et ça au moins, ça ne prend pas de rides !! J'aime la façon dont tu souris, j'aime celle aussi dont tu sais être léger, ce qui manque un peu à mon article ! Mais bon, cette histoire d'avoir aujourd'hui l'âge de mon père quand il est mort, ça me fait tout bizarre !!
      Merci de ton commentaire, il m'a fait chaud au coeur !

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  2. Quand j'ai vu ton tableau Excel, j'ai raisonné en terme d'années, et je me suis dit que ton papa était mort au même âge que Montaigne, qui lui n'est allé (si je compte bien) qu'à son 21383e jour (tu me confirmeras au passage, n'excellant pas en Excel). Et certains passages de ton billet plein de justesse m'ont fait songer aux superbes pages que le philosophe consacre à la vieillesse dans le dernier livre des Essais, aux chapitre 5, 9 ou 13, où il dit notamment ceci : "une laideur et une vieillesse avouée est moins vieille et moins laide à mon gré qu'une autre peinte et lissée", phrase qui n'est pas sans me faire penser au "souci dévasteur du jeunisme" que tu évoques dans ton texte. Je crois que la clé de tout, pas seulement ici mais ailleurs aussi, c'est d'en finir une bonne fois pour toutes avec les valeurs de performance, d'efficacité, de rendement, à l'aune desquelles tout se mesure de nos jours! Bon 14 juillet Michelaise!

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    1. Est-ce sa boule à zéro ou sa fière moustache qui t'ont évoqué Montaigne ?? Je plaisante bien sûr car il ne lui ressemble guère !! J'ai vérifié puisque tu me le demandais, le nombre de jours que vécut Montaigne, et comme Excel n'accepte de compter les jours qu'à partir de 1900 (ben oui, c'est comme cela ! Excel ne "fait pas" dans l'Histoire !!!) j'ai dû modifier ses dates pour tenter d'arriver à faire la soustraction ! J'ai donc posé 29 septembre 1992 - 28 février (tiens, tiens sauvé par le gong notre Montaigne, il a évité le 29 février !!) 1933... j'imagine que cela donne la même chose à un ou deux jours près, à cause des années bissextiles !!) Bref, Excel me propose un capital de jours nettement plus confortable et que, pauvre de moi, je n'ai pas encore atteint, mais cela ne saurait tarder (encore un an à tirer !) : 21747 !! Cependant je le promets, je ne consacrerai pas un second article à "j'ai aujourd'hui l'âge qu'avait Montaigne le jour de sa mort", mes lecteurs crieraient au scandale !!
      Pour autant, j'avoue que ton commentaire est fort à propos et j'apprécie à sa juste valeur la citation que tu proposes de notre "grand" de Montaigne : c'est très exactement cet aveu qu'il nous faut apprendre à faire, en prenant garde à ce que cette fameuse vieillesse ne nous attache plus de rides à l'esprit qu'au visage, pour paraphraser le sieur Eyquem !!

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    2. Ah, mais c'est possible pour la ressemblance. Et sais-tu que Montaigne avait la moustache couleur "écorce de châtaigne" comme ton père sur les photos en couleur! Merci sinon pour le calcul, mais je disposais d'une autre date pour la mort de Montaigne.
      Sinon, pour rester dans les grands écrivains, Flaubert est mort lui aussi à 59 ans...

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  3. Je ne serais pas capable d'écrire ici un vrai commentaire sans trop, vraiment trop souffrir, puisque je partage malheureusement une très grande partie des sentiments douloureux dont tu nous parles : mes parents étaient agés de 75 et 80 ans quand, l'un après l'autre, ils sont partis ; mais moi j'étais beaucoup trop jeune (34) et surtout inconsciente, et donc je pourrais signer moi meme, telles quelles (rien qu'en substituant tes deux filles par mon seul fils), par exemple ces phrases :
    ..."la nécessaire prise de recul de mes filles qui, devenues adultes, ont forcément leur vie et mille préoccupations autres que de venir faire des câlins à leur maman"... "Car j'ai, comme elles, été prise, dès l'enfance envolée, de cette furie de bouffer la vie, qui vous fait trouver toute activité nettement plus urgente que de dire à ses parents qu'on les aime. On s'agite, on s'active, on se démultiplie ... pour construire sa cellule, sa vie, son nouvel horizon, ses propres rêves. Et le temps passe, si vite qu'on n'en est plus comptable"... "ils sont partis sans crier gare et sans espoir de rattrapage des occasions perdues"... "tant de choses n'avaient pas été dites, tant de moments n'avaient pas été vécus que rien ne pourra plus jamais m'apporter. C'est la première blessure dont on n'a strictement aucune conscience quand on est jeune"... "on se rebelle, on les déboulonne, on se trouve tout décontenancé devant ces idoles renversées. Il faut du temps pour réapprendre à les apprécier, et surtout pour découvrir la diversité de leur richesse humaine. Il faut devenir soi-même adulte et faillible"... "je finis par être, moi aussi, inquiète d'offrir à mes filles des retrouvailles tardives avec une personne diminuée physiquement (passe) mais surtout intellectuellement. Je redoute la vieillesse, comme nous tous"...

    Je ne pourrais mieux dire, et surtout j'avoue essayer depuis longtemps de ne plus rouvrir en moi cette blessure, surtout car ça ne servirait à rien, ni à moi ni -surtout- à mes parents.
    Je préfère donc terminer en observant que les belles photos de ton père que tu as postées me font percevoir, au meme temps, sa vivacité, sa douceur et sa solidité... j'observe donc aussi que nous avons eu la chance d'avoir des parents comme ça : contentons-nous, c'est déjà plus que beaucoup.

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  4. Tu as raison, nous avons eu de la chance tout de même ... même si nous ne les avons découverts que trop tard, mais pas la peine en effet de rouvrir ces blessures !! Pas la peine non plus de se projeter vers un avenir, par définition incertain. Pourtant, c'est nécessaire, parfois, de parler de coeur, nous ne sommes pas que des machines à consommer ou à courir !!! Tant pis pour le "respect humain" !!! Même pas peur !!

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  5. Oui, tu dis bien les choses., Michelaise..éternels rendez-vous manqués entre parents et enfants...histoire mille fois recommencée...
    Mais tout n'est pas "manqué", loin de là
    ...et je crois que d'une certaine façon, les disparus nous accompagnent et ne sont pas "si loin"...

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    1. OUi, et ils nous ont façonné(e)s, bien ou mal, qu'importe ! ils ont fait du mieux qu'ils ont pu et, maintenant, nous le savons !

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  6. Toutes et tous, nous avons en nous des manques accumulés, des espoirs déçus, des rêves avortés, des questions définitivement sans réponses. C’est la Vie. Cette Vie qui est un scénario écrit d’avance auquel on ne peut rien changer et dans lequel nous jouons notre rôle avec les moyens qui nous sont dévolus, des moyens humains lesquels , nous le savons, sont loin d’être à la hauteur de tous les challenges
    Pour les questions…je suis de 1943, en ce temps-là et même une dizaine d’années plus tard les questions n’étaient pas à l’ordre du jour .En aurais-je eu qu’elles seraient, j’en suis persuadée, restées sans réponses. D’ailleurs, à dix ans, je suis passée directement passée de l’enfance plus ou moins insouciante à l’âge des chagrins cachés. La brousse, l’école, le pensionnat, un train…sourire pour ne rien montrer , sourire pour éviter à ma mère de s’écrouler là sur le quai où elle se tient, un bébé dans les bras, souriante mais dévastée.60 minutes pour devenir l’absente, la lointaine…pour un enfant de quelques mois qui investira la place laissée vacante et qui me rayera , tout simplement, de sa vie.
    Les questions, je les ai posées, plus tard, bien plus tard à ma grand-mère qui bien sûr était au fait de tous les secrets de famille. Ensuite, petit à petit, et sous divers prétextes, à mes parents…et puis plus tard ma mère restée seule mit un point d’honneur , pressentant sans doute son départ, et sans que j’aie à l’y inviter, à ouvrir tous les tiroirs à souvenirs dont certains que j’avais devinés, sentis, vécus à ma façon d’enfant buvard…elle me parlait durant des heures et , bien des fois, je suis rentrée chez moi comme un zombie, poussant la porte, traversant la maison , me réfugiant dans ma chambre pour tout assimiler. Rien de répréhensible dans ces souvenirs, juste des peines, des chagrins, des déceptions qui ont fait du mal, des trahisons aussi, des jalousies…comme dans toutes les familles !
    Je ne suis pas persuadée que ce soit toujours bénéfique de tout savoir. Le mystère a ses charmes.
    Pour ce qui est de ton billet, je crois qu’il a été surtout inspiré par l’éloignement de tes filles .Elles te manquent , tu vis leur vie un peu par procuration puisque tu n’es pas « près d’elles ».Il ne peut y avoir de rencontres spontanées, de passage à la maison entre deux courses…et tu te sens privées de choses qui sont pour toi maternellement essentielles. Je te comprends. Ma fille cadette, celle qui a le plus l’esprit famille vit à 100km( je sais 100km ce n’est rien mais..)elle regrette de ne pouvoir passer à la maison sans que ce passage soit programmé…un café au retour du travail, déposer les filles le temps d’honorer un rendez-vous, etc.
    Mais sois rassurée quant aux souvenirs qu’elles auront. Elles sont aux prises avec leur vie trépidante mais…leur mémoire est fidèle qui garde les traces de leur enfance heureuse. Bien plus de traces que tu ne crois , j’en ai souvent la preuve. Tous leurs souvenirs ne correspondent pas nécessairement aux nôtres, chacun vit les chose selon sa sensibilité mais…elles auront à cœur de transmettre cette histoire familiale avec ses courbes et ses déliés, avec ses vides et ses trop pleins.
    Nous en sommes déjà à la génération suivante…elle nous réserve des surprises comme celle de ce dimanche quand ma grande fille de 12 ans prit la parole au milieu du repas pour nous dire comment elle nous voyait…il n’y avait pas trace de rides, de cheveux blancs, rien que de l’amour et de l’attention pour les petites faiblesses légitimes…
    Tu verras, Michelaise, ce qui te fait peine aujourd’hui , te comblera…parce que vous les aimez vos petites et elles le savent !
    Sorry d’avoir été si bavarde mais c’est de ta faute, tu nous pousses dans nos retranchements et après…

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    1. Ah Danielle, quel commentaire en effet chaleureux, confiant, plein de confidences, même discrète et d'optimisme !! Je suis tellement heureuse de t'avoir lue, c'est étonnant tout de même cette complicité nouée au fil des pages.
      Autrefois, c'est vrai, on parlait peu et on cachait beaucoup de choses... maintenant on en dévoile parfois trop, tu as raison en cela mais cela fait du bien la confiance réciproque !!
      Ce qui est le plus juste encore dans ton commentaire, sans tout reprendre, tout y est juste en fait ... mais le plus juste est en effet que nous n'avons pas les mêmes souvenirs que nos enfants de leur enfance !! On y est jeunes parents, enthousiastes, pleins d'inventivité, pleins de fougue, et cela, ils ne le savent pas !!
      Pas de peine cependant dans mon billet même si, forcément, il est un peu nostalgique ... un papa disparu si jeune (mais si, c'est jeune 58 ans !!) cela laisse des cicatrices, il ne serait même pas vieux à l'heure qu'il est !!
      Quant à mes filles, tu as raison en tout, elles ne sont pas loin, pas loin du tout !! je le sais !!

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    2. je te cite :On y est jeunes parents, enthousiastes, pleins d'inventivité, pleins de fougue, et cela, ils ne le savent pas !! ..et je commente ! il y a quelques années déjà , ma cadette ( 43 ans quand même aujourd'hui) me lançait avec admiration et , oui, envie sans doute" :" Tu sais Isabelle ( son amie de toujours) elle cuisine, bricole, coud des trucs malgré les 3 gosses son métier de kiné et son mari médecin " Et moi, là sur le coup,j'ai presque eu envie de pleurer et de crier: "Mais moi aussi, à son âge, je peignais, tapissais, bricolais, confectionnais tous les vêtements de la famille et les confitures etc. tout en secondant mon époux".Sur le coup ça m'a fait mal et je me suis dit : quelles preuves avons-nous de tout ce dynamisme passé.Et pour terminer : ce dimanche, la bourgmestre nous accueille très familièrement, nous l'avons vue naître et grandir..mes filles elle les connaît aussi depuis l'enfance et la voilà toute à la joie de les revoir: Oh, Cécile, Solange, quel plaisir, j'ai chez moi des photos de quand on était petites...on était vraiment habillées comme l'as de pique, c'est marrant!"
      Et paf, en plein dans le mille !Souriez , vous êtes filmée!

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  7. Assez poignant votre retour sur la familialité (si ce mot existe). De quoi avez-vous donc peur ? De l'éloignement, de la déchéance éventuelle, de la dépendance éventuelle. Des 'non dits' comme des 'non demandés' ? Il me semble, après un travail sérieux en profondeur qu'on n'accomplit pas seul, avoir compris -un que : aux questions que nous n'avons pas posées, rien ne dit que nos parents y auraient donné des réponses et -deux que, peut-être, les réponses que nous aurions eues n'étaient pas celles que nous attendions. J'ai fini par admettre sérieusement qu'aucun enfant ne peut dire avoir eu les parents qu'il voulait, tout comme aucun parent n'a eu les enfants dont il rêvait. Tout simplement parce que nous sommes des individus étrangers (même si, bien sûr je ne néglige pas la génétique c'est évident) étrangers et devenus autonomes et par conséquents différents de nos parents et pas sur terre pour réaliser leurs rêves, mais pour s'accomplir soi-même. Et, ce, même s'il y a un prix à payer pour cette autonomie (quand on peut y arriver). En ce qui concerne les autres sujets, il faut tout de même avoir à l'esprit que moins de 5% des sexagénaires sont en situation (sic) de dépendance et qu'à 85 ans ce taux s'élève aux alentours de 15%. Par conséquent vous n'avez pas forcément la tête en paratonnerre au point d'attirer sur vous toutes les difficultés de la terre. On nous rabâche trop (nos politiques gestionnaires) les situations négatives au point que nous ne voyons plus tous les aînés qui vivent agréablement, avec des activités culturelles, des envies et des désirs et parfois les moyens de ceux-ci. Alors, de grâce ne succombez pas... En tout cas, pas vous ! Sans succomber au jeunisme véhiculé par nos médias-pubs, on peut se tenir en forme, se cultiver, soigner sa santé, pour avoir le plaisir de la convivialité, de la cuisine, des voyages, des lectures (vous connaissez tout ça n'est-ce pas) et de partir vers les lointains, sans que nos alentours ne nous considèrent que comme des 'vieux' et des 'c..'.
    Excusez-moi (je l'espère) d'avoir été si long et bel été...

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    1. Mais non Michel, vous n'avez pas été long !! et vos "inquiétudes" à mon endroit mon font chaud au coeur !! Pas d'inquiétude particulière : pas envie de ressembler à belle-maman qui nous voyons se détériorer de jour en jour (intellectuellement parlant) et qui est, malheureusement, dans un environnement pas très porteur !! quand on y va, on en revient toujours un peu flagadas !! pas envie non plus de partir aussi tôt que papa...
      envie surotut de faire un billet réflexion comme cela me prend entre deux expos, une recette et trois concerts, plaisir de lire vos commentaires à tous, tellement chaleureux et complices quand je me livre à ces introspections divagantes !! C'est super en fait de parler un peu "profond", de ces recoins de l'âme que nous partageons tous sans nous le dire !! trop de quant à soi ! Certains pourraient y voir une vraie impudeur, mais je ne crois pas, j'essaie juste de penser avec vous tous, aux maux de la vie, aux maux de la société, aux lendemains qui font peur et aux souvenirs qui nous titillent !!
      Mais tout va bien rassurez vous, le seul point sur lequel je m'énerve parfois c'est ce jeunisme qui me gonfle, mais très fort !! je revendique le droit aux rides !! L'été sera beau, je vous l'assure ! Que le vôtre le soit aussi, avec votre programme de vie, il ne peut que l'être !!

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  8. Oui, ça fait chaud au coeur de lire ces commentaires... D'un coté, car on comprend qu'on n'est pas seul(e)s à éprouver ce que nous éprouvons ; et de l'autre puisqu'on nous change un peu les idées, je veux dire nos idées fixes, en nous aidant à réfléchir au fait que les choses pourraient ne pas etre (et peut-etre n'auraient meme pas été...) comme nous nous sommes entetés à croire.
    Merci à tous, et encore une fois à Michelaise pour cette occasion précieuse qu'elle nous a offert.
    Et pour en finir sur un ton plus léger (ou peut-etre pas du tout !), voilà qu'au Japon on est sur le point de vendre plus de couches pour incontinents agés que pour les bébés... sans commentaire !

    http://www.corriere.it/salute/13_luglio_15/pannoloni-anziani-bambini_59def7da-ed37-11e2-91ec-b494a66f67a7.shtml

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    1. Tu as raison Siù, ils sont surprenants mes lecteurs et ils se révèlent dans toute leur "richesse" humaine sur ce genre de billet. Tu as raison aussi de dire qu'on a force idées ancrées et que le partage avec d'autres fait du bien, en permettant de leurs secouer.
      Quant à ta fin légère, oups, dur dur !!!

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  9. signe des temps ! ...? j'ai reçu, la semaine passée un courriel de ma mutuelle m'avisant des conditions particulières offertes sur les couches pour incontinents..serais-je déjà dans leurs prévisions?
    Oui, Siu, il vaut mieux prendre tout ceci avec le sourire ...

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    1. Oh Danielle quel manque d'élégance dans la communication !! cela me rappelle la convication au dispositif Lucide reçue trois jours après mes 50 ans !! quelle diablerie que les logiciels qui comptent nos ans et nous jours !! pire qu'Excel en tout cas !!!! Sourions de toutes nos (vraies) dents !!!!

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  10. Très vite! Pour compléter ce que nous pourrons évoquer tout à l'heure de vive voix. Tes parents, mes beaux-parents, nous les avons tellement fréquenté: repas du dimanche... et des autre jours, parties de bridge... un an passé chez eux, puis, lorsque nous sommes partis un peu plus loin, d'innombrables week-ends en leur compagnie, très librement, simplement parce-qu'on avait envie, qu'on était bien. Avions-nous les questions? Auraient-ils eu les réponses? Il me semble que peu importe. Confiants, heureux d'être ensemble, libres et présents à la fois. Tes parents, je crois que nous en avons bien profité, je crois aussi qu'ils ont bien profité de nous! Je les avais adoptés; ils m'ont accueillis. Ce furent beaucoup de beaux moments. C'est bien ainsi même si l'on ne peut pas admettre que cela ne dure pas toujours!
    Alter

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  11. Tes photos font monter une bouffée de souvenirs! Ton père a étonnamment peu changé depuis son âge mûr: un roc, une force de la nature, mais plus encore un pivot où s'appuyer en profitant de son intelligence et de sa générosité! Ton père avait une personnalité magnifique: tu es sa digne fille. Cela m'émeut beaucoup de pouvoir lui rendre ce modeste hommage, grâce à toi.

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    1. Merci Alter, et tant pis pour ceux qui n'y comprennent rien, tu as utilisé mon compte pour faire ce commentaire, donc on dirait que je me commente moi-même !! OUi c'est étonnant comme il était semblable à lui-même ! Fut-il heureux de ce rôle de roc dans lequel il excella ? Oui, je pense, même s'il a dû, pour y réussir, faire taire quelques sensibilités que maman, parfois avec une certaine cruauté appelait "sensibleries" !!
      Et merci pour cet hommage à ce beau-père dont je sais que tu l'aimais beaucoup.

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  12. Je lis ce billet à une date anniversaire
    Il y a 12 ans ou 13 je ne sais plus et ne veux pas savoir mon père partait lui aussi après bien des souffrances
    Ironie du sort je me battais contre mon premier cancer ,mon traitement s'est terminé le 15 juillet au soir il s'est éteint dans la nuit du 15 au 16 ,m'aurait -il attendue ?
    J'étais bien jeune moi aussi 42 ou 43 ans il avait encore plein de choses à m'apprendre et surtout à ses petits enfants
    Même si il nous manque nous le préférons où il est en compagnie des Barons de Castelnau plutot que ces trois ans passés sur un lit d'hôpital avec toute sa tête et donc parfaitement conscient de son départ proche
    Attendu?
    Je ne sais pas je n'ai jamais eu le courage d'en parler avec lui

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    1. Cet anniversaire est plus "traditionnel" que celui que j'invente dans ce billet. Oui, tu as perdu ton père trop tôt toi aussi, même si, comme moi, tu as pensé quand il est parti qu'il valait mieux pour lui qu'il en soit ainsi (le mien était tellement diminué par l'accident qu'il avait eu que lorsque le deuxième est arrivé, la séparation a été moins dure). Quant à ce qu'on a pas eu le courage d'aborder, c'est qu'il ne fallait pas le faire, nous l'avons senti ainsi...

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  13. Emotion...
    Et pourtant j'ai mes deux parents...

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    1. Raison de plus pour être émue, car ils sont forcément plus tout jeunes, et on ne peut s'empêcher "d'y" penser !!

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  14. Super la 4 chevaux mon père a eu la meme c'était sa première voiture je me rappelle de l'immatriculation 763 FT 17

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    1. Elle est belle pas vrai !! maman, qui l'avait achetée car elle travaillait avant de connaitre papa, en était très fière !! et nous l'avons gardée longtemps jusqu'à ce qu'elle tombe en ruine, en ce temps-là les voitures rouillaient, et même, se trouaient !!! le plancher était percé et, un jour, alors que nous étions en voyage et que papa avait mis pour boucher le trou une planche, j'ai fait pipi en roulant, en soulevant la planche : il en avait marre de faire des arrêts pipi et avait trouvé ce système pour ne pas s'arrêter !! J'en garde un souvenir étonné !!! je n'ai jamais osé recommencer !

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    2. Quelle mémoire pour l'immatriculation ! oups !!!

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