mardi 9 juillet 2013

AVIGNON OFF 2013-1

Je m'étais promis de faire le compte-rendu de nos spectacles au retour mais il est urgent de faire savoir les pièces qui nous ont plu !






Dans la peau d'un noir de J.H.Griffin
Au Chien Qui Fume, avec Clémentine Célarié


"Clémentine Célarié va au bout d'elle même... Rayonnante dans le sombre, elle inocule de la nuance au coeur des émotions... Elle nous a encore bluffés." LA PROVENCE.
"Une performance scénique au service de la tolérance et de l'Humanisme" AVINEWS. "Jouant à elle seule une trentaine de personnages, elle le fait avec simplicité, sans moralisme ni agressivité, dans le burlesque parfois." LE VAUCLUSE. Suite au succès rencontré au Festival Off 2012, Clémentine Célarié revient interpréter et partager l'histoire de ce journaliste, JH Griffin, qui en 1959 se transforma en homme noir le temps de vivre et de comprendre la condition d'un noir américain. Un récit bouleversant sur la tolérance, le respect d'autrui et la différence.

Notre première pièce, un succès de l'an dernier que nous n'avions pu voir car cela affichait toujours complet. Clémentine Célarié joue fort bien, avec conviction, une voix parfaitement timbrée, une excellent gestuelle et beaucoup de présence. Pourtant le propos est un peu "court", il fleure les bons sentiments et le consensuel, tels que cela plait beaucoup actuellement. Le rythme est un peu lent, le passage d'un personnage à l'autre alourdit la mise en scène et bien que l'actrice le fasse avec beaucoup de coeur, on le sent comme "essouflée" ! Globalement un spectacle qui marche, qui est "propre" et tout à fait dans l'air du temps.




Le Cid de Corneille
Espace Roseau avecDavid Belmonte, Marina Borissova, Eliane Cureau-Clavel, Luc Févry, Maxime May, Didier Mille, Bernard Vessiller, Lymia Vitte, Marion Renard

Le Cid (signifiant maitre), de son vrai nom Rodrigo Diaz de Bivar petit chevalier de Castille, a réellement existé. Largement inspirée des « carceri de Piranési », la mise en scène nous entraine dans un monde différent de celui du « Cid » classique, tout en respectant scrupuleusement le texte. Le décor autarcique, la puissance de la musique, le jeu rugueux et énergique des comédiens, les couleurs et la lumière nous précipitent au sein d'un univers brutal dans lequel les sentiments humains, exacerbés, trouvent leurs chemins. Nous voici immergés au milieu des âmes troubles, du fanatisme, de la folie, de l'envie, de la violence et de la passion amoureuse.

Chapeau !! Il faut oser, dans l'ambiance d'Avignon, toute dédiée au one man show et aux pièces comiques, voire volontiers vulgaires, monter le Cid, en en respectant le verbe, l'esprit et le rythme, et y réussir. Joué par des "hippies" californiens en rangers, dépouitraillés, sur fond de musique sixties, ce n'est pourtant ni "revisité" ni dénaturé. Par contre c'est "jubilatoire" ! On rit beaucoup, ce qui est inattendu dans ce drame cornélien, qui, contrairement à ce que l'on pourrait craindre, respecte parfaitement le texte. On est loin d'une démonstration de déclamation de tragédie classique, quelques pieds sont parfois escamotés (on était en période de rodage) mais globalement la pièce est étonnamment lisible. Mentions spéciales à Rodrigue, très juste et très convaincant, à Don Diègue qui interprète son rôle de façon tout à fait inattendue, à l'Infante qui campe un personnage dévoré de jalousie, volontaire et pleine de feu, vraiment crédible, et à Chimène qui s'en sort fort bien. Il faut absolument soutenir cette production, qui permet au Théâtre, avec un grand T d'avoir encore sa place à Avignon.



Le Monte-Plats d'Harold Pinter
Petit Louvre avec Maxime Lombard et Jacques Boudet

Ben et Gus, tueurs à gages, attendent dans un sous-sol l’arrivée de leur prochaine victime. Pour tuer le temps ils parlent sans réussir à communiquer. Soudain se produit l’inattendu : la descente d’un monte-plats avec à l’intérieur une commande. Il devient rapidement un 3ème personnage, figure d’une autorité sans visage avec des exigences sans fin, qui fait grandir l’angoisse des protagonistes, jusqu’à ce que les circonstances deviennent insupportables...

Un excellent petit Pinter, avec une intrigue presque insignifiante, admirablement servi par deux acteurs très talentueux, qui donnent vie à ce texte difficile car répétitif et théoriquement burlesque. Pendant une heure on attend on ne sait quoi, si, justement, un ordre de tuer, un contrat, qui arrive sous forme de commandes de plats plus ou moins incongrus. Et malgré ce vide apparent, on y parle de pouvoir aveugle, d'incommunicabilité, de solitude. Cela pourrait être long et monotone, mais grâce au talent des acteurs c'est tout simplement parfait, mi tragique, mi comique, sans susciter le rire gras, enlevé et précisément rythmé.



MUTU d'Aldo Rapè
Espace Roseau ALod Rapè, Marco Carlino

Une histoire qui est une bombe à retardement. Saro et Salvuccio, le curé et le mafieux. L’histoire de deux frères. Deux frères, deux histoires, deux mondes, celui de l’église et celui de la mafia qui se rencontrent et se confrontent 
"... raconte le mal obscur de vivre." (La Repubblica)
"...pour detruire la mafia il suffit d'une chambre: Casa Nostra bats Cosa Nostra" (Il Sole 24 Ore)
"Le magnifique texte est accompagné ... surtout par des interprétations intenses." (Il Quotidiano)"...un spectacle impétueux et suspendu ..." (Puglia Television)

Cette pièce en partie en sicilien, en partie en italien, mais très convenablement surtitrée donc ne posant absolument aucun problème de compréhension, mérite absolument d'être vue. C'est un texte très intense écrit par Aldo Rapè, sur le mal qui ronge la Sicile mais aussi notre société toute entière : la solitude et le vide existentiel. Avec, en prime sur l'île, la lèpre de la mafia et celle d'une église pas nécessairement irréprochable. Sur fond de drame familial, les deux comédiens nous parlent des liens douteux qui se désagrègent dans une famille aux prises avec le silence, qui recouvre toutes les hontes et se joue des non-dits pour abolir tout espoir. Les deux frères sont les victimes d'un système qui dévore tout sur son passage : la famille, l'honneur, la dignité et même l'amour. Et pourtant c'est l'amour, fraternel et violent, qui triomphe à la fin.
Les deux comédiens sont remarquables, terribles de justesse, émouvants et sobres. Sur fond de Tosca, bien dosée, se déroule devant nous des retrouvailles improbables et pourtant dramatiques. Il faut absolument aller voir cette pièce puissante, qui parle du mal qui ronge la société sicilienne mais aussi toutes les sociétés qui enfouissent leur humanité sous des matelas de silence.


L'Indien cherche le Bronx d'Israël Horovitz
L'Albatros avec Jean-Baptiste Alfonsi, Josef Mlekuz, Constantin Vidal

Un homme dans un abribus...Il attend...On ne sait rien : ce qu’il attend, qui il est, d’où il vient. Notre seul indice est son apparente simplicité. Une chose est certaine : il n’est pas d’ici, car ici, c’est le Bronx. Puis, deux jeunes hommes, eux bien issus du Bronx, viennent alors traîner près de l’abribus. Bien entendu la question est: que va-t-il se passer ? Josef Mlekuz 16 ans, Constantin Vidal 16 ans, et Jean-Baptiste Alfonsi, interprètent ce chef-d’œuvre d’Israël Horovitz et accomplissent pour l’occasion une véritable performance. Plus que jamais immergés dans une époque où les notions de racisme et de non-communication sont présentes dans l'inconscient collectif, la pièce bouscule et met à mal notre tranquillité.

La pièce a été écrite par Horowitz en 1966 après que l'auteur ait été le témoin d'un violent échange entre deux jeunes anglais et un indien, et elle est criante d'un modernisme sérieusement déprimant. Sur la violence urbaine, sur les gamins en perdition, sur la haine sournoise mais inéluctable de l'étranger, tout est dit et tout fait mouche. On y parle du choc des cultures, de l’incommunicabilité et de la haine ordinaire. Les jeunes acteurs qui enlèvent cette pièce désabusée ont l'âge du rôle, 16 ans. Et ils sont efficaces et percutants et tiennent le rythme sans coup férir. La pièce, qui commence sur un air de rap, hurlé par ces gosses en délire, nous bouscule, nous dérange mais elle atteint son but : on comprend petit à petit qu'on pourrait être un jour à la place de cet indien, et, comme lui, voir notre vie basculer dans l'absurde.  L'engrenage de la violence ordinaire nous guette dans une société qui, inéluctablement, entraîne les exclus vers l'irréparable, presque à leur insu.

OFF 2013 - BILAN

4 commentaires:

  1. Super post, merci pour l'actualité du festival, je te suis pour la suite!
    Cath.

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    Réponses
    1. Merci j'espère que mes petits billets te seront utiles!

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  2. "Dans la peau d'un noir" ,trop propre je n'ai pas perçu l'émotion, trop retranscription journalistique, j'attendais plus.

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    1. Tout à fait d'accord, j'ai été déçue aussi, problème de rythme, problème de texte aussi je pense comme vous.

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