mercredi 10 juillet 2013

AVIGNON OFF 2013- 2

En italique, la présentation par la troupe, et en-dessous, mon avis.



VISION de Pierre Megos
Théâtre des Doms - avec Pierre Megos, Florence Minder, Kian Cardoen, Lucas Bierlair, Alessandro de Pascale 


Projet théâtral truffé de références cinématographiques, Vision nous livre en temps réel une confrontation ludique où théâtre et cinéma s’interrogent mutuellement. Utilisant la technique du Blue Key (ou incrustation), le comédien joue “à l’aveugle” son rôle et la partition de ses déplacements dans l'histoire projetée, guidé par la seule bande sonore. Capté par quatre caméras, il se retrouve sur l'écran, parmi les décors et personnages du film. Un concept scénique fascinant où le spectateur découvre simultanément un film et sa fabrication en temps réel... jusqu’à ce que le théâtre reprenne totalement ses droits.

Je me suis sentie dès le début dérangée par cet écran, comme si le travail "normal" du comédien était pris en charge par l'image imposée. Me frustrant par la même occasion d'imaginer, à partir de son jeu, ce que le récit suppose mais que le théâtre interdit de rendre. Ceci étant, c'est ce qu'il est convenu d'appeler du théâtre expérimental et l'idée est amusante : cette parodie de films en tous genres, du muet au fantastique, en passant par les jeux vidéos, peut accrocher le spectateur. Même si, à mon goût, c'était trop long, ennuyeux par moments, j'ai trouvé la fin drôle et enlevée. La pièce marche très bien et n'a pas besoin de moi pour faire sa publicité.


Théâtre des Doms - avec François Delcambre, Marion Hutereau, Aurore Latour, Juan Martinez, Delphine Veggiotti

Ce spectacle choral raconte la relation fusionnelle entre un père et son fils de 12 ans. Une œuvre en touches subtiles et fortes, de paroles, d’émotions, de réflexions, posées par cinq comédiens qui se distribuent le récit et donnent à voir la mécanique théâtrale. Le texte tourne autour des personnages et de leur histoire, il entre et sort. Et de cela même sourd une émotion sensible et intelligente.

Quel joli titre, n'est-ce pas, quoique fort intrigant... Ante (prononcer "anté" ne signifie pas, comme je le pensais en arrivant "avant" mais c'est le prénom du tout jeune héros, 12 ans, mais joué par un acteur adulte sans que cela soit en aucune façon trouble ou gênant. Cette pièce qui se construit devant nous est l'histoire sensible, d'un père, veuf, et de son fils qui veulent rester liés par le souvenir de celle dont la guerre les a injustement privés. Magnifiée, idéalisée dans leur souvenir, tous deux sont unis par cette image qui les rapproche et les attache. La mise en scène, sur un échiquier, est souple et inventive. Les personnages racontent et vivent à la fois la journée d'anniversaire de l'enfant que la guerre a mutilé doublement puisqu'il y a perdu sa jambe. C'est bien joué, émouvant et réglé au cordeau. Un instant de théâtre fort, et plein d'une douce humanité. Les acteurs sont formidables.



Le pain de ménage de Jules Renard
Théâtre du Vieux Balancier par la compagnie du Vieux Balancier avec Gianna Canova et Bruno Ladet

Deux couples se reposent dans une maison de campagne; une belle soirée d'été offre un moment de délicieuse intimité à ceux qui tardent à aller dormir: un nouveau couple? On s'effleure, se confie, se sourit, on tente, avec la spontanéité complice d'une conversation à bâtons rompus, de définir le couple, le quotidien, la fidélité et les charmantes tentations de l'infidélité...On badine avec l'Amour...Un peu... Ce beau texte de Jules Renard reste au cœur de l'actualité en cet an 2013 où l'on a tant parlé de couple et de mariage...C'est une comédie très fine où l'on sourit sans cesse et réfléchit parfois...

Un tout petit texte savoureux de Jules Renard sur  les affres de la fidélité, l'irrésistible ennui de la conjugalité, les tentations de l'adultère et la magie de la séduction. Entre les deux personnages de cette courte comédie se tisse, en un jeu subtil et élégant, un flirt sans conséquence et sans lendemain puisque l'héroïne, pas dupe, dégrise doucement son "adversaire", avec tendresse et un rien de jubilation : il est tellement doux d'être courtisée ! Les deux acteurs, quoique d'âges fort éloignés, sont justes et parfaitement crédibles, le texte est discret et grave, sans affectation ni facilités inutiles.


La pitié dangeureuse de Stefan Zweig
Théâtre du Petit Louvre, Templiers avec Elodie Menant, Arnaud Denissel, Maxime Bailleul, Philippe Risler, Jean-Charles Rieznikoff, Alice Pehlivanyan


1913, dans une petite ville de garnison autrichienne, le jeune officier de cavalerie, Anton Hofmiller, fait la connaissance d'Edith Kekesfalva, une demoiselle paraplégique. Pris de compassion pour elle, il lui rend visite régulièrement. Edith en tombe follement amoureuse. Comment réagir face à cet amour? Quels sont les limites et les dangers de la pitié? Non-dits, réparties cinglantes, Stefan Zweig nous livre une sublime histoire d’amour poignante et captivante.
 
C'est un roman de Zweig, son seul roman achevé paraît-il, mais qui, adapté avec intelligence à la scène, devient une véritable pièce, parlant du handicap et des préjugés sociaux. L'oeuvre raconte l'histoire d'un jeune officier autrichien, d'origine modeste et fort préoccupé du "qu'en dira-t-on", qui suscite malgré lui l'amour d'une jeune paralytique, fille d'un riche juif de sa ville de garnison. Le thème du bon ou du mauvais usage de la pitié y est traité avec une certaine force, et les états d'âme de cet homme sensible face à la misère humaine de cette jeune handicapée, constituent un beau sujet de réflexion.
Qu'on en juge par cette phrase tirée de l'introduction du roman et qui résume bien la teneur du propos  : "Il y a deux sortes de pitié. L'une, molle et sentimentale, qui n'est en réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser au plus vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la souffrance d'autrui, qui n'est pas du tout la compassion, mais un mouvement instinctif de défense de l'âme contre la souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu'elle veut et est décidée à persévérer jusqu'à l'extrême limite des forces humaines." Très bien jouée, mise en scène avec inventivité et sans faux pas, la pièce mérite vraiment d'être vue.



Thermidor-Terminus, la mort de Robespierre d'André Benedetto
Théâtre des Carmes avec Roland Timsit et Julien Lucas


Jeté en prison à son retour de mission, Philippe Buonarroti, futur auteur de la conspiration des égaux, y retrouve Maurice Duplay qui logeait Robespierre. Vieux amis parlant d’un ami, ils évoquent l’incorruptible leur héros, ses luttes, ses amours, sa fiancée et sa fin sur l’échafaud. Dernières traces d’utopie. Inévitables. Buonarroti absent un an, veut tout savoir de ce qui s’est passé. Comprendre enfin. Duplay ne sait pas tout, ne dit pas tout, raconte Thermidor comme il peut.

Un texte lyrique et foisonnant de Benedetto qui fait dire en sortant "Va falloir qu'on se penche sur ces journées de thermidor" ! Car le texte est savant, un tantinet difficile mais étonnamment riche sur les derniers jours de Robespierre, ses doutes et surtout ses idéaux, déçus bien évidemment, et sur sa défaite, inévitable. Il se propose de  briser les idées fausses et les mensonges qui pèsent sur le révolutionnaire au cœur pur, auquel l'Histoire a surtout attribué la responsabilité de la Terreur, présenté volontiers par ses détracteurs comme un dictateur en puissance. Une pièce qui ne fait pas de racolage, sérieuse et engagée, fort bien servie par deux acteurs très convaincants.

OFF 2013 - BILAN

2 commentaires:

  1. Je dois aller y faire un tour en fin de festival, je poursuis mon repérage, je note tes avis! Bonne soirée!

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  2. Cette suite d'articles est super intéressante ! chaque année nous y allons au moins une journée, cette fois-ci, on va pouvoir faire le tri trés tôt ! merci Michelaise !

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