jeudi 11 juillet 2013

AVIGNON OFF 2013-3

En italique, la présentation par la troupe, ensuite mon avis sur la pièce


Qui es-tu Fritz Haber de Claude Cohen
Théâtre La Luna avec Xavier Lemaire et Isabelle Andréani

L’ultime confrontation du couple de chimiste Clara et Fritz Haber au soir de la 1ère utilisation des gaz de combat dans les tranchées de la guerre 14/18 ! Clara ne peut accepter que l’armée allemande utilise ce mortel gaz chloré que son mari vient d’inventer. Ce soir de mai 1915, nous allons être les témoins de la violente dispute qui met en lumière leurs multiples désaccords sur la religion, la science, la vie jusqu’à la tragédie… Un scientifique peut-il s’affranchir de toute considération morale ? Cette pièce claque et réveille nos consciences, servie avec brio par I. Andréani et X. Lemaire qui nous avaient régalé à la Luna dans "l'Echange" et "Le Jeu de l'Amour et du Hasard".

LA pièce de "notre" festival : nous sommes allés voir Qui es-tu Fritz Haber sans avoir la moindre idée de ce qui nous attendait. Simplement sur le nom des deux comédiens, Isabelle Andréani et Xavier Lemaire, vus l'an dernier dans un superbe Echange de Claudel et fort appréciés. Pour le reste, le thème de la pièce, j'avoue avoir un peu regimbé en disant à Alter que cette histoire de gaz asphyxiants ne m'attirait pas trop. Mais quelle erreur : non seulement les deux acteurs sont magnifiques, vraiment, mais surtout le texte est absolument captivant. Dans le sens où, sans la moindre seconde de défaillance, il capte l'attention et, ni manichéen, ni simplificateur, initie un débat d'une brûlante actualité. 


Fritz Haber, le scientifique au double visage, inventeur d'un grand bienfait pour l'humanité, qui, grâce à la synthèse de l'ammoniac à partir de l'azote atmosphérique, permit en fabricant des engrais de juguler la faim dans le monde, mais aussi initiateur de la guerre chimique à cause de "sa" funeste Hypérite, nous est présenté sans concession mais pas sans nuances. On y parle de progrès technique, d'humanité, d'antisémitisme, du besoin de reconnaissance sociale, de l'ambition dévastatrice, de la religion, de toutes les religions, de la lente désillusion dans le couple, de la mort de l'admiration réciproque... on y évoque surtout le rôle des scientifiques dans la société civile et l'impact, parfois incontrôlé, de leurs inventions. Et comment l'homme, fasciné par les progrès qui lui apportent confort et bien-être, joue volontiers à l'apprenti sorcier, farouchement et volontairement ignorant des conséquences de ses choix. Mais le texte est fin, quoique fort. Il ne prend pas position pour l'un ou l'autre des protagonistes, le débat reste entier et puissant. Le tout servi par deux acteurs impeccables, prenants, émouvants et vous tirant vraiment des larmes. C'est impressionnant, et, pour nous, c'est le plus beau spectacle de notre OFF. A ne rater sous aucun prétexte.


La Dame au Petit Chien d'Anton Tchekov
Théâtre Notre Dame avec Gaelle Merle et Jean-François Garreaud

Claude Merle captive notre imagination. Portée par la qualité d'interprétation des deux comédiens au talent consommé, la mise en scène d'Anne Bouvier hisse ce spectacle au rang d'excellence. Gaëlle Merle et Jean-François Garreaud nous livrent une prestation toute en finesse. Ils subliment une histoire somme toute banale de la vie pour en faire un petit joyau. On se laisse transporter dans la Russie du début du XXe siècle. VAUCLUSE MATIN 
Le temps est comme suspendu... ce n'est pas à entendre, ce n'est pas à regarder, c'est à vivre. On y croit, on est emporté, on sourit et on pleure. Une adaptation brillante. THEATRORAMA

Une charmante petite pièce, un peu inconsistante, même si, comme souvent dans Tchekov, elle est bourrée de remarques désabusées sur l'insatisfaction de vivre un bonheur simplement quotidien et sur le besoin d'être réveillé par des émotions nouvelles, fussent-elles artificielles. Un texte sensible, plein de nuances, égayé par une pointe d'humour, le tout sur fond de petit drame existentiel. Il ne se passe absolument rien, on est dans Tchekov n'est-ce pas, et les personnages sont nostalgiques et tristes, même dans leurs rares moments de joie. La mise en scène est, forcément, statique, mais sans excès. Le rythme lent, et les acteurs, surtout la femme, au diapason. Justes. 


L'Héritage de Maupassant
Théâtre Notre Dame avec Cindy Rodrigues, Samuel Debure, Pierre de Lengaigne, Henri Leguen

Lorsque la vieille tante meurt, ils apprennent avec stupéfaction qu'elle a ajouté une clause à son testament : il faut que le jeune couple ait un enfant pour pouvoir prétendre toucher l'héritage, faute de quoi au bout de trois ans l'argent devra être versé à des œuvres. Or malgré leurs ébats, les deux jeunes mariés n'ont toujours pas d'enfant. Le mari se révèle incapable de faire un enfant à sa femme. Le temps passe. Que faire pour ne pas perdre l'héritage ?"En adaptant la nouvelle de Maupassant Stéphane Rugraff a réussi la performance de montrer toute l'intelligence et l'humour corrosif de Maupassant qui se plait à dépeindre les ressorts cachés des comportements humains." FROGGY'S DELIGHT


Caustique, plein d'humour, amer et désenchanté, le texte de Maupassant est idéalement servi par une troupe efficace et pleine d'entrain. La mise en scène est bien rythmée, les scènes s’enchaînent sans temps mort, le rire est provoqué à bon escient et sans avoir recours à des procédés douteux et toute la troupe joue avec un réel talent. C'est drôle et pourtant cruel, puisqu'on est dans une nouvelle particulièrement désespérante sur la nature humaine, mais sans caricature et sans excès dans le trait désabusé.



Espace Alya avec Serge BALU, Grégory BRON, Benjamin DUBAYLE, Vincent DUBOS, Jean-Baptiste GUINTRAND, Sylvie GRAVAGNA, Philippe IVANCIC, Virginie RODRIGUEZ

Une comédie de capes et d’épées, d’amour et de pieds. L’intrigue est passionnante : Un héros particulièrement héroïque tombe amoureux d’une héroïne particulièrement pure mais un méchant particulièrement méchant n’est pas content du tout. Et voici Léonard, au rythme de l’alexandrin et de combats époustouflants, plongé dans une comédie épique qui, sous son apparente légèreté, attaque de taille et d’estoc les conventions, bouscule l’alexandrin, taillade la forme théâtrale, écorche la résignation sociale et tranche dans le vif des relations hommes-femmes. C’est Dom Juan tout de même…

L'an dernier, nous avions vu et aimé d'Artagnan Hors la Loi... alors pourquoi se priver de ce deuxième opus de cape et d'épée, excellente détente entre deux pièces amères sur la nature humaine, tant il est vrai que le théâtre contemporain est souvent désespérant. Est-ce à dire que notre société serait désespérée ? Pour autant, un bon moment de rire fait du bien parfois ! Bâtie en alexandrins contemporains, qui donnent au texte un rythme tout à fait sympathique, joué avec entrain, légèreté et vivacité par une troupe qui manie aussi bien le verbe que l'épée, c'est un excellent spectacle de détente, qui fait beaucoup rire, et fait passer au festivalier accablé de toute la douleur humaine un moment salvateur : un souffle d'air frais après tant de turpitudes.

OFF 2013 - BILAN

4 commentaires:

  1. MERCI pour tous ces commentaires...Avignon comme si on y était grâce à Michelaise ...que du bonheur !

    RépondreSupprimer
  2. très en vitesse - si tu y es encore, essaie d'aller voir le spectacle de Tonycello, tres drôle (vu à Paris il y a quelques semaines)
    blandine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Blandine, c'est raté ! on part demain... Mais qui sait, l'an prochain !!

      Supprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...