lundi 16 septembre 2013

LES VACANCES SONT FINIES


C'est l'histoire d'un petit garçon qui jouait de l'alto. Il avait environ 11 ans et il participait à un stage de cordes. Et là, il y avait pleins de "grands" qui l'éblouissaient !! Et ces grands jouaient à trois, à quatre, à cinq !! Le petit garçon se dit alors "quand je serai grand, moi aussi je veux faire de la musique de chambre". Parmi les grands, un jeune homme d'une vingtaine d'année qui semblait à l'enfant encore plus talentueux que les autres "quand je serai grand, je veux jouer avec lui". Et le petit garçon d'écouter, d'admirer, et de découvrir un trio particulièrement beau ... "C'est quoi ce trio ?" "Le trio de Beethoven opus 3 en mi bémol majeur" "Waouh !! moi aussi quand je serai grand, je jouerai ce trio de Beethoven".


Puis le petit garçon grandit, et, commençant une carrière de soliste, se mit à parcourir le monde. C'est au Japon qu'il rencontra un violoniste russe, "génial et fou" (je cite l'altiste !). Avec lequel il sympathisa, rêvant de jouer un jour avec lui.... Mais vous savez ce que c'est, une carrière de soliste, c'est ingrat, on ne choisit pas ses partenaires, on joue ici ou là, et votre agent gère votre carrière sans trop se soucier de vos états d'âme ! Et voilà que, un samedi de septembre de l'an 2013, l'altiste, Antoine Tamestit, se retrouva à La Roche Posay avec le violoniste croisé au Japon, Sergey Malov, le violoncelliste admiré du haut de ses 11 ans, Jérôme Pernoo et qu'ils jouèrent, je vous le donne en mille ?? le trio opus en mi bémol majeur de Beethoven ! Si vous aviez vu comme ils étaient heureux ces trois-là ! Leur interprétation respirait la joie de jouer, elle débordait d'esprit et d'éclats de rire, c'était un vrai bonheur de les voir et de les entendre.

Malov, Tamestit et Pernoo après le trio de Beethoven

Cette anecdote résume parfaitement l'ambiance des Vacances de Monsieur Haydn : détendue, décontractée, amicale et débordante du plaisir de jouer ensemble. Bien sûr, tout n'est pas toujours musicalement parfait, mais on ne va pas jouer les blasés, les grognons ou les ronchons. On ne garde de ces trois jours de musique intense que les bons souvenirs, et on gomme soigneusement les contrariétés, comme par exemple la pluie diluvienne qui nous a tous transformés en éponges dégoulinantes le samedi !

Guillaume Vincent et le quatuor Zaïde accompagnant Catherine Trottmann

Et des bons souvenirs, il y en a à la pelle : la découverte d'un tout jeune (il aura 22 ans dans quelques jours) pianiste, Guillaume Vincent : rieur, des mains XXL, un talent indéniable, attentif, précis, passionné... sûr qu'on va entendre parler de lui dans les années qui viennent. Et mignon comme tout en prime !! Le plaisir de retrouver, comme les années précédentes, le violoniste russe Sergey Malov qui maîtrise maintenant parfaitement sa viola di spalla et qui pratique le violon avec une virtuosité qui en fait un des grands du moment.

Sergey Malov et sa partition électronique, commandée au pied
 (à droite Antoine Tamestit)

Il fait merveille en musique de chambre, délicat, fougueux, très attentif à ses partenaires, et bien sûr, plein d'audace. L'interprétation du quintette avec clarinette de Mozart, où Paul Meyer et lui se répondaient avec humour, en faisant assaut d'ornementations pleines de charme et d'à propos, restera une des grands souvenirs de ce Festival. Et quelle sonorité somptueuse que celle de la clarinette de Paul Meyer !!


Dans les inattendus... la rétrospective de 7 courts métrages de Jean Rubak, dont il nous expliqua plaisamment que c'étaient des travaux "de vacances", réalisés lors que le studio qui l'employait était entre deux chantiers, et qui avaient pour lien la musique originale, toujours parfaitement adaptée et très inspirée de Jérôme Ducros. Car les "Vacances" de cette année étaient consacrées au compositeur qui fit polémique en décembre dernier lors d'une conférence au Collège de France intitulée "L'atonalisme... et après ??" Le petit monde de l'art et des artistes adore tout ce qui croustille et fait scandale et là, pas de doute, les gens branchés en ont eu pour leurs émotions !


J’avoue que tout cela fait vraiment sourire et j'ai trouvé le kakemono de Ducros, installé près du stand où l'on vendait ses disques, plein d'esprit ! Au lieu d'y lister les critiques enthousiastes pour inciter le chaland à acheter ses œuvres, il y décline en toute simplicité les remarques assassines, les piques perfides ... ce qui est sans doute finalement un excellent argument marketing ! Et Ducros, outre le fait qu'il est pianiste, accompagnateur et compositeur, s'adonne aussi très volontiers à la musique de films, de courts métrages en tout cas. Les petits films de Rubak sont tous délicieux, et je regrette vraiment de n'en avoir trouvé aucun sur internet pour vous les faire découvrir. Ses "noces de Viardot", directement inspirées des dessins d'une lettre de Musset(1) déplorant le mariage de Pauline Garcia et raillant le nez du futur est un vrai délice.


Dans "la politesse des rois", Jean Rubak est parti d'un incroyable dessin exécuté par Louis XIII en 1608, à l'âge de 7 ans et consigné en marge du journal de son médecin Hérouard. Il l'a animé pour illustrer une lettre d'une violence inouïe écrite pour un Louis XIV de 15 ans, exaspéré par la Fronde et prêt à trucider tous ses ennemis. Rubak a demandé à Jérôme Ducros de lui composer une musique adaptée, en partant des quelques notes de musique écrite par Louis XV (il a eu beaucoup de mal à les trouver !!) pour un refrain de chasse. D'autres films, réalisés pour le Festival du Film de La Rochelle ou avec des enfants d'Aytré après la tempête Xynthia, complétaient agréablement cet intermède cinématographique.


Quant au concert de clôture, qui réunit traditionnellement tous les musiciens autour du grand manitou du Festival, Jérôme Pernoo, il fut cette année encore, très joyeux. Le week-end s'est ainsi terminé, pour la plus grande joie du public, après le finale de la Symphonie des Adieux(2), par une pièce endiablée et très amusante jouée par les deux Jérôme, échangeant au passage leurs instruments, et par deux airs de Carmen chantés par la diva du Festival(3) et repris dans les vestiaires du gymnase (4) par les musiciens qui s'apprêtaient à fêter dignement la fin de la manifestation !! Entre eux !


(1) Je vous conseille d'aller sur le site de la RMN voir cette "BD" d'un genre particulier : en cliquant sur les images vous pourrez les voir dans de bonnes conditions sans que j'aie à me préoccuper d'obtenir une autorisation spéciale en les reproduisant dans ce blog (Avant toute utilisation, une autorisation doit expressément être demandée à la Bibliothèque de l’Institut de France)
(2) Écrite pour le Prince Nikolaus Esterházy, lors de son séjour au palais d'été d'Eszterháza, elle est particulièrement bienvenue pour marquer la fin des "Vacances" puisque, justement, Haydn la rédigea pour rappeler à son employeur que les musiciens, éloignés depuis trop longtemps de leur foyer avaient envie de voir se terminer ces vacances un peu longues à leur goût.
(3) Catherine Trottmann a accepté de remplacer en dernière minute la mezzo invitée, Nora Gubisch, clouée chez elle avec une extinction de voix... il était naturel de rendre hommage à sa prestation !! D'autant qu'elle nous a, durant ces trois jours, offert un défilé de "robes de princesse" tout à fait inusité dans ce Festival en jean !!
(4) Les concerts, éparpillés dans la Roche Posay, se déroulent, entre autres lieux, au gymnase : certes l'acoustique est moyenne, mais rien de dramatique et la salle est à la taille du concert final !!

Le quatuor Zaïde à l'église

3 commentaires:

  1. un festival qui respire la bonne humeur, voilà qui fait envie! Bonne journée!

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    1. La bonne humeur et la simplicité : personne ne se prend trop au sérieux même si, c'est normal, tout le monde est très pro !

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  2. Tiens, je m'étais demandé ce qu'avais serguey malov sur son pupitre - je n'avais jamais "en vrai" de partition électronique!

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