jeudi 17 octobre 2013

J.E. RENOUX ET LES INUITS


Une source permanente d'étonnement sur l'Internet ? On y trouve, on le sait, le pire et le meilleur certes, mais nous sommes toujours prêts, surtout nous, les "anciens" qui avons vécu "sans", "avant", à nous étonner des choses extraordinaires que cet outil nous permet de faire. Tout n'y est pas toujours rose, je vous l'accorde, ou du moins, il y a parfois beaucoup trop de "rose" justement. Mais un peu de discipline et de prudence permet d'éviter d'être pollué par cet aspect un peu repoussant du Net. Tout n'y est pas toujours bisounours non plus, on le sait pertinemment, mais là encore, un minimum d'éthique nous permet de défendre dignité et liberté. Même si, comme me le dit souvent, Alter, ce n'est qu'une goutte d'eau dans la mer, il faut savoir boycotter ce qui est fangeux, sordide et savoir affirmer "cela ne passera pas par moi". Un jour, j'en suis certaine, ce type de comportement fera des adeptes. Et c'est aussi une source inépuisable de chronophagie, surtout si on cède aux invites pressantes de ceux qui, de l'autre côte de la Toile, mettent en oeuvre tous leurs talents pour nous piéger. Mais là encore, on apprend à résister aux tentations qui finissent par glisser sur nous comme l'eau sur les plumes d'un canard.



Mais le plus surprenant est, et reste, la magie des blogs ... qui permet de découvrir, de partager, d'apprendre et aussi, et surtout faire de superbes "rencontres". C'est à la suite de l'un d'elles - il y en a tant que je ne peux les énumérer toutes - que j'ai eu envie d'écrire cet article. Il s'agit de la petite nièce de Jules Ernest Renoux, nouvelle présidente de l'Association créée par la belle-fille de ce dernier pour honorer la mémoire du peintre et qui a lu avec plaisir l'article que j'ai consacré à ce dernier après la découverte de son "matériel de campagne" au Petit Palais. Mahaut, vous trouverez ses commentaires sous l'article, m'a aidée à corriger quelques imprécisions et m'a donné d'intéressantes informations sur les toiles qui illustrent le billet. J'en profite pour vous inviter, si vous partagez ma conviction qu'il faut revaloriser les "petits" peintres, parfois très talentueux, les tirer de l'oubli et leur rendre enfin justice, à visiter le site qui lui est consacré et, qui sait, à adhérer à l'Association des amis d’Ernest Renoux ! Une "rencontre" parmi tant d'autres...



Éblouie que de tels moments puissent exister, je ne peux m'empêcher d'évoquer mon premier "cours d'internet", il y a plus de 25 ans. C'était une formation et on avait un brillant informaticien, pas très doué pour la pédagogie, qui tentait de nous expliquer cette nouveauté. Après nous avoir noyé sur des données superflues (comment ça marchait d'un point de vue technique, comment c'était les américains qui avaient mis le système au point pour des raisons militaires) il avait essayé de nous expliquer de quoi il s'agissait. Faut voir qu'on n'avait pas la moindre idée de quoi il retournait.




On imaginait juste un super Minitel et, comme le Minitel on pratiquait sans en faire tout un plat, tout cela paraissait du temps perdu. Or ce jour-là, comble de malchance, la liaison internet qu'il aurait voulu établir pour nous montrer ce "phénomène qui allait changer notre vie", ne fonctionnait pas et ne fonctionna pas de la journée. De toutes façons, nous disait-il, il n'existait alors que très peu de sites en français et pas vraiment passionnants (scientifiques ou techniques, enfin bref rien d'affriolant). Et il parlait, et il s'agitait sur son ordinateur, pestant, soufflant !! Et nous - vous imaginez un cours à des profs ! la pire épreuve qu'on puisse affronter surtout quand le matériel ne suit pas - nous étions très agités : riant, se moquant en douce, ironiques et pas très charitables. A la fin de cette journée mémorable, s'avisant que nous n'étions pas plus avancés qu'au début, n'ayant absolument pas compris à quoi rimait toute cette agitation, nous voyant septiques et voulant nous faire partager son enthousiasme pour cet outil d'avenir (ricanements dans les rangs), il arrêta brusquement ses trifouillis machine. Vous voyez ce que je veux dire avec mes trifouillis ... car nous nous sommes tous battus, un jour ou l'autre, avec une liaison récalcitrante ! Il s'épongea le front, et nous observa, goguenards et l'air faussement penauds.
 - Bon alors, ça sert à quoi ce truc là ? 
 - A entrer en contact avec le monde, à partager des données, des informations.
 - Des informations ? Mais on a déjà ce qu'il faut pour cela, presse, télévision, Minitel (eh eh, y a pas que le Minitel Rose ?? raillaient les cancres au fond de la classe) ... pfffff ! et... des données ?? (à l'époque, à part les données d'un problème mathématique, le commun des mortels ne voyaient pas trop ce que pouvaient être une base de données !)  
 - Ben oui, comme une grande bibliothèque, une vaste mutualisation des connaissances... 
 - Oups Babel quoi !!
Ne se laissant pas interrompre : 
 - Si chacun met sur "la toile" (il y tenait à son image de toile d'araignée, et nous pouffions à chaque fois) ce qu'il sait, ce qu'il a découvert, tous y auront accès et ajouteront à leur tour leur réflexion et feront progresser la connaissance : ce sera cela, la mutualisation.



Silence un peu contrit dans la salle, nous étions des profs tout de même, respectueux de la connaissance, et prêts pour le coup à accepter l'idée d'une vaste mise en commun des  acquis, des techniques, des "secrets" pour faire progresser le monde. On ne voyait pas trop comment des gens "donneraient" gratuitement de leur temps pour partager tout cela avec d'autres, on comprenait mal comment cela se passerait d'un point de vue technique (problème de langue, problème de cultures ...), mais bon, il nous avait calmés. Quand, soucieux d'affirmer son avantage, il commit l'erreur fatale en ajoutant : 
 - Et on pourra se faire des amis dans le monde entier !
 - ???!!! ben voyons ...
 - Oui, on pourra discuter avec ... (là il hésita pour frapper plus fort, être plus convaincant) ... des inuits.



Le grand éclat de rire général qui salua cette dernière saillie résonne encore à mes oreilles. Discuter avec des inuits, mais à quoi cela allait-il nous servir ???? L'affaire était entendue, il jeta l'éponge et se dit que, finalement, les ordinateurs, fussent-ils récalcitrants, étaient de bien plus agréables compagnons qu'une classe de profs dissipés !

On se sépara fraîchement et, en sortant, les commentaires allaient bon train "N'importe quoi, les inuits ?? Pourquoi pas les anges aussi !! mais quelle idée de faire tant d'histoires pour un tel gadget qui ne sortira pas du cercle très restreint et très spécial des milieux informatiques... l'Éducation Nationale a bien de l'argent à gaspiller pour nous offrir des telles formations, alors qu'on aurait besoin de trucs sérieux etc etc ..."

Et puis, le temps est passé très vite, et la toile s'est développée très rondement et très fort ! J'ai été, peut-être à cause de ce formateur pathétique, une des premières à user et abuser de la mutualisation, avec les mises en lignes de cours fabuleux de littérature quand je faisais l'école à mes filles, les partages d'informations méthodologiques, des tas d'informations inattendues que je récupérais avec bonheur. Je suis toujours émerveillée par l'énergie que déploient certains pour mettre à disposition des documents épuisés, des articles introuvables, des recherches passionnantes. On nous offre même, depuis peu, des cours de fac à suivre en direct (vous avez forcément entendu parler des MOOCs).

Tant et si bien que je me suis dit que je ne pouvais pas passer ma vie à prendre sans donner. C'est pour cela que je "chiade" tant mes articles sur les expositions pas trop médiatisées, sur les artistes peu documentés ou sur certaines visites d'endroits peu connus : je me dis que ça pourra toujours servir à quelqu'un, un jour... Et de fait, les arguments de recherche le prouvent, ces articles là sont ceux qui ont la meilleure survie dans le temps !


Et puis, petit à petit, j'ai, moi aussi, rencontré des inuits !! Oui, nous avons tous fait l'expérience de ces échanges sur des passions communes d'où naissent, parfois, de véritables amitiés, improbables, incroyables mais tellement sincères car basées sur des goûts communs, secret de la bonne entente. Et, sans doute parce nous sommes de la génération "d'avant internet", la spontanéité, la richesse, la sincérité de ces échanges choisis nous étonne à chaque fois, on les reçoit toujours comme un don, comme un merveilleux tour de magie. 

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Images :
La photo d'inuits vient de là. Merci ! L'autoportrait d'Ernest Renoux vient de Wikipédia. Les autres illustrations sont des montages persos issus d'images internet.

2 commentaires:

  1. Même sur une île déserte on peut avoir internet maintenant
    Peut-être verra-t-on les ordinateurs du futur où les électrons seront remplacés par la lumière

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  2. Entre les inuits et l'île déserte, on en a parcouru du chemin !!

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